t La cinquième coalition éclata. Ces nouveaux événemens tournèrent encore à
1 avantage de la France. Les seuls ports par lesquels l’Angleterre conservait une
communication avouée avec le continent, passèrent, avec les Provinces Illyriennes,
au pouvoir de V. M., par le traité de Vienne, et les alliés de l’empire virent
s’accroître leur puissance.
Les arrêts rendus, par le conseil britannique avaient bouleversé les lois du commerce
du monde; l’Angleterre, dont l’existence toute entière est attachée au commerce, jetait
ainsi le désordre parmi le commerce des nations. Elle en avait déchiré tous les
privilèges. Les décrets de Berlin et de Milan répoussèrent ces nouveautés monstrueuses.
La Hollande se trouva dans une position difficile; son gouvernement n’avait pas une
action assez énergique, ses douanes offraient trop peu de sécurité, pour que ce
centre du commerce du continent demeurât plus long-tems isolé de la France. V. M.
pour l’intérêt de ses peuples et pour assurer l’exécution du système qu’elle opposait
aux actes tyranniques de l’Angleterre, se vit forcée de changer le sort de la Hollande.
Cependant V. M. constante dans son système et dans son désir de la paix, fit
entendre à l’Angleterre qu’elle ne pouvait sauver l’indépendance de la Hollande,
qu’en rapportant ses arrêts du conseil ou en adoptant dés vues pacifiques. Les
ministres d’une nation commerçante traitèrent avec légèreté une ouverture d’un si
grand intérêt pour son commerce. Us répondirent que l’Angleterre ne pouvait rien
au sort de la Hollande. Dans les .illusions de leur orgueil, ils méconnurent les
motifs de cette démarche; ils feignirent d’y voir l’aveu de l’efficacité de leurs arrêts
du conseil, et la Hollande fut réunie,}. Puisqu’ils l’ont voulu, S ire , je crois
utile aujourd’hui, et je propose à V. M. de ronsolider cette réunion par les formes
constitutionelles d’un sénatus consulte.
. La réunion des villes Anséatiques, du Lauenbourg, et de toutes les côtés; depuis
l’Elbe jusqu’à l’Ems, est commandée'par les circonstances.. Ce territoire est déjà
sous la domination de V. M.
Les immenses magasins d’Helgoland menaceraient toujours de s’écoulër sur le
continent, si un seul point restait ouvert au commerce anglais sur les côtes de la
mer du Nord, et si les embouchures du Jade, du Weser et de l’Elbe ne lui étaient
pas fermées pour jamais.
Les arrêts du conseil britannique ont entièrement détruit les privilèges de la
navigation des neutres, et V. M. ne peut pliïs approvisionner ses arsenaux et avoir
une route sûre pour son commerce avec le Nord, qu'au moyen de la navigation
intérieure. La réparation et l’agrandissement du cànal déjà existant entre Hambourg
et Lubeck, et la construction d’un nouveau canal qui joindra l’Elbe au Weser et
le Weser à l’Ems, et qui n’exigera que quatre à cinq ans de travaux et une dépense
de quinze à vingt-millions, dans un pays*où la nature n’offre pas d’obstacles,
ouvriront aux negocians français une voie économique, facile et à l’abri dé tout
danger. Votre empire pourra commercer en tout tems avec la Baltique, envoyer
dans le Nord les produits de son sol et de ses manufactures, et en tirer les productions
nécessaires à la marine de V. M.
Les pavillons de Hambourg, de Brème et de Lubeck, qui errent aujourd’hui sur
les mers, dénationalises par les arrêts du conseil britannique, partageront le sort
du pavillon français, et concourront avec lui, pour l’intérêt de fa cause commune,
au rétablissement de la liberté des mers.
La paix arrivera enfin; car tôt ou tard les grands intérêts des peuples, de la
, ) Voir les pièces intitulées Démarches du ministère hollandais.
justice et de l’humanité, l’emportent sur les passions et sur la haine ; mais l’expérience
de soixante années nous a appris que la paix avec l’Angleterre ne peut jamais
donner au commerce qu’une sécurité trompeuse. En 1 7 5 6 , en février 1 795, en
1801 à l’égard de l’Espagne, comme en mai 1 8 0 3 , à l’époque de la violation du
traité d’Amiens, l’Angleterre commença les hostilités avant d’avoir déclaré la guerre.
Des bâtimens qui naviguaient sur la foi de la paix furent surpris ; le commerce fqt
dépouillé ; des citoyens paisibles perdirent leur liberté, et les ports de l’Angleterre
se remplirent de ses honteux trophées. Si de tels exemples devaient se renouveler
un jour, les voyageurs, les négocians anglais. leurs propriétés et leurs personnes
saisies dans nos ports depuis la mer Baltique jusqu’au golfe Adriatique, répondraient
de ces attentats ; et si le gouvernement anglais, pour faire oublier au peuple de
Londres l’injustice de la guerre, lui donnait encore le spectacle de ces prises faites
au mépris du droit des nations, il aurait aussi à lui montrer les pertes qui en
seraient la conséquence,
S i r e , aussi long-tems que l'Angleterre persistera dans ses arrêts du conseil,
V. M. persistera dans ses décrets. Elle opposera au blocus des côtes le blocus
continental, et au pillage sur les mers la confiscation des marchandises anglaises
sur le continent.
Il est de mon devoir de le dire à V. M. Elle ne peut espérer desormais .de
ramener ces ennemis à des idées plus modérées que par sa persévérance dans ce
système. Il en doit résulter un tel état de malaise pour l’Angleterre, qu’elle sera
forcée de reconnaître enfin qu’on ne peut violer les droits des neutres sur les mers,
et en réclamer la protection sur le continent; que l’unique source de ses maux est.
dans ses arrêts du conseil, et que cet agrandissement de la France qui long-tems
excitera son dépit et sa jalousie, elle le doit aux passions aveugles de ceux qui,
violant le traité d’Amiens, rompant la négociation de Paris, rejetant les propositions
de Tilsitt et d’Erfurth, dédaignant les ouvertures faites avant la réunion de la
Hollande, ont porté les derniers coups à son commerce et à sa puissance, et
conduit votre empire à l’accomplissement de ses hautes destinées.
Je suis avec respect,
S ir e ,•••
De Votre Majesté Impériale et Royale,
Le très-fidèle et très-dévoué serviteur et sujet,
Paris, le 8 décembre 1810. Champagnv, Duc de Cadore.
Ce rapport était accompagné des pièces relatives aux négociations avec
1?Angleterre et les pièces intitulées : „Démarches du ministère hollandais.”
Après la lecture du rapport du Ministre, et des pièces, dont il était
accompagné, MM. les Comtes Regnaud de Saint Jean-d’Angely et
Caffarelli, présentèrent trois projets de Sénatus-Consulte ; le premier
portant réunion de la Hollande et des villes Anséatiques, le second
fixant l’apanage du Roi Louis-Napoléon, en sa qualité de Prince français,
et le troisième touchant la réunion du Valais, sous le nom de département
du Simplon.
Yoici celui relatif à la réunion de la Hollande et des villes Anséatiques.