présenter, si je voulais m’arrêter a montrer toute la puissance
de cette cause pour modifier et changer perpétuellement
les îles, les eontinens, en un mot, la surface du
globe que nous habitons !
Je reviens aux polypiers, puisque c’est leur considération
qui nous aide à déterminer l’ordre des rapports parmi
les polypes qui en produisent.
Jusqu’à présent tous les polypiers que nous avons exa—
minés se sont trouvés composés chacun d’une seule sorte
de matière; mais nous avons vu ces corps se solidifier
progressivement , passer de l’état membraneux à l’état
corné, devenir ensuite lapidesGens , et enfin se terminer par
être solides et tout-k-fait pierreux. G’est en effet dans ce
dernier état que nous avons trouvé les polypiers forami-
nés et surtout les polypiers lamellifères dont il est ici
question.
Ceux-ci offrent réellement le maximum de la solidité
que des polypiers puissent obtenir.
Très-diversifiés néanmoins dans leur épaisseur et leur
forme, plus poreux même que les polypiers foramines ,
les uns présentent des masses tantôt peu divisées, qui recouvrent
ou enveloppent les corps marins , tantôt plus
isolées, formant des expansions aplaties, lobées ou
comme foliacées, et tantôt très-divisées , ramifiées comme
des plantes ou des arbustes.
Soit que les polypes des polypiers pierreux composent
eux-mêmes la matière calcaire ou la perfectionnent par les
actes de leur organisation , soit seulement qu’ils lg recueillent
dans les eaux marines, il est évident que ces polypes
ont une faculté que ne possèdent pàs ceux des deux premières
sections de cet ordre, puisqu’ils produisent des
polypiers tout-k-fait pierreux (1).
Mais, en avançant de plus en plus l’animalisation, la
nature doit abandonner le polypier ; et comme elle ne
passe jamais brusquement d’un ordre de choses k un autre,
nous verrons effectivement cette enveloppe des polypes
changer de nature et d’état dans les deux sections suivantes,
perdre par degrés sa solidité, finir par devenir charnue
et par se confondre avec le corps commun des animaux
qui 1 ont produite, en un mot, se terminer avec l’ordre
des polypes qui en sont munis. Les polypiers mous et
flexibles doivent donc se trouver les uns au commencement
de l’ordre, et les autres k la fin.
(1) Je doute fort que la matière calcaire que l ’on trouve en analysant
les eaux marines ou les sels qu’elles tiennent en dissolution, y soit
dans un état propreà former directement des dépôts pierreux. Aucune
observation ne me paraît constater un pareil fait; tandis que la
matière calcaire provenue des animaux, donne lieu, d’une manière
bien connue, à des terreins calcaires , ainsi qu’à des masses énormes
de pierres calcaires qui s’observent presque partout à la surface
de notre globe ; et l ’on sait que la portion de ces masses qui
provient des polypes , n’est pas la moins considérable.
La véritable origine de ces masses calcaires est reconnaissable lorsqu
elle est encore assez recente pour que les corps q u i, par leur
amoncelement ou leur entassement, les ont formées, y soient conservés
entièrement ou en partie. Mais cette origine cesse d’être reconnaissable,
lorsque ces mêmes corps ont été détruits, et que leurs molécules
séparées et déplacées par les eaux, ont été déposées et aggré-
gees en masses compactes. Alors on leur a donné inconsidérément le
nom dë calcaire primitif : celui de calcaire ancien eût été , sans
contredit, préférable.