que si je lui eusse déclaré la guerre, et que je l’isolais de manière à l’anéantir.
Ce coup a retenti en Hollande. V. M. a imploré ma générosité , et en a appelé
à mes sentimens de frère, a promis de changer de conduite: j’ai pensé que cet
avertissement serait suffisant. J’ai levé la prohibition de mes douanes; mais bientôt
V. M. est revenue à son premier système. Il est vrai qu’alors j’étais à Vienne, et
que j’avais une pesante guerre sur les bras, Tous les bâtimens américains qui se
présentaient dans les ports de Hollande, tandis qu’ils étaient repoussés de ceux de
France, V. M. les a reçus. J’ai été obligé une seconde fois de fermer mes douanes
au commerce hollandais : certes, il était difficile de faire une déclaration de guerre
plus authentique. Dans cet état de choses, nous pouvions nous regarder comme
réellement en guerre. Dans mon discours au corps législatif, j’ai laissé entrevoir
mon mécontentement ; et je ne vous cacherai pas que mon intention est de réunir
la Hollande à la France comme complément de territoire, comme le coup le plus
funeste que je puisse porter à l’Angleterre, et comme me délivrant des perpétuelles
insultes que les meneurs de votre cabinet ne cessent de me faire. En effet,
l’embouchure du Rhin et celle de la Meuse doivent m’appartenir. Le principe en
France que le talweg du Rhin est notre limite est un principe fondamental. V. M.
m’écrit, dans sa lettre du 17, qu’elle est sûre de pouvoir empêcher tout commerce
de la Hollande avec l’Angleterre; qu’elle peut avoir des finances, des flottes, des
armées ; qu’elle rétablira les principes de la constitution en ne donnant ancun
privilège à la noblesse, en réformant lès maréchaux. grade qui n’est qu’une caricature,
et qui est incompatible avec une puissance du second ordre; enfin qu’elle
fera saisir les entrepôts de marchandises coloniales, et tout ce qui est arrivé sur
des -bâtimens américains qui n’auraient pas dû entrer dans ses ports. Mon opinion
est que V. M. prend des engagemens qu’elle ne peut pas tenir, et que la réunion
de la Hollande à la France n est que différée. J’avoue que je n’ai pas plus d’intérêt
à réunir à la France les pays de la rive droite du Rhin, que je n’en ai à y réunir
le grand-duché de fierg et les villes Anséatiques. Je puis donc laisser à la Hollande
la rive droite du Rhin, et je lèverai les prohibitions ordonnées à mes douanes,
toutes les fois que les traités existans, et qui seront renouvelés, seront exécutés.
Voici mes intentions;
1°. Interdiction de tout commerce et de toute communication avec l’Angleterre;
2°. Une flotte de quatorze vaisseaux de ligne, de sept frégates, et de sept bricks,
ou .Corvettes années et équipées;
3°, Une armée de terré de vingt-cinq mille hommes;
4°. Suppression des maréchaux; -
5°. Destruction de tous les privilèges de la noblesse, contraires à la constitution
que j’ai donnée et que j’ai garantie.
V. M. peut faire négocier sur ces bases avec le duc de Cadore, par l’entremise
de son ministre; mais elle peut être certaine qu’au premier paquebot, au premier
bâtiment qui sera introduit en Hollande, je rétablirai la défense des douanes ; qu à
la première insulte qui sera faite à mon pavillon, je ferai saisir à main armée èt
pendre au grand mât l’officier hollandais qui se permettra d’insulter mon aigle,
V. M. trouvera en moi un frère, si je trouve en elle un Français; mais, si elle
oublie les sentimens qui l’attachent à la commune patrie, elle ne trouvera pas
mauvais que j ’oublie ceux que la nature a placés entre nous. En résumé, la réunion
de la Hollande à la France est ce qu’il y a de plus utile à la France, à la Hollande
et au continent ; car c’est ce qu’il y a de plus nuisible à l’Angleterre. Cette réunion
peut s’opérer de gré ou de force. J’ai assez de griefs contre la Hollande pour lui
déclarer la guerre. Toutefois, je ne ferai pas ue difficulté pour me prêter à un
arrangement qui me cédera la limite du Rhin, et par lequel la Hollande s engagera
à remplir les conditions stipulées ci-dessus. ■
Votre affectionne frère,
A Trianon, le 21 décembre 1809. (Sjgné;| Nii,0LÉ0N.
