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ébranler j il fait, sans ihiif^uç, quinze ou vingi lieues par jour, et lorsqu'on le presse il
en fait plus de trente. Il joint à ces avantages tous ceux qui résultent de son intelligence;
comme de retrouver seul sou chemin, d'imaginer des ressom-ces dans les
embarras, cl ceux «¡ue lui donnent son acbesse et la forme heureuse de sa trompe.
Tout !e monde sait qu'on remployail autrefois à la guerre, qu'on le chargeait de
soldats, et (¡u'on lui assignait une place importante dans les batailles^ mais il craint
trop le fen pour qu'on puisse aujourd'hui en faire le même usage; il ne sert plus qu'au
ti-ansport des vivres cl de l'artillerie.
Sa consonmiation est proportionnée à son utilité; un Éiépliaiil privé mange cent
livres de riz par jour, ¿1 quoi il faut ajouter de l'herbe fraîche, des fruits, et niéme du
beurre c tdu sucre; celui qui a vécu à la ménageriedeVersailles,« la fin du dix-septième
siècle,recevait cliaque jour quatre-vingts IÎM'CS de pain, douze pinies de vin, deux
seaux de potage, deux de riz cuit dans l'eau et une gerbe de bled. L'iiléphani aime
beaucoup toutes les liqueurs spiritueuses, et c'est en lui en montrant qu'on parvient
à le déterminer aux |)Ius grands eflbrts.
Les deux Eléphants de la ménagerie du Muséum <-onsommeut à présent chacun
cent livres de foin, dix-huit livTes de pain, quelques bottes de carottes et quelques
mesures de ponmies de terre, sans compter ce que les cm-ieux lein* donnent sans cesse.
Ils mangent toute la journée sans aucune heure marquée. En été ils boivent jusqu'à
trente seaux d'eau chacun.
lis sont en ce moment dgés de près de dix-huit ans, et ont huit pieds <[uaire pouces
de hauteui' : ils sont crus d'un pied quatre pouces depuis trois ans qu'ils sont à Paris.
Lorsqu'on les amena en Europe, en 1786, ils n'avaient que deux ans et ilcmi, et trois
pieds six pouces de haut : ils ne mangeaient alors^(ue vingt-cin(| livres de foin chactni.
Ils sont nés à Cevlan, et de la plus gi-ande race. La compagnie hollandaise des Indes
en avait fait présent au Stadhouder; on les amena par eau jusqu'à INimégue, et de là à
Loo par ten-e et à pied. Il fut très-difficile de leur faire passer le pont d'Arnheim, tant
ces atiimaux sont défiants; il avait fallu les faire jeilner, et on les engageait à avancer
en letu" ofTrant <le loin leur nourriture; encore ne faisaient-ils aucun pas sans avoir
essayé de toutes les manières la solidité de chaque planche sur laquelle ils devaient
poser un de leurs pieds.
Ils furent très-doux tant qu'ils restèrent à Loo; on les laissait aller librement partout
; ils montaient même dans les appartements, et venaient pendant le repas recevoir
les friandises que chacun leur donnait ; mais à l'époque de la (conquête de la Hollande,
un grand nombre de personnes étant venues les voir à toute heure, et ne les ayant pas
toujours traités avec discrétion, ils onl perdu beaucoup de leur douceur. La génc 1 [i l'ils
ont éprouvée dans les énormes cages qui ont sei-vi à les transporter à Pai-is, a encore
altéré leur nature, et on nose à présent les laisser en liberté; mais on les tient dans im
parc assez étendu pour <[u'ils puissent y prendre les jnouvemenls nécessaires à leur
santé; ils ont un bassin pour se baigner; ils enlrent et sortent libiement de leur
écurie ; leur cToissan<;e rapide prouve (|u'ils sont très-bien portants.
