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brune le long du clos cl une blanche derrière chaque canon, ce qui, comme on
voit, ressemble prodigieusement au pelage du Bouqueiin ordinaire.
Aucun des auteurs qui ont observé les Bouc|uetins ne parle donc de la croix
noire, si remarquable sur nos animauxj et, d'un autre côté, les traits blancs du
derrière des jambes, la blancheur du ventre, et quelques autres marques dos vrais
Bouquetins, ne se U'ouvent point dans nos animaux.
Je n'ai vu qu'un seul véritable Bouquetin; c'est le jeune individu décrit autrefois
par Daubenton, et conservé dans notre Muséum 5 apparemment qu'il est mort dans
l'hiver, car il est tout recouvert d'un poil laineux, gris-roussdtre; la ligne dorsale
est à peine un peu plus brune que le reste. La poitrine et le devant des quatre
pieds sont brun-marron. La bande blanche qui règne derrière les jambes et les
canons, est très-marquée. Les fesses sont blanchâtres, ainsi que le dedans des
membres et le bas-ventre. Les cornes, quoique coiurtes, sont déjà sensiblement
carrées. II n'a point de barbe.
Cette croix et les autres différences du pelage, se joindraient-elles à celles des
cornes jiour faire de nos animaux des /Egagres ou Chèvres du Bézoai-d?
II foucb-ait, pour répondre, avoir une bonne description de l'^ilgagre; et c'est cc
qui manque encore à l'Histoire naturelle.
Cette Chèvre du bézoard, très-bien indiquée par Garcias ab horto, Monardes
et Koempfer, a été ensuite méconnue. Des auteurs, qui n'avaient point voyagé,
ont attribué la production du bézoard à diverses Antilopes, la plupart étrangères
aux climats d'où cette concrétion nous vient 5 et Buffon, lout en remarquant que
le bézoard est aussi produit par de vraies Chè\Tes, a cependant transporté le nom
de Paseng ou de Pasan, qui désigne, en Perse, la Chè\Te du bézoard, à une
Antilope, et, ce qui est plus bizarre, à une Antilope de l'Afrique méridionale.
Ce n'est pas ici le lieu de développer la série de sophismes par lesquels on était
arrivé à un résultat aussi contraire à la vérité. Il suffit de dire que Gmélin le
jeune, a, le premier, rétabli l'espèce du vrai Paseng, ou de la Chèvre du bézoard,
c'est-à-dire de l'/Egagre.
11 en a donné une courte description, et il en a envoyé le crâne et les cornes
à Pétersbourg, où Pallas les a décrits et en a tiré le caractère spécifique de l'animal,
qui convient très-bien à nos individus.
Mais pour le pelage, on n'en sait que le peu que Gmélin en dit; savoir: que la
tête est noire en avant, rousse aux c6tés; la barbe longue et brune, ainsi que la
gorge; le corps gris-roussâtrc, avec une ligne dorsale et la queue noires. On voit
que ce voyageur nous laisse indécis sur la couleur des pieds, des fesses, et sur
l'existence des bandes transversales à l'épaule et à l'aine.
Gmélin n'a point trouve de cornes aux femelles qu'il a observées ; mais Kîempfcr
dit qu'elles en ont quelquefois de petites. Ce que ce dernier j'apporte de la forme
du corps qui ne le cède point en légèreté à celle du Cerf, est sans doute exagéré.
Cc serait une chose bien intéressante, que d'avoir constaté l'exisiencc dans les
Alpes d'Europe, du Paseng, ou de la Chèvre sauvage. Nous avons vu j)lus iiaut (jue
OU BOUC SAUVAGE. 5
Pallas l'avait soupçonnée d'après quelques figures; mais celles de Riedinger, qu'il
cite dans le nombre, et que nous avons vérifiées, ne représentent que le Bouquetin
ordinaire. Bélon dit bien qu'il y a deux espèces de Bouquetins dans les montagnes
de Candie, mais il ne s'explique point sur leurs dilférences; ainsi, jusqu'à présent,
notis n'aurions eu que des conjectures sur ce sujet.
Le Paseng, ou ^gagre d'Asie, habile sur toute la chaîne de montagnes qui
traverse le nord de la Perse et de l'Inde jusque vers la Chine, c'est-à-dire sur tout
le Caucase et le Taurus. 11 est connu des Kirgises et des autres Nomades qui
habitent au nord de ces montagnes, comme des Persans qui habitent au sud.
On en trouve encore dans les deux presqu'îles de l'Inde, et jusque vers Je cap
de Comorin.
Il surpasse, en grandeur, toutes les variétés domestiques, montre beaucoup
d'agilité et de force, et tue quelquefois ceux qui cherchent à le prendre, en se
précipitant sur eux. Voilà tout ce qu'on peut recueillir de son histoire, dans le
petit nombre de voyageurs qui en ont parlé.
Nous ne traiterons point ici du bézoard, espèce de concrétion à laquelle on a
attribué long-temps des vertus imaginaires, et qui a tout à fait perdu son crédit
aujoiu'd'liui. II en naît dans les intestins de toutes sortes d'animaux, mais c'est
celui de l'estomac du Paseng, qui a passé long-temps pour une chose si précieuse,
sous le nom particulier de bézoard oriental.
Nos animaux, qu'ils soient de vrais Pasengs, ou simplement des métis de
Bouquetin et de Chèvre^ sont parfaitement doiax et privés. Quoiqu'ils soient deux
mdles pour une femelle, ils vivent ensemble dans la meillem-e intelligence, qu'ils
montrent même d'une manière jîarticulière, en entrelaçant leui's cornes l'une dans
l'autre. II est vrai qu'on leur amène assez de Qièvres ordinaires pour qu'il leur reste
peu de sujets de dispute. Lorsqu'il y en a, c'est le brun qui l'emporte sur le jaune.
Leur odeur, leur manière de marcher, de courir, de flairer, leur habileté à
grimper, leur nourriture, leurs excréments, leur manière de se défendre et de
présenter les cornes quand on les attaque, ressemblent parfaitement à celles des
Boucs ordinaires. Seulement ils sentent un peu moins fort.
Nous les avons depuis treize mois. Ceux qui les vendirent assurèrent qu'ils
venaient d'être pris dans les environs du Grand-TSaint-Bernard ; mais ils étaient
dès-lors trop privés, pour qu'on ajoutât une foi entièi'e à celte assertion. La femelle
est toujours restée plus sauvage. Elle a été couverte ici sans qu'on s'en apperçût,
car elle n'a fait son petit qu'au bout de sept mois de séjour à la Ménagerie. Le
petit ressemble à l'individu brun.
On a long-iemps disputé pour savoir ce que c'était que VHipélaphe d'Aristote
cl le Ti-agélaphe de Pline. Le premier a la taille du Cerf, une crinière qui descend
jusqu'au garrot, et une barbe sous le menlon; le mâle porte des cornes semblables
à celles de la Gazelle ou du Chevreuil^ car le mot Aopxàç peut signifier l'un et
l'autre, et Gaza met même dans cet endroit la Chèvre. Enfin, l'Hipélaphe vient du
pays des Arachotas, dans l'Inde, le même qui est la patine des Builes.
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