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lieues de la grande ifle, & qu’elles avoient été englouties
dans un tremblement de terre; ce qu’il y a
de certain, e’eft qu’elles font encore fur toutes les;
cartes, qu’il n’en relie plus de veftiges, & que c’eft
l’endroit de la mer, où il y a fur la côte le plus de
profondeur. Au relie il n’èft pas plus difficile de le
figurer que ces ifles ont été englouties par des tremble-
mens & des incendies de terre, que d’imaginer que
l’Ulande même eft une produdlion des feux fouter-
rains, comme le penlè un célébré pbyficien (a ), qui
prétend que les volcans lui ont donné naiflance, &
que c’ell un enfant de la terre. Le même jour à mid
i, ayant obfervé la latitude, je vis que j ’étois exactement
fous le cercle polaire;je voulus continuer ma
route au Nord, mais je fus arrêté par une chaîne de:
glace, qui s’étendoit depuis le cap de nord jufqu’où la
vue pouvoit porter dans le nord-oueli. Je ne voulus:
pas m’y engager avec une frégate foible d’échantillon;
qui faifoit de l’eau, & qui, par fa grande longueur,,
étoit difficile à manoeuvrer dans les glaces. Je jugeai
donc à propos de regagner au fud; & comme j’étois;
obligé de relâcher en quelque port pour avoir du
bois & des rafraîchiflemens, je choifis, pour aller à.
Bergue en Norvège, le^tems que les pêcheurs al-
loient employer à chercher un paffage dans les gla-
(«) EgSrhardus Ola, de igr.e fubterraneo, pag. 14.
D A N S L À ME R D U N O R D . 67
«es pour gagner l’iile Grims & la pointe de Langer-
nefs.
Le 20 à minuit, comme nous faifions route au
oueft-fud-oueft pour paffer au large des illes aux Oi-
feanx, les vents au nord-eft avec de la brume, on
cria du g a illa rd -d’avant que nous étions fur les glaces.
En effet, au même inftant, je vis àftriborddegros Glaces. *
morceaux de glace, qui faifoient partie d’une ban-
quife dont l’extrémité étoit devant moi. Je vins tout- #
à-coup fur bas-bord pour la doubler au vent, & j’en
paffai fi près que j’acoftai plufieurs morceaux détachés
qui- ne nous firent point de mal, quoique la fréo
iit-e en reffentît de rudesfecouffes. Il eftrà propos de Manoeuvres
6 “ - au milieu des
faire ici mention de quelques manoeuvres qui pour- guces.
ront être utiles à ceux qui fe trouveront pour la première
fois engagés dans les glaces. Il n’eft pas étonnant
qu’ils foient effrayés à Pafpeâ de ces maffes
énormes, qui fe briferont fouvent autour d’eux avec
un fracas épouvantable; leur'crainte s’évanouira lors-
cu’ils fauront que les vaiffeaux ont cherché fouvent
un afyle dans les glaces, ou que des navigateurs s’y
enfoncent pour fe mettre à l’abri de la tempête; parce
qu’au milieu des glaces, la mer eft toujours belle, &
qu’on y eft comme dans un port. Mais il faut avoir
l’attention de garnir le vaiffeau avec des bouts de vieux
cables, des matelats & des paillaffons. On peut auffi
s’amarrer le long d’une glace en y enfonçant des chevilles
de fer de cinq pieds de longueur, fur lefquelles che-
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