Note du Ministre des relations exteriemes à M. le Baron Boell, Ministre
des affaires étrangères: de Hollande.
Le soussigné, ministre des relations extérieures de France, est chargé de faire
connaître â S. Ex. M. le baron Rôell, ministre des affaires étrangères de HoL
lande, les déterminations auxquelles la situation actuelle de l’Europe oblige S, M. I.
Si çes déterminations sont de nature à contrarier le voeu des Hollandais, 1 empereur
en est fâché sans doute, et ne les prend qu’avec regret ; mais l’impitoyable destinée
qui préside aux affaires de ce monde, et qui veut que les. hommes soient entraînés
par les événemens, oblige S. M. de suivre d’un pas ferme les mesures dont la nécessité
mi est démontrée» sans se laisser détourner par des considérations secondaires.
§. M. I., en plaçant un de ses frères sur le trône de Hollande, n’avait pas prévu
que l’Angleterre oserait proclamer ouvertement le principe d’une guerre perpétuelle,
et que, pour le soutenir, elle adopterait pour base'de sa législation les monstrueux
principes qui ont dicté ses ordres du conseil de novembre 1867. Jusqu’alors, son
droit maritime était sans doute combattu par la France et repoussé parles neutres;
mais enfin Ün excluait pas toute navigation, et laissait encore une sorte d’indépendance
aux nations maritimes, Il y avait peu d’inconvénient pour la cause commune
à ce que la Rolland e commerçât avec l’Angleterre, soit, par l’entremise des neutres,
soit en empruntant leur pavillon I Marseille, Bordeaux, Anvers, jouissaient du même
avantage L’Angleterre avait encore à ménager les Américains, les Russes, les
Prussiens, les {suédois, et les. Danois; et ces nations formaient une sorte de lien
entre les puissances que les mers séparent.
La quatrième coalition a détruit cet état de choses ; l’Angleterre?, parvenue a
réunir contre la France la Russie, la Prusse et la Suède, ne s est plus vue obligée
à tant de ménagemens ; c’est alors qu’abusant et des mots et des choses, elle a
élevé la prétention de faire taire et disparaître tous les droits des neutres devant
un simple décret de blocus. L’empereur a été forcé duser de représailles, et à
son entrée à Berlin, il a répondu au blocus de la France par la déclaration du
blocus des îles britanniques.. Les neutres, et surtout les Amérioams, demandèrent
des explications sur cette mesure. Il leur fut répondu que, ^ quoique^ 1 absurde
système de bloquer un État tout entier fut une usurpation intolérable, l’empereur
se bornerait à arrêter sur le continent le commerce des Anglais; que le pavillon
neutre serait respecté sur mer; que ses bâtimens de guerre et ses corsaires ne
troubleraient point la navigation des neutres, le décret, ne devant avoir exécution
que sur terre. Mais cette exécution même, qui obligeait de fermer les ports delà
Hollande au commerce anglais, blessait les intérêts mercantiles du peuple hollandais,
et contrariait ses anciennes habitudes ; premières sources de ! opposition secFète qui
commença à exister entre la France et les Hollandais. Dès lors S, M- l entrevit
avec douleur que le roi de Hollande allait se trouver placé entre ses premiers et
ses plus imprescriptibles devoirs, ses deyoirs envers le trône impérial et 1 opinion
mercantile de la nation hollandaise. Dépendant S. M. I s arma de patience et ferma
les yeux, attendant du bienfait des évenemens un incident qui pût tirer son frère
de la douloureuse alternative où cette position le mettait,