dentaires, car j ’ai vu la plus grande partie des
habitans de la Pologne prussienne, de la Russie
Blanche, de la petite Sibérie et d’Astracan, avoir
de très-belles dents et être rarement affectés de ce
désordre, même dans un âge assez avancé : cependant
il est certain que les habitans des pays chauds
y sont encore moins disposés : quoiqu’on ne puisse
voir aucune tête de momies égyptiennes sur les mâchoires
desquelles il n’y ait plusieurs dents de cariées
, on doit penser que cette maladie tenait, chez
ces individus, à quelques dispositions organiques,
ou à l’usage de certains alimens, comme les oignons,
le bétel préparé, le riz grillé, etc., etc.
Je terminerai donc ce que j ’ai à dire sur la carie
dentaire, en faisant remarquer que ce sont les habitans
des grandes cités qui y sont le plus exposés ;
que le chien, compagnon fidèle de notre bonne ou
mauvaise fortune, est atteint assez souvent de cette
maladie ; et que le chat, qui habite nos maisons, y
est également sujet, quoique plus rarement.
Les peuplades sauvages, au contraire, nous présentent
toutes des dents très-belles, saines, mais
usées. Les animaux carnassiers, parmi lesquels je
me contenterai de citer les plus farouches, comme
la hyène, le loup, le lion, le tigre, etc., etc., ont
tous des dents fort saines, sur lesquelles le temps
n’apporte d’autre désordre que l’usure dans l’état
sauvage.
Parmi les affections qui excitent le plus de souffrance,
on doit citer l’inflammation de la pulpe dentaire;
et, à cette occasion, je vais rapporter un fait
que j ’ai déjà cité dans ma dissertation inaugurale.
Un jeune homme d’environ trente ans, tourmenté
par des douleurs de dents très-violentes, se présente
chez moi pour se faire extraire la dent dans
laquelle il prétendait qu’existait la cause de ses
souffrances. Cette dent n’était altérée par aucun
effet de la carie, et cependant je parvins à me convaincre,
par la percussion, qu’elle pouvait bien être
effectivement le siège de la douleur : j ’en opérai
l’évulsion ; n’ayant pu ensuite y reconnaître aucun
point d’altération, je la cassai pour en examiner l’intérieur,
et je trouvai la cavité dentaire remplie d’un
osselet * (pl. iv, figure 11) assez considérable. Je
reconnus alors que cet osselet, par son accroissement
successif, irritant la pulpe nerveuse et la
comprimant contre les parois de la cavité, avait
déterminé une sorte d’inflammation, et qu’il était
en conséquence la cause évidente des douleurs
auxquelles ce jeune homme était en proie depuis
long-temps.
Ne serait-ce pas à ces osselets que l’on doit cette
* Mon père, surnommé, parM. le baron Cuvier, le patriarche
des anatomistes , et qui n’a pas cessé, depuis quarante ans qu’il est
chef des travaux anatomiques du Muséum d’Histoire naturelle,
d’enrichir chaque jour les galeries de ses préparations, a souvent
remarqué ces osselets dentaires, et particulièrement dans les canines
et les incisives de l’hippopotame, ainsi que dans les défenses d’élé-
plians, de morses, de narwals , et dans les dents des cachalots, etc.