ramenées à leur identité primitive. La plus élégante de nos belles de
salons, puisqu’il est reçu que l’on compare les femmes aux fleurs,
cesse-t-elle d’être elle-même en se dépouillant de ses charmes d’emprunt?
L’abus de la fabrication des espèces en est venu à ce point, qu’on ne
peut plus en beaucoup de cas reconnaître ces espèces prétendues, si ce
n’est par la comparaison qu’on fait des échantillons authentiques, c’est-
à-dire nommés par l’inventeur ; et quel est le botaniste dont la correspondance
est un peu étendue qui ne se soit convaincu qu’en plus d’un
cas l’échantillon et l’étiquette de cet inventeur lui-même étaient encore
insuffisant? On ne craint point de l’affirmer ici, la création de ces espèces
sans différence essentielle est la lèpre de la science : il est enfin temps
de combattre à outrance un si dangereux abus.
Il est un autre inconvénient que nous avons cru devoir éviter, c’est
ce luxe d’une inutile érudition et la recherche de tant de synonymes
sans importance, qui ne servent qu’à grossir un livre. A quoi bon,
par exemple, examiner avec une sollicitude religieuse des espèces de
Tournefort, dont l’identité ne peut être que conjecturale? Est-il possible
de juger avec la moindre certitude d’une chose décrite en quatre ou
cinq mots? Nous avons restreint nos citations en ce genre aux espèces
dont ce grand botaniste nous a laissé une figure ou une description suffisante
ou que nous avons retrouvées aux lieux mêmes dans lesquels il
en indiqua l’existence , cent vingt-neuf ans auparavant. Il nous eut ete
facile d’établir la totalité de cette synonymie de Tournefort, en consultant
son herbier même conservé au Muséum de Paris; mais, outre que
nous n’entendons pas suivre le pernicieux exemple de faire de la botanique
au moyen des herbiers-lypes, nous regardons celui que la circonstance
nous fait citer comme de peu d’importance et comme un simple
objet de curiosité respectueuse pour la mémoire d’un savant. Il ne s’y
trouve pas un seul habitat; les plantes de tous les climats et des deux
mondes ne s’y distinguent que de temps en temps par l’épithète iïame-
ricana, de grceca, d’europoea} ftindica, ou toute autre, jetee comme
au hasard parmi les trois à quatre mots au moyen desquels l’auteur
croyait singulariser un brin de plante ou très-souvent les caractères
même, tirés par lui des racines et des fruits, ne se trouvent pas au
milieu de sa feuille de papier gris. Si la synonymie de Tournefort nous
a paru de peu d’utilité, il n’en est pas%de même de celle d’ouvrages
récemment publiés sur les plantes du bassin méditerranéen, et dans
lesquels les auteurs sont descendus à plus de détails, en les enrichissant
souvent de belles planches.
Grâce à la noble et généreuse protection qu’accorde aux travaux des
botanistes l’honorable M. Benjamin Delessert, nous avons pugleverune
foule de doutes en compulsant ses immenses collections, ainsi que les
rares et précieux ouvrages que renferme sa bibliothèque. Les synonymes
que nous y avons puisés ont été vérifiés avec un soin toujours scrupuleux.
Nous avons retrouvé chez lui un grand nombre de richesses dérobées
par des mains infidèles à la Commission de Morée ; mais comme
de pareils trésors n’y sont jamais perdus pour l’étude, nous nous sommes
consolés d’un larcin qui ne pouvait faire de tort qu’à celui qui se le
permit.
Ayant beaucoup à dire et peu d’espace pour renfermer la partie consacrée
aux plantes dans le présent ouvrage, nous avons pris le parti d’y
employer le plus possible de ces abrévations adoptées en botanique.
Ainsi P. E. A., par exemple, mis après El., qui veut dire Fleurs ou
Fleurit, indiquent non positivement le printemps, l’été ou l’automne,
c’est-à-dire, la saison précise de la floraison de nos plantes, mais celle
où nous les avons recueillies. Dans la nécessité oit nous étions de changer
souvent de lieu, nous n’attendions pas toujours pour récolter les
végétaux qu’ils fussent dans leur plus bel état ; il fallait quelquefois en
recueillir des débris ou de jeunes pousses comme memento; mais dans
le plus grand nombre de cas c’est en pleine fleur que nous les avons
cueillis.
Nous avons cru devoir ranger nos récoltes selon le système sexuel