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& fe renouvelle malgré la caflration a ; car dans les
cerfs , les daims & les chevreuils qui ont fubi cette
opération , la tête de l’animal refie pour toujours dans
le même état où elle étoitau moment de la caflration;
aip fi le renne efl de tous les animaux celui où le fu-
perflu de la matière nutritive efl le plus apparent, &
cela tient peut-être moins à la nature de l’animal qu’à
la qualité de la nourritureJ); car cette moufle blanche,
a Utcrque fexus cormitus ejl. . . . Cafiratns quotmnis cornua dcponit,
Linn. fyjt. nnt. edit. X , pag. 67. Nota, C ’eft fur cette feule autorité
d eM . Linnæus, que nous avançons ce fait, duquel nous ne vouions
pas douter, parce qu’ayant voyagé dans le Nord & demeurant en
Suède, ii a été à portée d'être bien informé de tout ce qui concerne
Je renne ; favoue cependant que cette exception doit paroître fingu-
Jière , attendu que dans tous les autres animaux' de ce genre , l’effet
de da caflration empêche la chute ou ie renouvellement du bois, &
que d’ailleurs on peut oppofèr à M. Linnæus un témoignage contraire
& pofitif. Cajlratis rapgiferis Lappones utuntur. Cornua cajlra-
torum non decidunt & cum hirfuta funt fekiper pilis luxuriant. Huiden,
Rangifer. J ente, 1 6*1 7. Mais M- Huiden. n’avoit peut-être d’autre
raifon que I’anaiogie pour avancer ce fait ; Sc l’autorité d’un habile
Naturalise, tel que M. Linnæus, vaut feule plus que le témoignage
de plufieurs gens moins infiruits. Le fait très - certain, que la femelle
porte un bois comme le mâle, efl une autre exception qui appuie la
première ; l’ufage où font les Lappons de ne pas amputer les téfticules
au renne, nais feulement de le. biftourner, en comprimant avec les
dents les vaiflèaux qui y aboutifîênt la fàvorife encore ; car l’aéiion des
teflicules qui paroît nécefîâire à la production du bois, n’eft pas ici totalement
détruite, elle n’eft qu’affbiblie & peut bien s’exercer dans le
mâle biffourné , puifqu’elle a Ton effet, même dans les femelles.
1 Voyez ce que j’ai dit à ce fujet dans le fixjème volume de cette
Hiftoire naturelle, article du cerf.
d e l ’ É l a n - i f du R e n n e . 10 3
qui fait fur-tout pendant l’hiver fon unique aliment,
efl un lichen dont la fubflance fembfabie à celle de
la morille ou de la barbe de chèvre , efl: très-nourrif-
fante & beaucoup plus chargée de molécules organiques
que les herbes, les feuilles ou les boutons des
arbres* , & c’eft par cette raifon; que le renne a plus
de bois & plus de venaifon que le cerf, & que les
femelles & les hongres n’en font pas dépourvus : c’efl
encore de-là que vient la grande variété qui fe trouve
dans la grandeur, dans la figure & dans lie nombre des
andouillers & des rameaux du bois des rennes ; les
mâles qui n’ont été ni châtiés ni contraints, & qui
fe nourriffent largement; & à: fouirait de cet aliment
fubflantiel ", ont un bois prodigieux , il s’étend en
arrière prefque fur leur croupe , & en avant au-delà
du mufeau ; celui des hongres efl: moindre, quoique
fouvent il fort encore plus grand que le bois de noS.
cerfs ; enfin celui que portent les femelles; efl encore
plus petit; ainfi ces bois varient,-nom-feulement comme
les autres par l’âge , mais encore par le fexe; 8c par la
* Ceci eft fingulièrement remarquable , que quoique- le réunie ne'
mange en hiver que de cette'moufle & en très-grandb quantité; il s’en
engraiffe toutesfbis mieux-, & il cft plus' ner & couvert d’un plus ‘
beau poil que quand il mange en été les meilleures herbes, auquel
temps il fait horreur à voir. La raifon pourquoi ces animaux fe
portent mieux & font plus gras en automne St eir hiver, c’ëft qu’ils
ne peuvent nullement fbuffrir le Chaud , ce qui fait qu’ils n’ont'que
lés nerfs, la peau & lés'os en été. Scheffir. Hijloire de la Lapponie, ’
page 206.