L E MANDRILL.
SIMIA MAIMON, ET SIMIA MORMON. LINN.
I L serait difficile de se figurer un être plus hideux que le Mandrill, et les foi-mes
humaines ne sont nulle part alliées avec celles des brutes de manière à produire un
composé plus répugnant. Sous un front étroit sont situés profondément deux petits
yeux vifs et dorés, si rapprochés l'un de l'autre, que leur seule position donne à la
physionomie un air de fui-eur j un énorme museau, emblème de toutes les passions
brutales, se termine par un aplatissement arrondi d'un rouge de feu, sans cesse sali
par une humeur dégoûtante; les joues très-bombées et sillonnées de rides longitudinales,
sont d'un bleu changeant en violet livide; un ruban étroit de couleur de sang,
couvrant toute la longueur du nez les sépare l'une de l'autre, et achève de faire croire
que toute la face est meurtrie ou écorchée. La partie postérieure du corps n'est ni
moins extraordinaire, ni moins révoltante. Sous une courte queue sans cesse relevée,
est un anus entouré dun gros bourrelet écarlate;de larges fesses nues, que l'animal
semble montrer sans cesse avec autant de lasciveté que d'impudence, sont colorées
d'un rose vif, nuancé sur les côtés de lilas et de bleu ; les parlies génitales enfin sont
d'un rouge de feu, d'autant plus tranché, qu'elles sont absolument nues, et qu'elles
viènent à la suite d'un abdomen revêtu de poils blancs. Que l'on joigne à tous ces traits
un pelage brun et hérissé, surtout au tour de la tête, une barbe pointue et d'un jaune
clair, des canines aiguës et sortant de la bouche, un corps trapu, des membres musculeux,
une taille approchant de celle de l'iiomme et une force de corps incomparablement
plus gi'anâe, on aura une idée de cet horrible animal dans son état de plein
accroissement, et tel qu'était celui que nous représentons.
Jamais le natui'el n'a mieux répondu à la physionomie; aucun des moyens qui
servent à apprivoiser les autres animaux ne réussissent avec ceux-ci ; ils sont toujours
d'une férocité extraordinaire, et c'est d'eux que les gardiens de ménageries ont le plus
à craindre ; leurs regards, leurs cris, leurs gestes annoncent en même temps l'impudence
la plus brutale, les désirs les plus lubriques, et ils les satisfont par les excès les
plus honteux: la nature semble en un mot avoir voulu en faire l'image du vice dans
loulesa laideur.
Mais Je Mandrill n'a pas à tout âge cet excès de difformité et de malice; la proportion
alongée de sa léte, les saillies de ses joues, ne se pi'ononcent que quand ses canines
se développent entièrement ; ce n'est aussi qu'alors que son nez prend cette couleur
rouge qui tranche si fort avec le bleu des joues, (jue ses poils s'alongent et se
hérissent, et que son corps grossit au point de le distinguer si fort des autres Singes
par ses proportions trapues : les jeunes Mandrills et les femelles ont le museau plus
court et d'un bleu uniforme; mais comme ces animaux, ainsi que la plupart de ceux
qui nous viènent de la Zone torride, et notamment le Lion, ont beaucoup de peine à
achever leur dentition dans notre climat, il est arrivé très-rarement qu'on y ait vu de