io o H i s t o i r e N a t u r e l l e
d’une couleur variée ; il eft d’abord d’un roux, mêlé
de jaune, 6c devient avec l’âge, d’un brun prefque
noir * ; chaque petit fuit fa mère pendant deux ou
trois ans, & ce n eft qu’à l’âge de quatre ans révolus
que ces animaux ont acquis leur plein accroiftement:
c eft auffi à cet âge qu’on commence à les drelfer
& les exercer au travail ; pour les rendre plus fouples,
on leur-fait fubir d’avance la caftration, & c’eft avec
les dents que les Lappons font cette opération. Les
rennes entiers font fiers & trop difficiles à manier:
on ne fe fert donc que des hongres, parmi lefquels
on choifit les plus vifs & les plus légers pour courir
au traîneau, 6c les plus pefans pour voiturer à pas plus
lents les provifions 6c les bagages. On ne garde qu’un
mâle entier pour cinq ou fix femelles, 6c c’eft à l’âge
d un an que fe fait la caftration ; ils font encore comme
les cerfs fujets aux vers dans la mauvaife fàifon , il
s en engendre fur la fin de l’hiver une fi grande quantité
fous leur peau, qu’elle en eft alors toute criblée ;
ces trous de vers fe referment en été, & auffi ce
n eft qu en automne qoe-l’on tue les rennes pour en
avoir 1 a fourrure ou le cuir.
Les troupeaux de cette efpèce demandent beaucoup
de foin : les rennes font fujets à s’écarter, 6c reprennent
volontiers leur liberté naturelle ; il faut les fuivre &
* La couleur de leur poil eft plus noire que celle du cerf... . Les
rennes fauvages font toujours plus fortes, plus grandes &plus noires
que les domeftiques. Regnard, tome 1." page i o 8.
d e l ’ É l a n df du R e n n e . IOI
les veiller de près; on ne peut les mener paître que
dans des lieux découverts, 6c pour peu que le troupeau
foit nombreux on a befoin de plufieurs perfonnes
pour les garder, pour les contenir, pour les rappeler,
pour courir après ceux qui s’éloignent; ils font tous
marqués, afin qu’on puiffe les reconnoître : car il
arrive fouvent, ou qu’ils s’égarent dans les bois, ou
qu’ils partent à un autre troupeau : enfin les Lappons
font continuellement occupés à ces foins ; les rennes
font toutes leurs richefles, 6c ils lavent en tirer toutes
les commodités, ou pour mieux dire, les néceffités
de la vie; ils fe couvrent depuis les pieds jufqu a la
tête de ces fourrures, qui font impénétrables au froid
& à l’eau: c’eft leur habit d’ hiver; l’été ils fe fervent
des peaux dont le poil eft tombé ; ils favent auffi
filer ce poil ; ils en recouvrent les nerfs qu’ils tirent
du corps de l’animal, 6c qui leur fervent de cordes
& de fil; ils en mangent la chair, en boivent le lait,
& en font des fromages très-gras : ce lait épuré 6c battu
donne, au lieu de beurre, une efpèce de fuif; cette
particularité, auffi-bien que la grande étendue du bois
dans cet animal, 6c l ’abondante venaifon dont il eft
chargé dans le temps du rut, font autant d’indices
de la furabondance de nourriture ; 6c ce qui prouve
encore que cette furabondance eft exceffive ou du
moins plus grande que dans aucune efpèce, c’eft que
le renne eft le feu! dont la femelle ait un bois comme
le mâle , 6c le feul encore dont le bois tombe
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