quatorze pieds deux pouces d’eau fur la roche , mais
la frégate droit quatorze pieds trois pouces ,& la mer
devoit encore defcendrede quatre ou cinq pouces (a) ,
je fis porter auffitôt un grelin fur un corps mort, qui
étoit au large de mon ancre & quifert pour l'appareillage
des bâtimens, je fis pomper mon eau & virer
fur le grêlin comme fur le câble. Mais tous ces efforts
furent inutiles. Il fallut attendre le flot qui nous
relèva. Cet accident ne nous feroit point arrivé, fi
les pilotes norvégiens avoient voulu me mouiller plus
au nord, comme je leur avois demandé après avoir
.trouvé feize bralfes d’eau. Il ne nous en coûta que
beaucoup de peine , & par les foins de M, Duchàtel&
de mes officiers il n’y eut aucune çonfufion ce qui eff
allez rare en pareille circonftançe. Quand je me vis
à flot: je relevai ma greffe ancre, & je me plaçai à
l ’entrée du port. Ma grande touée étoit par dix
braffes d’eau fond de fable & gravier; mon ancre
d’affourcbe au fud-eft de le première par fix braffes
d’eau fond de vafèT J’envoyai à terre un grêlin que
■ je fis amarrer fur les pilotis du corps-de-garde, & une
petite ancre au nord - eff. Ces précautions me mettaient
bien en fûreté, mais j ’étais environné de
beaucoup de bàtimens marchands, & ce n’eft pas un
mouillage pour une grande frégate. Les bàtimens de
guerre ont coutume de mouiller a Sanduick, ou bien
ils
(a) La mer marne de fept à huit pieds dans le port de Bergues.
ils entrent tout-à-fait dans le port où ils font à quatre
amares; mais lorfqu’on veut s’enfoncer ainfi dans le
•port, & fe mettre en-dedans de la citadelle, il faut
débarquer fes poudres.
Pour éviter la roche fur laquelle j’échouai, il eff Moyens ov
effentiel de prendre garde à une balife qui défigne viter,aroche-
1 endroit ou elle fe trouve. Ce qui trompa mes pilotes
pratiques, c eff que la balilè avoit été emportée
•deux heures auparavant par un navire hollandais, qui
avoit échoué comme moi fur la même roche j mais
au cas qu’on ne-voie point de balife, il faut fe fou venir
que la roche eff dans le ïud-eff, -diffance d’un
■ demi-cable d’une bouée qui marque le corps mort
■ d’appareillage.
Auffitôt mon arrivée, j’envoyai un officier fàîuer
le commandant de la ville qui réfide au château, je
l’allai voir le lendemain avec mon état-major. Nous
allâmes auffi voir M. Defcheel, grand - baillif de la
ville & territoire de Bergues. 11 nous combla d’honnêtetés,
& nous fit toutes forces d’ofües de fervice.
Nous ne fûmes point fi bien reçus du peuple. Les
marchands, les ouvriers & tous ceux à qui il fallut
recourir pour les befbins de la frégate nous firent un
mauvais accueil. On fuyoit devant nous dans les rues,
& l’on refufoit de vendre à mon maître d’hôtel dans
les marchés publiques. Nous devions cette réception
à la mauvaife conduite de quelques officiers corfaires
ffiu» fous le nom & l’uniforme d’offiçiers de Roi qu’ils
M