les femelles font d’une nature confiante & femblablcs
entr’elles; au lieu que les mâles fubiffent des variétés
qui les rendent difïërens les uns des autres ! Dans ce
point de vue qui n’eft peut-être pas aufii éloigné de
la Nature que l’on pourroit l’imaginer, le bouquetin
feroit le mâle dans la race originaire des chèvres, &
le chamois en feroit la femelle * ; je dis que ce point
de vue n’efi pas imaginaire, puifque l’on peut prouver
par l’expcrience qu’il y a des efpèces dans la Nature
où la femelle peut également fervir à des mâles d’ef-
pèces différentes & produire de tous deux; la brebis
produit avec le bouc aufii-bien qu’avec le bélier, &
produit toujours des agneaux | des individus de fon
efpèce ; le bélier au contraire ne produit point avec
la chèvre ; on peut donc regarder la brebis comme
une femelle commune à deux mâles différens, & par
conféquent elle conftitue l’efpèce indépendamment du
mâle. Il en fera de même dans celle du bouquetin ,
la femelle feule y repréfente l ’efpëce primitive, parce
qu’elle eft d’une nature confiante ; les mâles au contraire
ont varié, & il y a grande apparence que la
chèvre domeftique qui ne fait, pour ainfi dire, qu’une
*Nota. Le défaut de barbe' dans le chamois, eft un caractère féminin,
quil faut réunir avec les autres; le chamois mâle paroît, ainft que (k
femelle, participer aux qualités féminines de la chèvre ; ainft l’on peut
prélumer que le bouc domeftique engendreroit avec la femelle du
chamois, & qu'au contraire le chamois mâle ne pourroit engendrer
avec k chèvre domeftique, Le temps confirmera ou détruira cette
conjecture,
feule & même femelle avec celles du chamois & du
bouquetin, produiroit également avec ces trois différens
mâles, lefquels feuls font variété dans l’efpèce;
&qui par conféquent n’en altèrent pas l’identité, quoiqu’ils
parodient en changer l’unité.
Ces rapports, comme tous les autres rapports pof-
fibles, doivent fe trouver dans la nature des chofes;
il paroît même qu’en général les femelles contribuent
plus que les mâles au maintien des efpèces; car,
quoique tous deux concourent à la première formation
de l’animal ; la femelle qui feule fournit enfuite tout
ce qui eft néceffaire à fon développement & à là nutrition
, le modifie & l’afiimile plus à fa nature ; ce
qui ne peut manquer d’effacer en beaucoup de parties
les empreintes de la nature du mâle; ainfi lorfqu’on
veut juger fainement une efpèce, ce font les femelles
qu’il faut examiner. L e mâle donne la moitié de la
fubfiance vivante ; lafemelle en donne autant, & fournit
de plus toute la matière néceffaire pour le développement
de la forme : une belle femme a prefque toujours
de beaux enfàns ; un bel homme avec une femme laide
ne produit ordinairement que des enfans encore jfius
laids.
Ainfi , dans la même efpèce, il peut y avoir quelquefois
deux races, l’une mafeuline & l’autre féminine,
qui toutes deux fubfiftant & fe perpétuant avec leurs
caractères diftinétifs., paroiffent conftituer deux efpèces
différentes, & c’eft-Ià le cas où il eft, pour ainfi dire,