qui pourroient fuppiéer à leur défaut, 6c qu’il ne
tiendroit qu’à nous d’aflujétir & de faire fervir à nos
befoins. L ’homme ne fait pas affez ce que peut la
Nature, ni ce qu’il peut fur elle : au lieu de la rechercher
dans ce qu’il ne connoît pas, il aime mieux
en abufer dans tout ce qu’il en connoît.
En comparant les avantages que les Lappons tirent
du renne apprivoifé, avec ceux que nous retirons de
nos animaux domeftiques ., on verra que cet animal
en vaut feul deux ou trois ; on s’en ferucomme du
cheval , pour tirer des traîneaux, des voitures ; il
marche avec bien plus de diligence & de légèreté ,
fait aifément trente lieues par jour, 6c court avec autant
d’aflurance fur la neige gelée que fur une péloufe. La
femelle donne du lait plus fubftantiel 6c plus nourriffant
que celui de la vache; la chair de cet animal efl très-
bonne à manger ; fon poil fait une excellente fourrure,
6c la peau paffée devient un cuir très-fouple & très-
durable; ainfi le renne donne feul tout ce que nous
tirons du cheval, du boeuf 6c de la brebis.
La manière dont les Lappons élèvent 6ç conduifent
ces animaux , mérite une attention particulière. Olaüs \
SchefFer h, Regnardc , nous ont donné fur cela des
* H ijl. de Gentibus feptent. autore Olao magno. Àntueipiæ, 1 5 58,
pag. 20 5 eÿ* feq.
b Hiftoire de la Lapponie, traduite du latin, de Jean Schefïer.
Paris, 1 6 7 8 , page 2 0 p i f fuiv.
‘ (Euvres de Regnard. P a ris, 1 7 4 7 , tome I ." page 1 7 2 i f fuiv.
détails
d e l ' É l a n èr du R e n n e . 97
détails intéreffans, que nous croyons devoir préfenter
ici par extrait, en réformant ou fupprimant les faits fur
lefquels ils fe font trompés. Le bois du renne beaucoup
plus grand, plus étendu & divifé en un bien plus grand
nombre de rameaux que celui du cerf, difent ces
Auteurs, eft une efpèce de fingularité admirable &
monftrueufe : la nourriture de cet animal pendant l’hiver,
eft une moufle blanche qu’il fait trouver fous les neiges
épaifles en les fouillant avec fon bois, 6c les détournant
avec fes pieds ; en été, il vit de boutons 6c de feuilles
d’arbres, plutôt que d’herbes, que les rameaux de fon
bois avancés en avant ne lui permettent pas de brouter
aifément : il court fur la neige 6c enfonce peu à caufe
de la largeur de fes pieds— Ces animaux font doux,
on en fait des troupeaux , qui rapportent beaucoup de
profit à leur maître ; le lait, la peau, les nerfs , les os ,
les cornes des pieds, les bois, le poil, la chair, tout
en eft bon 6c utile ; les plus riches Lappons, ont des
troupeaux de quatre ou cinq cents rennes, les pauvres
en ont dix ou douze ; on les mène au pâturage, on les
ramène à l’étable ou bien on les enferme dans des parcs
pendant la nuit pour les mettre à l’abri de l’infulte
des loups; lorfqu’on leur fait changer de climat, ils
meurent en p*u de temps; autrefois Stenon , prince
de Suède en envoya fix à Frédéric , duc de Holftein ;
6c moins anciennement, en 1 535, Gtiftave, roi de
Suède en fit pafler dix en Prufle, mâles 6c femelles,
qu’on lâcha dans les bois : tous périrent fans avoir
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