a LA LIONNE.
dislîinces;ellc saule,bondit, s'élance comme le mâle, francliil, comme lui,des intervalles
de quatre ou cin(| mètres; sa vivacilc est même plus grande, sa sensiijilité plus
ardeiue, son désir plus véhément, son repos plus court, son dépari plus brusque, son
clan plus impéLueiLx.
Elle a , de même c|ue le Lion ei les autres animaux de sou genre, ciiacune de vses
miU-lioires armée de six incisives très-iranchanles, de tleux croclicls redoutables, et de
molaires peu nombreuses, mais couronnées de pointes uipués. Sa langue, ainsi que
celle du male, est hérissée de piquants ou papilles dures qui déchirenl aisément la peau
qu'elle lèche; ses onjiles longs, durs et crochus, ne s'éiendenL qu'à sa volonté, cl,
gai-anlis de lout froUcment par la position qu'elle leur <loune lorscju'clle n'a pas besoin
de s'en servir, ils conservent long-iemps leur ¡)oi nie acérée.
Douée des six caractères remarquables <[uc nous croyons devoir regarder comme les
véritables signes dislinclifs de son cspèce,clleofrrccctie couleur uni fonne et sans laclic,
doni la nuance rousse ou fauve suiïiraii poiu' Taire reconnaiti'e le Lion au milieu des
autres carnassiers, el potu- le séparer incinc du Cougar ou prélendu Lion d'Amérique ;
une houppe de poils alongés, placée à l'exu-émité d'une ([ueue longue, déliée, agitée
fi-équemnient, et i[ui, frappant avec rapidité, renverse ou brise avec violence; des
poils plus longs que les autres, au-dessous des oreilles et de la mâchoire inférieure; un
cou très-gi'os;uu museau et particulièrement un menlon ari'ondis; el de telles dimensions
dans les trois parties principales de la face, le front, le nez et la partie inférieiu-e,
que ces iroisportions presqueégales l'une àl 'autre,et proportionnéesà-peu-prèscomme
les irois parties analogues de la figure humaine, donnent à l'ensemble tie ses iraits un
air d'clévai ion,demajesl é et d'empire.
Aussi courageuse ([ue le Lion, elle attacjue, lorsque la faim la presse, tous les animaux
qu'elle pcutaiieincbe. Mais aussi redoutée que lui, elleest souvent obligée d'avoir
recours à la ruse, de cacher sa poursuite, de se coucher sur le ventre, au milieu de
haules herbes, et d'attendre que sa proie vièuc se livrer à ses annes. Llle se précipite
alorssnrsaviclime, la saisit dès son premier bond, l'imiuole, brise ses os et déchire ses
chairs. Dans les forêls africaines, et sur la lisière des deserts des contrées lorrides
qu'elle fréquente, elle se nourrit ordinairemeni de (iazelles et de Guenons, <(ui ne
peuvent se dérober à sa dent meuririère que par une fuite précipitée, mais presque
toujot-u's irmlile. On a écrit que les Guenons el les autres (|i.iadriinianes africains qui
ne se plaisen t pour ainsi dire que sur le sommei des arbres, trouvaieiU, au milieu de leurs
rameaux touffus, un asyle assuré conlre la grifPe de la Lionne et du Lion, (]ui, malgré
leur force, leur légérelé, leur souplesse el leurs ongles, ne pouvaient pas gi'imper sur
les ai-brcs comme les aiures t'eU.s, cl particulicrcmcnl comme le Tigre, donI néanmoins
le volume, le poids et la conformation sont presque semblables à ceux du Lion
et de la Lioime. Nous douions beaucoup de la vérilé de cette assertion, et nous sommes
irès-porléa à croire, d'après la forme el les attributs de l'espèce du Lion,aiusl que d'après
les divei's mouvements auxquels se livrent les Lions cl les JJonnes du Muséum
d'histoire naturelle, dans l'enceinte ciroiie (|ui les i-cnfin-mc encore, ((ne ces animaux
grinTpcraienl sur des tiges élevées, au moins aussi iacilcjucnl que le Tigre, et que les
autres gi^ands carnassiers du genre des Fclis.