Ces deux individus ont l'un pour l'autre rattachement le j)lus tendre; lorsque l'ttn
des deux témoigne quelque effroi, l'autre accourt sur-le-champ à son aide; c'est sur-
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tout lorsqu'ils sont frappes par quelque objet nouveau pour eux, que leurs caresses
redoublent de vivacité; alors ils courent de côté et d'autre, ils jètent des cris, ils se
caressent de leur trompe; le mâle donne des signes d'une ardeur à laquelle il est
ordinairement fort étranger. Jamais ces mouvements ne furent plus marqués qu'à
leur arrivée à Paris, lorsqu'ils se retrouvèrent après ime longue séparation : on eut
même un instant l'espoir qu'ils en viendraient à une union réelle; mais cet espoir a
été trompé jusqu'ici.
Ils ont éprouvé absolument les mêmes choses lorsqu'on lem* donna un concert et
lorsqu'on leur eut construit un bain; dans la première occasion, se joignirent aux
effets ordinaires de la surprise, les impressions iminédiates des instruments; celles-ci
ne nie parurent cependant pas plus vives que celles qu'on observe sur les chiens; elles
se bornèrent à des hurlements, des cris et quelques sauts cadencés; mais leiu-s tentatives
amoureuses furent ce jour-là très-fortes et très-répétées, quoique sans succès.
Ces animatix ont trois cris; un delà trompe, qui est plus aigu et qu'ils ne semblent
faire entendre (jue pour jouer entre eux; un faible de la bouche, par leifuel ils demandent
leur nourriture ou leurs autres besoins, et tm très-violent de la gorge, lorsqu'ils
éprouvent quelque efíroi. Ce dernier est réellement terrible.
Ils sont généralement doux, ne cherchent point à nuire, (connaissent et aiment leui-s
gardiens; mais ils devienen t méchants lorsque les glandes qu'ils ont derrière les oreilles
viènent à couler : alors leurs gardiens en éprouvent de mauvais traitements, et ils se
liattent môme entre eux. Il n'y a cependant que le mâle qui ait cet écoulement ; il ne
l'a eu qu'à quinze ans. On ne sait si la femelle doit l'avoir, quoiqu'elle ait une ouverture
semblable à celle du mâle. Cet écoulement dure quai'ante jours, il s'arrête ensuite
pendant quaranteautre jours et revient. L'humeur qu'il produit est visqueuse et fétide.
C'est pendant les derniers jours de l'écoulement qu'ils sont le plus méchants; ils en
viènent môme jusqu'à refuser lemasiger; mais ce refus est un signe certain que leur
état va cesser.
Homère parle souvent de l'ivoire, mais il n'a point connu l'Éléphant. Hérodote a
dit le premier que cette substance vient des dents de cet animal. Les premiers Grecs
qui ayent vu l'Eléphant, furent Alexandre et ses Macédoniens lorsqu'ils combattirent
contre Porus. Il faut cpnls les ayent bien observés, car Aristote donne de cet animal
uiie histoire complète, et beaucoup plus vraie dans lous ses détails fjue celles de nos
modci-nes. Api-ès la mort d'Alexandre, ce fut Antigontis qui eut le plus d'Eléphants.
Pyrrhus en amena le premier en Italie, l'an de Rome 472, et comme il était débarqué
a Tárente, les Romains donnèrent à ces animaux qui leur étaient inconnus, le nom
de boeufs de Lucanic. Curi us-Dent a tus qui en avait pris quatre sur Pyrrhus, les amena
à Komc pour la cérémonie de son triomphe. Ce sont les premiers qu'on y ait vus; mais
ils y devinrent bientc^t en quelque sorte une chose commune. Metellus ayant-vaincu
les (Carthaginois en Sicile, l'an 5o2, fit conduire lem-s Eléphants à Rome sur des
radeaux, au nombre de 120 suivant Sénèque, et de 142 suivant Pline, Claudius-Pulcher
en fil combattre dans le Cirque en 655. Lucullus, Pompée, César, Claude et
Néron nrcnl voir aussi des combats, soit d'Éléphants entre eux, soit d'Eléphants connue
des Taureaux ou même contre des Honnnes. Pompée en attela à son char, lors de son