Le jeune Roi Napoléon-Louis, généralement connu sous le nom de
Duc de Berg, après avoir été complimenté comme second Roi de
Hollande, ne porta la couronne Royale que pendant sept jours. L’Empereur
Napoléon I , l’ayant pris sous sa protection, il fut élevé auprès
de lui. A son arrivée en France, l’Empereur le reçut avec bonté, le
tint longtemps embrassé et lui dit: //Venez, mon fils, je serai votre
z/père ; vous n’y perdrez rien. La conduite dé votre père afflige mon
„coeur; sa maladie seule peut l’expliquer. Quand vous serez grand, vous
//payerez sa dette et la vôtre.- N’oubliez jamais, dans quelque position
z/que vous placent ma politique e t l’intérêt de mon Empire, que vos
//premiers devoirs sont envers moi, vos seconds envers la France,
z/tous vos autres devoirs, même ceux envers les peuples que je »pourrais
//vous confier, ne viennent qu’après.”
Le Duc de Berg et son frère le Prince Charles-Louis-Napoléon,
aujourd’hui S. M. Napoléon H t , Empereur des Français, habitèrent un
pavillon du parc de Saint-Cloud.
Il est certain, que l’Empereur Napoléon I n’aurait jamais réuni la
Hollande à son Empire, si des circonstances impérieuses ne l’y avaient
amené. Si en effet cette réunion avait été dans ses intentions, il aurait
pu l’effectuer déjà lors de l’avénement de S. M. Louis-Napoléon au trône
de Hollande; il faut l’avouer, il y avait alors des Hollandais qui
ne désiraient que la réunion à la France. L’Empereur lui-même écrivit
à son frère le Roi de Hollande : //Quand Votre Majesté est montée sur
z/le trône de Hollande, une partie de la nation hollandaise désirait la
//réunion à la Francej; l’estime que j’avais puisée dans l’histoire pour cette
z/brave Nation m’a porté à désirer qu’elle conservât son nom et son
//indépendance e te ” ¡§ Aussi l’Empereur voulut-il donner, à la conservation
de l’indépendance nationale de la Hollande, une garantie sérieuse
lorsqu’il stipula dans l’article 21, seconde section, de la constitution de ce
Royaume, que les couronnes de France et de Hollande ne pourraient jamais
être réunies sur la même tête. On voit par là, que la nécessité peut amener
un Souverain à modifier complètement les projets qu’il peut avoir conçus.
En 1814, l’Empereur Napoléon I rejeta Vultimatum, de Châtillon,
i ) Documents historiques sur la Hollande, Tome I I I , page 103.
signé par l’Angleterre, l’Autriche, la Russie et la Prusse, et dont
les conditions étaient: 1° l’abandon de toute l’Italie, de la Belgique, de
la Hollande et des départemens du Rhin ; P l’obligation, pour la France,
de rentre r dans les limites qu’elle avait avant 1792 ;• .il ; consentit à
faire aux circonstances le sacrifice de la Hollande et de l’Italie, mais
il se refusa à abandonner les limites des Alpes et du Rhin, la Belgique,
et spécialement Anvers. Ce fier refus prouve assez clairement qu’il ne tenait
pas tant à posséder la Hollande, mais il désirait qu’elle fut pour lui une
fidèle alliée, et qu’elle eût de la consistance et de la force. D’ailleurs, rien
ne nous paraît plus grand que cette réponse. Loin de partager l’opinion de
ceux qui attribuent cet acte à l’excès de l’ambition de l’Empereur, il nous
semble au contraire, que jamais il ne s’est montré plus digne du trône,
que le jour où i l ne crut pas pouvoir le conserver au prix de l’honneur
de son peuple. En effet, c’était avant l’époque où l’Empereur Napoléon I
devint le chef de la monarchie française, que la France avait conquis les
limites du Rhin et des Alpes, et incorporé la Belgique; aussi l’Empereur
ne se reconnut-il ni le droit ni le pouvoir de l’en dépouiller, alors même
que la conservation de son trône en dépendait. En agissant autrement
il eut faussé le serment qu’il avait fait, lors de son couronnement comme
Empereur, de maintenir l’intégrité de l’Empire. Ce n’était pas le cas
pour la Hollande, qu’il réunit plus tard lui-même à la France comme
nous venons de le voir.
En abdiquant, le Roi Louis-Napoléon laissa les soins du gouvernement
de son Royaume à son fils ainé, alors âgé de cinq ans et demi seulement,
sous la régence de la Reine Hortense, qui ne s’était peu occupée
des affaires du pays« De cette manière la Hollande n’aurait pas tardé à
n’être gouvernée que par le conseil des nationaux, qui, d’après l’article
24 de la constitution du Royaume, devait assister la Reine, en sa qualité
de Régente, pendant la minorité du R o i, et elle serait rentrée ainsi
presque dans la même position, d’où l’Empereur Napoléon I l’avait tirée,
lorsqu’il lui donna son frère pour Roi ; c’est-à-dire celle d’un État sans
consistance et sans ^ gouvernement fixe, et par suite dangereux pour la
France, dont-elle couvrait les frontières septentrionales. Aussi par cet
acte la réunion devint-elle inévitable au point de vue de l’intérêt de
la France, et du système adopté par Napoléon I contre l’Angleterre.