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prclcndii que ces comes se meuvent, et Bruce a eu tort de l'en cintiqner aussi
amèrement qu'il l'a fait. Les plis de la peau sont ce qui contribue le plus à donner
à ce Rhinocéros un aspect singulier, et comme monstrueux; ils varient peu d'un
individu à l'auti'e : ceux du cou sont les plus saillants. L'individu que nous décrivons
en a d'abord un qui se rend du devant de l'oreille à l'angle postérieur de la mâchoire
inférieure; puis un irès-pciit sous la gorge, et im grand qui descend sous le cou,
où il se l'éunit, avec son correspondant, en une espèce de fanon transversal; enfin,
un dernier, duquel part une branche qui monte obliquement sur l'épaule : il y en
a un petit qui forme un triangle avec cette branche et le pli principal dont elle
sort, Le tronc en offre deux ti'és-étcndus en forme de ceintiu'e, le premier en
arrière de l'épaule, l'autre en avant de la cuisse : il y en a un transversal sur
chaque fessej qui part du côté de la racine de lu queue, et un autre oblique, qui
part du genou et qui remonte vers le côté de la queue ; il y en a eniin un en
bracelet sm^ le coude. Dans le vivant, la peau de l'intérieur de ces plis estrougeàtre
et moins dui'c que celle du reste du corps. On dit qu'il y a dans leur creux des
poux propres aax Rhinocéros, et qu'il s'y amasse accidentellement des mille-pieds
et d'autres insectes lorsque l'animal se vautre. La peau du Rhinocéros est d'une
dureté et d'une sécheresse plus gi-ande encore que celle de l'Éléphant. On y voit
par-tout de petites éminences, de l'épaisseur et de la largeiu- de pièces de monnaie,
qui ont été un peu exagérées dans la plupart des figures; elle est totalement dénuée
de poil 5 excepté au bout de la queue, au bord des oreilles et à la racine de la
corne; encore ces derniers sont-ils plutôt des fibres détachées de la corne que de
véritables poils. II n'y a point de scrotum apparent ; la verge se dirige en arrière
pour uriner; il n'y a que deux mamelles situées dans l'aîne, aux côtés de la verge.
La coulem' générale est un gris-brun foncé, assez uniforme. Les sabots sont
beaucoup plus forts que dans rÉlépliant-, ils garnissent le dessous des doigts comme
le dessus, et sont attachés aux phalanges par des lames minces et parallèles, plus
grandes que celles qu'on observe dans le Ciieval. Les grandes incisives s'usent et
sapplatissent à leur exU'émité; les deux petites de la mâchoire inférieiu-e sont
coniques, et restent cachées sous la gencive pendant la durée de la vie. Ce n'est
que dans le squelette qu'on les a découvertes. La plupart des Auteurs ont écrit
que le Rhinocéros avait la langue revêtue d'écaillés dures et qu'il écorciiaii en
léchant. Buffon l'a raéme rapporté expressément de l'individu (|ue nous représentons,
et cependant cela n'est point exact. Cette langue est molle. Jl s'en élève seulement
sur son quart antérieur des fdets minces, obliques en plusieurs directions, et (pnnant
des espèces de pinceaux ou de bouquets. Le palais a douze éminences transversales
peu saillantes.
On n'a aucun détail authentique sur la propagation du Rhinocéros. Les anciens
ont supposé pour lui, comme pour tous les animaux qui lu-incnt en arrière, (|ue
son accouplement se fait aussi dans ce sens; mais on sail aLijoLii'fl'Iiiii (|iic dans UiLis
ces animaux, ]a verge se repnrle eu avaul au moment do lereclion. On ignore la
durée de la geslalion; il ne nail (|u'un pelil ii la fois. I.e Illiinocéros naissani est
de la taille d'un gros chien; il n'a encore i|u'un premier germe de corne. A deux
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ans, cette corne n'a encore qu'un pouce de liauteur, quoique l'animal soit déjà grand
comme une génisse. A six ans, la corne a neuf ou dix pouces. Une femelle de dix
à onze ans, décrite par Daubenton, avait dix pieds de long sur cinq de haut, et
sa corne avait un pied. Il paraît que c'est à peu près là l'époque où le Rhinocéros
est adulte; car celui que nous décrivons, et qui est mort âgé de plus de vingt-cinq
ans avec tous les signes de l'âge avancé, était encore resté en deçà de cette taille ;
nous ne croyons donc pas que la durée naturelle de la vie du Rhinocéros approche
de celle de l'Eléphant, ni même qu'elle égale celle de l'homme; mais il paraît que
la corne croît pendant toute la vie.
Le Rhinocéros approche encore bien moins du natm'el docile del'Éléphant ; il demeure
toujoui's intraitable; une brutalité indolente, semblable à celle du Cochon, est son
état ordinaire ; mais si sa colère est excitée, il devient d'autant plus terrible, que sa
grandem-, sa force, l'épaisseur du cuir qui le revêt, laissent peu de prise sm- lui à nos
armes. L'individu représenté dans la Planche tua deux jeunes gens qui s'étaient
imprudemment introduits dans son parc. Dans l'état sauvage, cet animal vit dans
la solitude et dans les bois les plus épais. Poui' peu qu'il s'apperçoive du voisinage
d'un homme, il se précipite sur lui avec une sorte de fureur, le terrasse et le foule
aux pieds, ou le perce de sa corne. Quoiqu'il soit très-bas sur jambes, il cotu-t si
rapidement, que le galop du Cheval ne peut suffire pour lui é('happer.
Un fait rapporté par Bontius, prouve qu'il ne manque pas d'un certain degi'é
d'instinct, lorsqu'il s'agit de la conservation de sa progéniture. Une femelle attaquée
en plaine par des chasseurs, s'occupa d'aboi'd de faire rentrer son petit dans le
bois; pendant tout ce temps, elle se laissa molester sans se défendre; mais quand
le petit fut caché, elle revint fondi^e sui'les assaillants avec tant de furie, qu'ils furent
obligés de se réfugier en hâte derrière des ax-bres.
Les anciens lui ont atti'ibué une antipathie particulière pour l'Éléphant, et il est
probable qu'en effet on les faisait combattre ensemble dans les jeux publics; mais
dans l'état de natm'c, ils n'ont aucun motif pour s'attaquer, et aucun fait avéré ne
prouve que cette antipathie soit réelle. Chardin a même vu deux Éléphants et un
Rhinocéros vivre paisiblement ensemble. Les Indiens lui attribuent, sans doute
avec aussi peu de fondement, une grande amitié pour le Tigre. Comme ces deux
animaux aiment également les lieux marécageux et les bords des rivières, on les
aura souvent vus ensemble, et il n'en aura pas fallu davantage pour moliver ce
récit fabuleux. En effet, le Rhinocéros ressenible au Cochon, parle besoin continuel
où il est de se rafraîchir la peau en se plongeant dans l'eau, ou en se vauti-ant dans
la fange. Il a plusieurs autres rapports avec cet animal. Sa vue est encore plus
faible, car ses yeux sont plus petits et plus voilés; mais son odorat est de la plus
grande finesse, et on ne peut le sm-prendre qu'en ayant le plus grand soin de se
tenir sous le vent. Son oreille est aussi très-fine, et il s'en sert avec beaucoup
d'attention pour écouter les moindres bruits.'Sa voix ordinaire ressemble au
grognement d'un Cochon, et n'est pas très-forte; mais lorsqu'il est en colère, il
pousse des cris aigus que l'on entend de loin. 11 ne consomme pas, à beaucoup près,
autant que l'Eléphant. Dans l'état de nature, il mange toutes sortes de branchages
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