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de I ebène un peu rougeâtre : il y a (¡uelques ladies blanches et irrégulières à la léie-,
savoir: une derrière l'ceil gauche; une au cóle droit du nez el du museau 5 une
derrière Ja commissure droite des lèvres, ei une en travers sur le front. L'irrégularité
de leur position prouve assez qu'elles ne sont pas naturelles à l'espèce, mais qu'elles
viènent de l'état de domeslieilé.
La poitrine et le bas-ventre sont presque ras, et les longs poils des flancs s'y
détaclicnt bien. La peau du dessous de la queue, autour de l'anus et de la vulve,
est nue et gris-brun. L'oreille est gris-brun et noire au bout. Les avant-bras, les
jambes et les pieds sont plus ras que le corps et d'un noir plus plein.
Comme ces animaux s'agenouillent à la manière du Chameau, ils ont de petites
callosités nues aiuc carpes et aux genoux, et une plus grande au sternum. Mais
celui-ci n'a rien qu'on puisse nommer loupe, comme le dit Linnoeus ( Topho
peclorali ).
Matlhioie,et sans doute, d'après lui, Molina, disent qu'il suinte (¡uelque lamieur
de cette callosité du sternum. Nos individus n'ont rien montré de semblable.
Le mâle, qui est plus jeune que sa femelle, est aussi plus trapu, plus laineux;
sa couleur est un gris-brim-pâle uniforme, avec un peu de brun foncé à l'extrémité
des poils; la tête est d'un brun plus foncé que le reste; sa verge est conmie dans
le Chameau , et il urine en arrière.
Au reste, il s'en faut que leS couleurs soient les mêmes sur tous les individus;
celui que Buffon a observé était d'une couleur de musc un peu vineux, avec une
ligne noirâtre le long de la nuque et de l'épine du dos, et son col était pi>esque
aussi laineux que le tronc,
La ligure de Recclii, dans Ilernandès, l'indique comme étant jaundtre dessus
avec uiie ligne noirâtre, et blanc dessous.
Celui de Gessner avait le cou blanc et le reste du corps roux. Frcsier le
représente comme blanc, gris, et roux par taclies. Ulloa assure qu'il y en a de
bruns, beaucoup de blancs, et quelques uns de noirs et de tigrés. II paraît, en
u n mot, que celte espèce est soumise aux mêmes vax'iations de couleur que les
autres animaux domestiques.
Quant aux Guanacos, les voyageurs disent expressément qu'ils ne diffèrent
des Lamas domestiques que parce (ju'ils sont un peu plus grands, et que leur
couleur est un châtain uniforme; il y a même une variété donieslic[ue nommée
Guanaco - Lama, parce qu'elle approche du Guanaco pour la taille et pour ia
couleur ; ainsi tout prouve d'abord que le Guanaco n'est autre que la souclie
naturelle et sauvage du Lama, et ensuite que Schreber a eu tort de donner comme
figure d'un Guanaco, celle de ce Lama roux et blanc vu à Anvers au seizième
siècle.
Les Guanacos ou Lamas sauvages habitent, comme on sait, la chaîne des
Cordillères, où sont les plus hautes montagnes du globe. Ce sont des animaux
très-sociables, qui vivent en grandes troupes, et ils conservent ce caractère doux
jusque dans la domesticité.
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Les deux animaux de la Malmaison s'aiment beaucoup ; ils sont toujours
ensemble : si l'on en retient un dans sa cabane, l'autre s'en approche, tourne tout
autour, et appèle son camarade par toutes les ouvertures.
Leur cri est un petit gémissement doux, hein, comme celui d'une femme qui
se plaindrait; ils attendent quelques instants avant de le répéter.
Pendant leur séjour à Brest, ils se sont accouplés souvent, tantôt deux fois par
j o u r , tantôt une fois en deux jours: la femelle alors se couche sur ses <|uatre
pattes, le mâle sur celles de devant seulement ; l'accouplement dure un quart
d'heui'e, pendant lequel le mâle allonge excessivement le cou, et répète sans cesse
un petit cri tremblant.
Ils ne paraissent pas avoir éprouvé les difficultés dont parlent quelques auteurs,
qui prétendent qu'il faut quelquefois au Lama un jour entier pour consommer
l'accouplement.
Ils font tous deux leurs excréments dans le même endroit, où il s'en accumule
d'assez grands tas en quelques jours. La forme en est la même que dans ceux du
Mouton, seulement un peu plus petite. C'est là une habitude générale de l'espèce,
(|ui sert môme à la faire prenth'e dans les montagnes, parce qu'on tend des fdets
autour des lieux où sont les tas de leurs excréments.
Ils n'ont pas, comme les Chameaux, un écoulement au col dans Je temps du
r u t , et ne répandent aucune odeur particulière.
Leur douceur est extrême; à peine ruent-ils lorsqu'on les Irappe violemment;
leur plus grand signe de colère est de cracher sur ceux qui les tourmentent; mais
leur salive n'a aucun mauvais effet sm- la peau, comme quelques voyageurs l'ont
prétendu. C'est aussi l'arme avec laquelle la femelle écarte le mâle, quand elle
n'est pas d'humeur de céder à ses désirs.
Ils mangent dix livres de foin par jour, quand ils ne peuvent point pâturer :
lorsqu'ils ont de l'herbe verte, ils ne boivent point du tout, et en tout temps ils
boivent très-peu.
On sait que les Lamas et les Pacos étaient les seuls animaux domestiques des
Péruviens avant l'arrivée des Espagnols : les premici's leur servaient de bêtes de
trait et de somme; ils les employaient même au labourage: les autres n'étaient
nourris que comme nos moutons, pour leur toison et pour leur chair.
Les principaux avantages du Lama sont sa sobriété et la sûreté de son pied,
qui lui fait pai'courir, sans danger, les rochers les plus escarpés: mais ces avantages
sont balancés par l'inconvénient de sa faiblesse.
Il ne porte que i5o à 200 livres pesant, et ne fait, ainsi chargé, que quatre ou
cinq lieues par jour seulement, encore faut-il qu'il repose chaque cinquième jour; si
on veut le forcer de faire plus de chemin, ou de porter une plus grande charge, il se
couche, et rien ne peut le faire relever; si on l'excède de mauvais traitements, il
se tue, en se frappant la tête contre les rochers; il refuse encore absolument de
marcher la nuit : aussi son usage, comme béte de somme et de trait, a-t-il beaucoup
diminué au Pérou depuis que les chevaux, les mulets et les ânes y ont été multipliés.
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