Le cortège s'étant approché des portes de la v ille , LL. MM. furent
reçues au bruit du canon et au son des cloches ; une double file de
gardes nationales bordaient les rues par lesquelles LL. MM. devaient passer.
Toutes les maisons étaient ornées de festons et de banderolles qui produisaient
l'effet le plus pittoresque. Les autorités écclésiastiques, dont
LL. MM. devaient passer les temples, se trouvaient rangées en costume
devant les portes des églises. Des orchestres placés de distance en distance
animaient la scène. Une foule immense bordait les rues, toutes les fenêtres
en étaient garnies; les cris de Vive V Empereur! Vive VImpératrice ! ne cessaient
d'accompagner partout LL. MM. depuis le moment de leur entrée
dans la ville.
A Amsterdam le peuple, qui avait été très affligé de la perte de son
indépendance nationale, et qui avait versé des larmes sur le Souverain
qu'il venait de perdre, trouvait déjà un certain dédommagement dans
l'élévation de sa ville au rang de troisième ville de l'Empire; et lors de
la visite de l’Empereur dans cette capitale, la population fut tellement
flattée, qu'à sa vue elle était comme électrisée, et lui manifesta les
sentiments d'affection les plus enthousiastes. On allait même si loin en
Hollande, qu'on appela l'Empereur le Dieu de Vavenir. t) L'ivresse porta
le peuple à l'idolatrie la plus exaltée ; non seulement les journaux, les
discours qu'on adressa à l'Empereur, les couplets qui furent faits à cette
occasion, respirent tous le même esprit d'adulation, mais encore plusieurs
témoins nous ont assuré que l'allégresse et l'enthousiasme était à son
comble.
Peut-on reconnaître dans de pareilles manifestations, ce peuple, qui, peu
de temps auparavant non satisfait de la liberté dont il jouissait, osa accuser
le Prince d'Orange de tyrannie et d'oppression? Reconnaîtrait-on dans
ces démonstrations, ce même peuple, qui se livrant à cette anarchie, qu'il
lui plut de qualifier du beau nom de liberté, força le Stadhouder de
s'exiler en Angleterre? Cependant il y eut aussi des personnes., qui,
malgré leur admiration pour le génie de l'Empereur, ne lui pardonnèrent
jamais d'avoir détruit l'indépendance de leur patrie en la réunissant à la
France, et qui refusèrent de servir l'Empire, comme plusieurs personnes
j) Courrier d’Amsterdam, du 13 octobre 1811, n°. 287.
dévouées à la maison d'Orange avaient déjà refusé de servir la république
Batave.
Arrivé au palais d'Amsterdam, l'Empereur reçut les Ministres, les
Sénateurs et Conseillers d'État présents en cette ville; ensuite, S. A. S. le
Prince Gouverneur-Général présenta à S. M. les fonctionnaires supérieurs,
les autorités militaires des divisions de terre et de mer, les autorités du
département, le Conseil général, le tribunal de première instance, la
chambre de commerce, M. le Maire avec ses adjoints et le Conseil municipal
, les chefs de la garde d'honneur et de la garde nationale et les
Ministres des cultes. Le soir toute la ville était illuminée.
Le 10 octobre l'Empereur s'embarqua dans une chaloupe, accompagné
d'une suite très peu nombreuse; il visita le grand chantier et plusieurs
points du port. A une heure de l'après midi, l'Impératrice reçut les
compliments des autorités qui avaient été présentées la veille à son
auguste époux; après l'audience, S. M. s'embarqua de nouveau et visita
également le chantier. Le soir, les dames des principaux fonctionnaires
furent présentées à l'Empereur et à l'Impératrice, tandis que la ville
était illuminée avec autant de goût que de magnificence. Le palais de
S. A, S. le Prince Gouverneur-Général et l'hôtel du Préfet, se distinguèrent.
Le 11 l'Empereur parcourut, tant à cheval qu'en chaloupe, les principaux
quartiers de la v ille , visita l'arsenal de la marine, et le quartier St.
Charles. La garde d'honneur du commerce maritime et les mariniers de
la garde conduirent S. M. et sa suite, composée de plusieurs Généraux
et d'autres personnages distingués. Un piquet de la garde d'honneur à
cheval et de chasseurs de la garde accompagnait l'Empereur. L'Impératrice
fit un tour en voiture découverte, suivie des officiers attachés à sa personne.
Le soir, au théâtre, on joua Andromaque; MM. Talma, Damas,
Mesdemoiselles Duchesnois et Bourgoin, artistes de la comédie française, y
déployèrent tous leurs talents. On donna le même soir une petite pièce
d'occasion, intitulée: Les Chantiers de Sardam ou Vimpromptu hollandais,
vaudeville en un acte. On s'était flatté que LL. MM. honoreraient ce
spectacle de leur présence, mais il n'en fut pas ainsi. Le 12, cependant
LL. MM. assistèrent au spectacle, et y furent reçues avec le plus grand
enthousiasme.
Le 18 l'Empereur donna grande audience. Le 15 l'Impératrice visita