l’amure & la faillie amure de là grande voile rompirent,
le petit foc fut emporté,& en mêmetems une
lame fracaiïa toute la proue & enleva un des minots.
Le 23, 1e 24. 5c le 2 j , il venta du nord & du nord-
eft petit frais, la mer belle, mais la brume étoit toujours
épaiffe. Je courus au fud à petites voiles, & en
fondant de deux heures en deux .heures. Cette précaution
étoit néceffaire; car, comme nous avions
de la brume depuis plufieurs jours, 5c que la carte
hollandoife indique que les courans portent à l’oueft
dans le nord de Langernes, j’aurois bien pu rencontrer
la terre; mais en fondant de tems en tems, je
n’avois rien à craindre en portant au fud, parce qu’il
y a quarante brades d’eau à quatre lieues de terre au
nord de Langernes.
Le 26, les vents au nord- oueft frais, beau tems,
j’obfervai à midi 6J degrés 57 minutes de latitude;je
parlai le foir à plufieurs pêcheurs françois & hollan-
dois, & je vis deux corvettes de Dunkerque qui quit-
toient la pêche & faifoient route pour la France.
Le 27, le 28 & le 2 9 ,les vents varièrent & firent
le tour du compas, le ciel couvert, 5e fou vent même
de la brume. Comme tous les bàtimens pécheurs
ont coutume de quitter la pêche du 2) au 30 août,
je me difpofai aufii à retourner à Brefi:, d’autant plus
que la brume; qui régnoit continuellement, & les
mauvais tems qui commençoient à fe' faire fentir par
continuation, me mettaient dans l’impoflibilité de
rendre aucun fervice; je paflai cés derniers jours à
chercher l’ifle Enkeuyfen, je me mis par là latitude
& je courus différens bords à l’efi: 5e à l’oueft, pour
tâcher d’en avoir connoilïance ; mais tous mes foins
furent inutiles. Dans la nuit du 28 au 29, nous eûmes
quelque inquiétude. La nuit étoit très-fombre,
6c il faifoit un calme plat. L ’officier de quart vint
m’éveiller, 5c m’avertir qu’ofl-entendoit un bruit fin-
gulier. Je me tranfportai auflitôt fur le pont,5c j’entendis
effectivement un bruit tel que celui que fait la
mer lorfqu’elle fe brife contre les rochers. Je fis jetter
promptement un plomb de fonde,5c filer centbraffes-
de lignes fans trouver fond. Cependant le bruit con--
tinua encore plus d’un quart d’heure, après lequel on
n’entendit plus rien. Je penfe que ce bruit n’étoit-
occafionné que par des bancs de poiffons qui envi-
ronnoient la frégate, 5c il y a lieu de croire que l’ifle
Enkeuyfen. n’exifte plus, puifque de cinq cens bâti*
mens qui vont tous les ans à la pêche 5c qui en reviennent,
aucun depuis trente ans n’en a eû connoifl
fance. Cette ifle a peut-être été engloutie par quelques
révolutions comme celles de Goubermans ; ou
bien par la brume ou le gros tems on a pris un banc
de glace pour une ifle.
J’ai promis de parler des ports qui font fitués dan?
la partie orientale d’Iflande; comme je touche au moment
de. quitter ma ftation, je crois que c’eftiçilelieu
de faire part au lecteur des inftruétions que j’ai été à;
R 3
Doute t e ’
l’exiftence de
de I’ifle En.
keuyfen.