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Aussi n'avons-nous que des noiions assez >'agues sui- le nombre des espèces voisines
du Lama, et sur les moyens de les distinguer entre elles.
Selon les notions les plus récentes, Lama, ou plutôt Llama ( qu'il faut prononcer
en mouillant IX ), serait un nom générique par lequel les Péruviens auraient môme
désigné nos Brebis d'Europe, lorsqu'ils les virent arriver avec les Espagnols; il
signifie, selon les uns, bête à laine; selon d'autres, animal brute: mais on varie
beaucoup sur le nombre dos espèces américaines comprises sous ce nom.
BufTon n'en admettait d'abord que deux; savoir: le Lama, qu'on nomme, dans
son état sauvage, Guanaco au Pérou, et Hueqiie au Chili : et le Paco, qui, dans
ce même état sauvage, s'appèle flcimna ou Figogne. C'était alors l'opinion de
Linnaius, et ce fut depuis celle de Pennant.
BuiTon supposa ensuite, sur l'autorité d'un abbé Béliardy qui avait résidé
long-temps en Espagne, que ie Paco est une espèce intermédiaire entre les
deux autres.
Enfin Molina ayant considéré même le Guanaco et le Ilueque comme des
espèces distinctes du Lama, Gmelin, Schreber et Sliaw adoptèrent toutes ces
idées, et le nombre des espèces fut porté à cinq.
Nous sommes fort éloignés de croire qu'il y ait des raisons suffisantes pour admettre
cette distribution.
D'abord l'abbé Béliardy a emprunté de Frésier la plus grande partie de la note
qu'il a remise à Buffon, et ne mérite pai- conséquent point de faire autorité
par lui même.
Quant à Molina, il est aussi depuis long-temps beaucoup trop suspect aux
naturalistes pour faire foi à lui seul; et il le peut d'autant moins dans ce cas-ci,
qu'il semble résulter de son texte, qu'il n'a point vu par lui même le Llama ni
la Vigogne du Pérou; ensuite les citations et les synonymes dont on l'appuie, ont
été recueillis et accumulés avec une légèreté impardonnable.
Par exemple on ne nous donne pour toute figure du Guanaco, qu'une copie
de celle de Gessner, laquelle ne peut représenter que le Lama ordinaire, puisque
c'était ce même individu amené à Anvers en i558.
On en cite à la vérité une autre d'Ulloa, tome 1, planche 28, ilg. 4; mais il
est aisé de voir que ce Guanaco d'Ulloa, et le Lama du même, ib. fig. 5, ne
sont que des copies des deux figures de Lama de Frésier, pl. A, fig. A.
On ne sait trop comment Je nom anglais Peruisch Cattl {bétail du Péi-ou),
s'est glissé en qualité de Mexicain, dans l'ouvrage de Fernandes; mais il est sûr
que ce que l'auteur dit de l'animal auquel il donne ce nom ne désigne pas plus
le Guanaco que le Lama, et on ne voit pas pour quoi Gmelin l'a regardé plutôt
comme synonyme de l'un c[uc de l'autre.
Quoi qu'il en soit de ces difficultés, les Lamas et les Pacos tant sauvages que
domestiques forment dans l'ordre des ruminants, un petit genre, ou sous-genre
Américain très-voisin des Chameaux de l'ancien Continent. Ils ont de ceux-ci,
les doigts armés seulement à letur pointe par un peiit ongle plat au lieu de sabot,
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le long cou, la lèvre fendue, l'absence de cornes, la présence des dents canines
aux deux milchoires, le poil fourni et laineux; mais ils n'ont point ces loupes de
graisse qui rendent le corps du Chameau si difforme, et leurs incisives inférieures
ne sont qu'au nombre de six, tandis que les Chameaux en ont huit comme lous
les autres ruminants. Leur os iniermaxillaire ne porte point de dents, et leurs
doigts ne sont point réunis par une semelle commune. Leur taille est d'ailleurs bien
inférieure à celle des Chameaux. Le Lama ne surpasse pas beaucoup la grandeur
d'un Cerf ordinaire, ni la Vigogne celle d'un Mouton.
Le plus grand des deux individus de M'"". Bonaparte, qui est la femelle, avait,
quand nous l'avons mesuré, 0,96 de longuem- de tronc, à prendre du poitrail a
la croupe, et 0,68 de hauteur au garrot; son cou avait aussi 0,68 de haut, sa
tête 0,52 de long, ses oreilles 0,16, sa queue 0,24; son ventre avait 1,28 de
circonféi'ence.
La physionomie de cette femelle frappe singulièrement, par la ligne droite que
fox'ment le front et le chanfrein; par l'avance que la lèvre supérieure fait au-delà
du nez, et par le sillon profond qui divise celui-ci.
Ses yeux sont ronds, saillants et très-vifs; ses cils longs et serrés. Ses oreilles,
qu'elle redresse souvent, qu'elle couche quelquefois en arrière, sont elliptiques,
peu aiguës, et de moitié moins longues que la léle.
Le cou frappe encore par sa longueur, plus considérable que celle des pieds de
devant, proportion peu ordinaire dans les quadrupèdes, et qui se remarque d'autant
mieux dans le Lama, que son cou est grêle, comprimé par les côtés, et garni,
ainsi que la töte et les oreilles, d'un poil beaucoup plus ras que celui du reste
du corps.
Le long de la nuque seulement est une petite crinière composée de poils semblables
à ceux du dos et des flancs. Ceux-ci sont longs de trois pouces, couchés, un peu
laineux ou gaufrés vers leur racine, lisses, soyeux, et même un peu brillants à leur
extrémité; le dos est fait en dos d'âne, et tout à fait en ligne droite; à peine
apperçoit-on un peu de saillie au garrot.
Lorsque l'animal plove son col, sa nuque devient concave, et la partie la plus
creuse de la concavité descend d'un demi-pied plus bas que le garrot. C'est, comme
on sait, une attitude ordinaire au Chameau.
La croupe est faible; elle a l'air d'être échancrée sous la queue; celle-ci n'irait
qu'à moitié de la cuisse: l'animal la tient d'ordinaire relevée et courbée, mais en
sens contraire du chien, c'est-à-dire la convexité en haut.
Les jambes sont de grosseur médiocre; les tarses longs et secs; le pied comme
au Chameau pour les ongles, mais plus court à proportion de sa largeur; les deux
doigts tout à fait séparés, et non réunis par une semelle commune comme au
Chameau. De chaque côté du milieu du tarse, est une tache longitudinale presque
rase et d'un gris-clair.
La couleur générale de cette femelle est d'un brun foncé tirant siu' le noir, avec
un reflet de roussâtre, comme du bois d'acajou très-noirci parle temps, ou coimne
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