impolfible de fixer le terme entre ce que les Natura-
liftes appellent efp'ecc & variété. Suppofons, par exemple,
qu’on ne donnât conftamment que des boucs à des
brebis, & des béliers à d’autres; il eft certain qu’après
un certain nombre de générations , il s’établiroit dans
l ’efpèce de la brebis , une race qui tiendroit beaucoup
<lu bouc, 6c pourrait enfuite fe maintenir par elle-même ;
car, quoique le premier produit du bouc avec la brebis
remonte prefqu’entièrement à l’efpèce de la mère, &
que ce foit un agneau & non pas un chevreau ; cependant
cet agneau a déjà le poil 6c quelques autres caractères
de fon père. Que l’on donne enfuite le même mâle,
c ’eft-à -dire, le bouc à ces femelles bâtardes, leur
produit dans cette fécondé génération approchera
davantage de l’efpèce du père, 6c encore plus ‘dans la
troifième, &c ; bien-tôt les caraétères étrangers l’emporteront
fur les caraétères naturels, & cette race fàétice
pourra fe foutenir par elle-même 6c former dans l’efpèce
une variété dont l’origine fera très - difficile à recon-
noître: or, ce qui fe peut d’une efpèce à une autre,
fe peut encore mieux dans la même elpèce; fi des
femelles très -vigoureufes n’ont conftamment que des
mâles foibles , il s’établira avec le temps une race
féminine, 6c fi en même temps des mâles très-forts
n’ont que des femelles trop inférieures en force & en
vigueur, il en réfultera une race mafculine, qui paraîtra
fi différente de la première, qu’on ne voudra pas leur
accorder une origine commune, ,6c qu’on viendra par
conféquent
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d u B o u q u e t in i f du Ch a m o is , in . 145
conféquent à les regarder comme des efpèces réellement
diftinétes 6c féparées.
Nous pouvons ajouter à ces réflexions générales
quelques obfervations particulières. M . Linnæus * ,
afliire avoir vu en Hollande deux animaux du genre
des chèvres, dont le premier avoit les cornes très-
courtes, très-rabattues, prefqu’appliquées fur le crâne, ; j |
6c le poil long ; le fécond avoit les cornes droites,
recourbées en arrière au fommet, 6c le poil court ; ill.lv
ces animaux qui paroiffoient être d’efpèce plus éloignée !
* Capra cornibus depreJJIs, incurvis, minimis, cranio incumbent/bus.
Magnitudo lundi hirci ' : p ili longi, pendu/i ; cormia lu natacrajfa, vix
digitum longa adprejfa ut ferè cutem perforent : habitat in America. ■ : i f l No TA, Je doute que M. Linnæus ait été bien informé au fujet J'
du pays natal de çet animal, & je le crois originaire d’Afrique ; les
railons fin lelquelles je fonde ce doute & cette préfomption, font ; i Q u ’aucun Auteur n’a dit que cette elpèce de chèvre, non plus i i f 1 K m que la chèvre commune le lôient trouvées en Amérique. 2.° Que tous
les Voyageurs s’accordent au contraire à aflurer qu’il le trouve en. 3:1 . p B
Afrique des chèvres grandes, moyennes & petites, tqutgs différentes T;l 1 M I i y
les unes des autres. 3.“ Parce que nous avons vu un animal qui nous
elt parvenu fous le nom de Bouc d ’Afrique, & dont nous donnons
la figure (p i. X V I I I ) , lequel reffemble fi fort à ladefèriptiqn du capra t l f cornibus deprejjîs, &-c. de M. Linnæus, que nous le regardons comme
le même animal ; ainfi nous nous croyons, fondés à aliurer que cette
petite efpèce de chèvre eft originaire d’Afrique & non pas d’Amérique.
Capra cornibus ereâis, apice recurvis. Magnitudo hoedi hirci unius i mi ami. P ili brèves, cervini, cornua vix digitum longa antrorfum recurvata > I l
apice : hcec cuiri preeedenti coibat à* pultum non diu fuperfitem in vivario
Cliffortiano producebat. Fades utriufque adeo aliéna , ut vix fpeciem
tandem ut diverfijjimani arguetet. Linn. fyfi. nat. edit. X , pag. 69,
Tome X II. T
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■ 1511. mm B mil