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L A LIONNE. 5
Quoi qu'il en soil, la Lionne ne se jète sur les cadavres, et sur-tout sur leurs débris
infects, que lorsqu'elle y est contrainte par un besoin irrésistible. Elle préfère la chair '
des animaux (juclle vient d'égorger.Cependant elle né donne pas la mort à un aussi
grand nombre (le victimes quelcTigreet laPandièrc, parccqu'ellcn'est pas contrainte,
comme ces fdis, de rechercher la nourriture la plus active et la plus substantielle,
un sang pur, abondant el encore chaud ; el voilà pourquoi on ne lui a pas atu-ibué, non
plus qu'au Lion, celle cruauté insaiiable, celle ardeur pour le carnage, cette soif
inmiodérée du sang, qui font de la Paiulière el du Tigre, des objets d'horreur en mémo
temps (jiic (l'effroi.
C'est principalement lorsqu'elle allaite ses petils qu'elle est terrible. Et comment
serions-nous étonnés de ce redoublement d'audace, que nous relrouvons dans presqnc
toutes les femelles pendant le temps où elles veillent sur les jours de leur j eune famille?
Leur sensibilité plus exercée n'est-elle pas alors plus vive? Leur irrilabilité n'esl-elle
pas ])lus grande? Leurs besoins ne sont-ils pas plus puissanis? Leur existence étendue
pour ainsi dire jusques dans leurs petits, et exposée par-là à plus d'eimemis, ne doit-elle
pas, en éveillant plus de craintes, inspirer plusd'efïbrts pour écarter les dangers?
Aussi, lors(|uela Lionne a de jeunes Lionceaux à nourrir ou à défendre, s'avance-telle
avec iîerté contre les seuls animaux qui puissent la combattre avec avantage. Le
Tigre, l'Eléphant, le Rhinocéros, l'ITippopotame, lui opposent en vain et la masse, el
la vitesse, et l'adresse, et des armes. Elle les brave même lorsque ses aifeclionsde mère
ne donnent point à son courage une nouvelle ardeur; et lorsque l'IToumie parvient à la
vaincre, ce n'est (¡ue par le fer dout son art a su faire des armes redoutables, par le feu
qui brille autour d'elle, des végétaux desséchés, ou lance au loin un plomb meurtrier
et rapide, ou en réunissant les efforts d'un grand nombre de Chiens généreux et de
Chevaux aguerris.
Mais cette inti'épidilé n'appartient plus à la Lionne, lorsque, habitant des forêts
trop voisines des ciids, elle a perdu, jiar une triste expérience, le sentiment de sa
puissance el acquis celui de la supériorité de l'art de l'Homme.
El ce n'est pas seulement la nature de ce noble et redoutable animal que l 'Homme a
modifiée. Eu se répandant sur la surface du globe, el en se rapprochant chaque jour
davantage des tanières du Lion, il a ravi l'empire à cette espèce privilégiée; il l'a exilée
loin de sa demeure; il f a chassée par exemple de la Tliessalie, de la Macédoine, de la
Thracectdes autres contrées europécïines où on la trouvait encore du temps d'Arisiole;
il l'a reléguée vers les pays les plus voisins des iropi(|ues; il l'a contrainte de fuir sur les
bords des deserts brûlants; et, la forçant à n'habiter que dans des endroils où le défaut
frcipieut d'eau, de pâture el de fruits, réduit à de petites troupes les Guenons, les
Antilopes cl les autres animaux frugivores dont elle aime à se nour r i r , il a diminué le
nombre des individus de celte espèce-roi, en même lemps qu'il a rétréci le domaine
qu'elle avait envahi.
11 ne faut pas croire néanmoins, avec plusieurs illustres naturalistes, que l'accroissenieiu
(Ida population de iTIonunc,soil la seule cause de la diminution du nombre des
Jalons. Ou en trouve maintenant beaucoup moins (|u'on n'en rencontrait, i lya une
Atngtaine de siècles, dans l'Asie méridionale, dans les montagnes de l'Atlas, dans les m