L E LION.
FELIS LEO MAS.
L A lîgure de ce bel animal nous donne encoi'e l'occasion de glaner, après les intéressants
arlicles de Buftbn et de Lacépède, en recueillant dans les anciens et dans les
voyageurs, quelques faits que ces grands naturalistes ont négligés.
Un animal aussi majestueux et aussi teiTiljle à la fois que le Lion, ne pouvait manquer
d'attirer l'attention des voyageurs et des chasseurs, et de donner lieu à des récits
exagérés ou fabuleux ; ceux-ci ne pouvaient manquer de fournir des images aux poètes
et aux orateurs, et il était bien difficile que ces fables, à force d'être répétées, ne se
glissassent dans les ouvrages des natui-alistes, et ne finissent par être données comme
des faits réels, par ceux d'enlre eux qui n'avaient ni l'occasion d'observer par euxmêmes,
ni assez de critique pour bien juger les assertions des autres: de là tous les
contes populaires qui altèrent ce que les anciens on dit du Lion et dont quelques-uns
se sont perpétués jusqu'à nos jours dans l'esprit du vulgaire, comme sa fièvre perpétuelle,
sa crainte pour le chant du Coq, son sommeil les yeux ouverts, et les vertus
merveilleuses de plusieurs de ses parties en médecine. Ai-istote qui avait déjà reconnu
l'absurdité de plusieurs de ces labiés, qui en a même expressément réfuté une partie,
n'a pu s'exempter d'en rapporter sérieusement quelques-unes 5 les Lions, selon lui,
n'ont qu'un seul os au cou, au lieu des vertèbres cervicales, et leurs os, s'ils ne sont
pas entièrement solides et sans moelle comme on le disait auparavant, en ont du moins
très-peu en comparaison des animaux de la même taille.
II ne fauch-ait cependant pas, d'après ces exemples, rejeter tous ceux des faits rapportés
parles anciens touciiant cet animal, qui n'ont pu être vérifiés par les modernes. Les
anciens avaient beaucoup plus d'occasions que nous de l'observer, et ont pu apprendre
à son sujet plusieurs choses qui nous ont échappé. D'abord il y avait des Lions dans
beaucoup de lieux où il n'y en a plus aucuns aujourd'hui : chacun sait qu'ils sont extirpés
de l'Europe; mais, du temps d'Aristote, il y en avait dans toutes les montagnes
du nord delà Grèce, depuis le fleuveNestus,près d'Abdèi'e enThrace, jusqu'à l'Achéloûs
eu Acarna nie. Selon Hérodote, les Chameaux qui portaient les bagages de l'armée
de Xerccs, fureiit attaques par des Lions dans le pays des Poeoniens, l'un des peuples qui
habitaient la Macédoine. Pausanias qui raconte le même fait, ajoute que ces Lions
venaient souvent au Sud, jusqu'à l'Olympe, qui sépare la Macédoine de la Thessalie.
Le Lion est aujourd'hui assez, rare en Asie, si l'on en excepte quelques contrées entre
l'huie et la Perse, et quelques cantons de l'Arabie. Dans l'antiquité ils y étaient trèscoiniuuns;
outre ceux de Syrie dont nous venons de parler, LIien rapporte qu'aux
hidcs on en trouvait de noirs, les plus grands de tous, qui se laissaient assez apprivoiser
P'Hii- être employés à la chasse. La Cilïcie, l'Ai'ménie, le pays des Parlhes en étaient
pleins, selon Oppien; Apollonius rencontra une Lionne près de Babvione, et un grand
nombre do Lions entre l'I liphasis et le Gange.
Enfin, dans les lieux mêmes où les Lions se conservent encore, leur nombre était