peut a peine y pénétrera; il a les jambes très-fermes,
avec tant de mouvement & de force, fur-tout dans
les pieds de devant, que d’un feul coup il peut tuer
un homme, un loup, & même cafter un arbre. C e pendant
on le challe à peu près comme nous chalfons
le cerf, c eft-a-dire a force d’hommes <5c de chiens;
on alfure que lorfqu il eft lancé ou pourfliivi, il lui
arrive fouvent de tomber tout-à-couph, làns avoir été
Alces unguia fe rit; quinquaginta milliaria de die percurrit, corium
globum plumbeurfi fere eludit. Linn .fy jl. nat. edit. X , pag. 6y.
' La chafïê ayant été préparée le jour de devantnous ne fumes pas
a plus dune portée de piftolet dans le bois, que nous avifimes un
élan, qui, courant devant nous, tomba tout d’un coup fins avoir
été tiré, ni avoir entendu tirer : ce qui m’obligea de demander à
mon guide & interprète d où venoit que cet animal étoit tombé de
ia forte ; a quoi il me répondit que c’étoit du mal caduc, duquel
tous ces animaux font affligés, qui eft la caulè pour laquelle on les
nomme ellends, qui veut dire miférable. ... & n’étoit ce mal qui les
fait tomber, on auroit de la peine à les attraper ,, ce que je vis peu
après que le gentilhomme Norvégien eut tué cet élan dans fon mal;
en pourfuivant enfuite un autre pendant plus de deux heures fans
pouvoir 1 attraper; & que nous n’aurions jamais pris fans qu’il tomba,
comme le premier, du même mal caduc, après avoir tué trois des
plus forts chiens de ce Gentilhomme avec les pieds de devant, ce
qui le fâcha fort & ne voulut pas chafïêr davantage.... Il me donna
pour témoignage d amitié les pieds gauches de derrière des élans
quil avoir tués, me fàifànt entendre que c’étoît un remède fouverain
pour ceux qui tombent du haut-mal ; à quoi je répondis , en riant,
que je ni étonnois que ce pied ayant tant de vertu , l’animal qui le
portoit ne s en guérilîôit pas l’ayant toujours avec lui : ce Gentilhomme
fe prit à rire auffi, & dit que j’avois raifon., en ayant donne'
ni tiré, ni blelfé; de-là on a préfumé qu’ il étoit fujet
à l’épilepfie, & de cette préfomption ( qui n’eft pas
bien fondée, puifque la peur feule pourroit produire
le même effet) on a tiré cette conféquence abfurde,
que la corne de fes pieds devoit guérir de l’épilepfie,
& même en préferver, & ce préjugé greffier a été fi
généralement répandu, qu’on voit encore aujourd’hui
quantité de gens du peuple porter des bagues, dont le
chaton renferme un petit morceau de corne d’élan.
Comme il y a très-peu d’hommes dans les parties
feptentrionales de l’Amérique, tous les animaux , & en
particulier les élans, y font en plus grand nombre que
dans le nord de l’Europe. Les* Sauvages n’ignorent
pas l’art de les chaffer & de les prendre * , ils les
fuivent à la pirte, quelquefois pendant plufieurs jours
de fuite, & à force de confiance & d’adreffe, ils en
viennent à bout ; la chaffë en hiver eft fur-tout fingu-
iière. « On fe fert, dit Denys , de raquettes , paf
le moyen defquelles on marche fur la neige fans en- «
foncer. . .. L ’orignal ne fait pas grand chemin , parce «
qu’il enfonce dans la neige, ce qui le fatigue beaucoup <<
à cheminer ; il ne mange que le jet du bois de l’année : «
à plufieurs perfonnes affligées ■ pareil mal, qui n’avoient pas été
guéries, & qu’il connoiifoit aùffi-bien que rhoi, que cette prétendue
vertu du pied d’élan étoit une erreur populaire. Voyage de la A la r-
îinière. Paris, i 6 y i , page i o i f fu ir antes.
* Defcription de l’Amérique. Par Denys, tome I I , page ^.2 y i f
fuiyantes, P fj