84- H i s t o i r e N a t u r e l l e
donne la manière de le prendre & de le chafTer; comme
fa defcription ne peut pas s’appliquer à l’élan, & qu’il
donne en même temps la manière de chaffer le cerf, le
daim, le chevreuil, le bouquetin, le chamois, &c. on ne
eft vieil; ii a grande paumure deflus, comme le cerf, fors les
endoillers de devant, efquels font paumes aufli. Quand on le chafle
il fuit, à raifon de ia grande charge qu’il a en tête ; mais après qu’il
a couru une longue efpace de temps en fàifànt (es tours & frayants,
il fè met & accule contre un arbre, afin que rien ne lui puiflè venir
que devant, & met (à tête contre terre, & quand il eft en tel état,
nul n’en oierott approcher pour le prendre, à caufè de la tête qui
lui couvre le corps. Si on lui va par-derrière, au lieu que les cerfs
frappent des endoillers defîbus, il frappe des ergots delfus, mais
non fi grands coups que fait le cerf. Telles bêtes font grand peur
aux allans & lévriers quand ils voient (à diverlè tête. Le rangier n’eft
pas plus haut qu’un daim, mais il eft plus épais & plus gros. Quand
il lève là tête en arrière, elle eft plus grande que fon corps, d’entre
fi tête. Il viande comme un cerf ou un daim , & iete fà fumée en
troches ou en.plateaux; il vit bien longuement; on le prend aux
arcs, aux ret eaux , aux lacs, aux foffes & aux engins. Il a plus grande
venajfon que n’a un cerf en fà làifon ; il va en rut après les cerfs,
comme font les daims, & porte comme une biche, pour ce on Ig
chafle.
La manière- de prendre le rangier ou ranglkr. Quand un veneur
voudra chaflër le rangier, il le doit quérir en taillant de fès chiens,
& non pas le quefter & laiflèr courir par fon. limier par les forts
bois, où il lui femblenv que les belles rouflës font leur demeure : &
là doit tendre des rets & hnyes, félonies attours de feToreft, & doit
mener fès limiers par les bois. Pour ce que le rangier. eft pefànte
belle pour la têtp grande & haute, qu’il porte, peu de maîtres &
de veneurs le chaflÿnt à force -, .ne à chiens de chafle. L a venerie. dt
Jqtqms*J)ujoiïillaux. Paris, 1 6 1 4 , feuillet ÿ ,j.
DE L ’ É LA N i f du R e N N E. 8 J
peut pas dire que, dans l’article du rangier, il ait voulu
parler d’aucun de ces animaux, ni qu’il fe foit trompé
dans l’application du nom. 11 fembleroit donc par ces
témoignages pofitifs, qu’il exiftoit jadis en France des
rennes, du moins dans les hautes montagnes, telles que
les Pyrénées, dont Gallon Phæbus étoit voifin, comme
Seigneur 6c habitant du comté de Foix ; & que depuis
ce temps., ils ont été détruits comme les cerfs,
qui autrefois étoient communs dans cette contrée,
6c qui cependant n’exillent plus aujourd’hui dans le
Bigore , leCouférans, ni dans les provinces adjacentes.
Il eft certain que, le renne ne fe trouve actuellement
que dans les pays les plus feptentrionaux ; niais l’on
lait auiïi que le climat de la France étoit autrefois
beaucoup plus humide 6c plus froid par la quantité des
bois & des marais qu’il ne l’eft aujourd’hui. On. voit
par la lettre de l’Empereur Julien, quelle étoit de fon
temps la rigueur du froid à Paris ; la defcription qu’il
donne des glaces de la Seine, reftemble parfaitement
à celle que nos Canadiens font de celles du fleuve
de Quebec; les Gaules,fous la même latitude que le
Canada, étoient il y a deux mille ans ce que le Car
nada eft de nos jours, e’eft-à-dire un climat affez
froid pour nourrir les animaux qu’on ne trouve aujourd’hui
que dans les provinces du Nord.
En comparant les témoignages; Sc combinant les»
indications, que je viens de citer., il me par.oît done
qu’il exiftoit autrefois; dans, les forêts des; Gaules Si,
L iij»