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bois voisins du ^and desert de Zaara, ei dans les diiTérenls pays plus ou moins rapproches
du nord dd'Africiue. El cependant loul le monde sait (]uc ces contrées asiatique-s
et africaines étaient bien plus peuplées, il y a deux ou trois mille ans, et lorsqu'elles
étaieni liabilées par des nations que leurs richesses, leur industrie et leur puissance
ont rendues célèbres, (juaujourd'hui où elles ne nourrissent que des peuples afîaiblis,
pauvres, iijnorantsct à demi barbai-es. O n doit supposer que le climat a éprouvé, dans
ces portions de l'Afrique et de l'Asie, descliangements funestes à l'espèce du Lion. Des
bois péris de vétusté et non renouvelés par la nature, les ten-esdesliauleurs entraînées
dans les plaines, les inoula^ncs abaissées, les pluies devemies moins abondantes, les
sources taries, la stérilité aui?mentée,onl diminué les asylesdu Lion et les troupeaux
d'animaux asiatiques ou africains dont il se nourrit. El d'ailleurs, l'invention des armes
à feu a centuplé la puissance de l 'Homme son ennemi le plus dangereux.
Mais l'Homme a fait plus encore qu'écarter le Lion ou lui <lonner ime mort assurée.
]1 l'a pris vivant , l'a dompte par la constance, l'a soumis par les soins, l'a radouci par les
bienfoits, el , lui inspiraut uu attachement aussi vif que durable, a chaniié cet animal
si terrible en ami généreux, en hôte volontaire, en habitant libre de sa deniem-e. O n a
vu il n'v a pas long-temps, à Constantinople, un des ministres de l'empereur <lesTiu'cs,
avoir souvent auprès de lui uii Lion c|ui jouissait dans son palais d'autant de liberté <jue
l'animal domestique le plus pacifique et le plus fidèle. Et ce n'est pas seulement à
l'iionmie que le L ion, plus aimant qu'on ne l'a cru, s'attache avec force et avec constance.
Nous avons été témoins de l'amitié touchante f|ui a lié pendant long-temps un
jeune Chien et le Lion de la Ménagerie du Muséum, à l'histoire duquel le citoyen
Toscan a su donner un si gi'and intérêt.
La Lionne peut éprouver une affection aussi profonde el aussi peu passagère. Dans
le moment où nous écrivons, une des Lionnes de la ménagerie du Muséum, non seulement
souflresans peine un jeune Chien dans sa loge, mais elle paraît l'aimer beaucoup;
elle se plaît àses jeux; elle s'amuse de ses caprices; et sensible à ses caresses, attentive à
ses besoins, satisfaite f[uand elle le voit auprès d'elle, triste lorsqu'on le lui 6te pendant
quelques moments, c'est bien plus au sentiment mutuel que ces deux prisonniers se
sont inspirés, qu'à sa douceur particulière, qu'elle doit la tran(|uillilc avec laquelle elle
supporte la perle de sou indépendance.
Au reste,quel est l'animal qui,n'éprouvant ni souffrance, ni crainte,ne perdrait pas
insensiblement sa férocité? Et n'est-ce pas sur-tout la terreur qui conduit à la cruauté
sanguinaire?
Cependant la prudence ne doit jamais permeiti-e d'oublier que, lorsqu'un animal
très-fort a des appétits très-véhéments, des affections ardentes, des mouvements violents,
des armes ten-iblos, une impression soudaine et inattenduii peut le ramener tout
d'uîi coup vers le<'aractère naturel de son espèce; <|IM1 ne suffît jiasd«! ne pas le laisser
souffrir de la faim, et de ne pas risquer de l'irriter par de mauvais iraitcments, cl (|u'il
faut de plus être toujours en garde contre un de ses retours bj-us(|ues el imprévus vers
lesenliment de sa supériorité, l'horreur de la contrainte et sa férocité originelle.
La Lionne dont on ilonnela figure dans cet otnTage, est aussi douce que celle qui a
un jeune Chien pour compagnon d'esclavage. Mais plus heureuse que cette dernière,
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elle a été, jusqu'à présent, préférée ¡¡ar le mâle. Elle n'est âgée que de sept ans ou
environ; elle n'avait que dix-huit mois lorsqu'elle fut prise dans un piège à bascule,
avec son mâle qui est du même âge qu'elle, et qui vraisemblablement est de la même
portée. Ce rapport et l'habitude d'être ensemble dès le conunencement de leur existence,
n'ont pas peu contribué sans doute à l'aflectiou qu'ils éprouvent l'un pour
l'autre. C'est dans un bois voisin de Constantine, près delà côte seplenirionaled'Afj-iijue,
(jue commença la captivité de ces deux Lions. Lin an après, le citoyen Félix Cassai,
l'un des gardiens de la ménagerie du Muséum, qui à cette époque voyageait en Barbarie,
par ordre du gouvernement, pour y acheter des animaux rares et intéressants,
parvint à les acquérir pour le Muséum, el avant peu de mois il les conduisit à Paris.
On savait depuis long-temps, par Gesner, qu'il était né des Lions dans la ménagerie
de Florence; ^^ illughby avait écrit qu'une Lionne renfermée à Naples avec un Lion,
avait produit des petits; d'autres Lionceaux étaient nés en Angleterre; on espéra de
voir les deux Lions amenés d'Afrique, s'accoupler et produire. Celte espérance ne fui
pas vainc.
Loi'sque la Lionne eut six ans, elle entra enchalem-. Les signes de cet étal furent les
mêmes que ceux de la chaleur de la Chat te, dont l'espèce est la seule parmi les Felis
qu'on ait pu jusqu'à présent bien observer et bien connaître. Le mâle la couvrit; l'accouplement
eut lieu de la même manière que parjni les Chats; et, comme les Chattes, la
femelle jeta de grands cris.
La Lionne devint pleine; mais au bout de deux mois elle avorta, et mit bas deux
foetus qui n'avaient pas de poU.
Vingt et un jours après son avortement elle revint en chaleur, et, dans le même
jour, reçut cinq fois le mâle. Son ventre devint assez gros pour qu'on put s'appercevoir
facilement qu'elle était pleine ;et au bout de cent huit jom-s, dès sept heures du matin ,
ses dotilem-s eonmiencèrent. Elle allait et venait d'une loge à l'autre, en se plaignant et
en répandant par la vulve une liqueur blanche et claire. A cinq heures du soir, temps
ordinaire de son repas, on lui présenta des aliments qu'elle s'efforçait en vain de manger;
à chaque instant sessouiTrances l'obligeaient à les délaisser. Son gai'dien,le citoyen
Félix Cassai, entra dans sa loge et lui fit avaler de l'huile d'olive. Enfin, à dix heui-es,
elle mi t bas un petit Lion mdleet vivant. Elle le laissa envelopjié pendant dix minutes
dans ses membranes (pa'cllc ouvrit ensuite, et qu'elle dévora avec le placenta. Uu
second Lionceau na([uit à dix heures el demie, et un troisième à onze heures un quart.
L'uu de ces trois jeunes Lions avait, cinq jours après sa naissance:
324 iuillimètres depuis ledevaiu du front jusqu'à l'origine de la queue;
I o8 depuis le bout du museau jusqu'à l'occiput ;
8i d'une oreille à l'autre;
122 depuis le coude jusqu'au bout des doigts de la patte de devant;
pS depuis la rotule jusqu'au talon;
88 ilepuis le talon jusqu'au bout des doigts de la patte de'derrière;
162 depuis l'origine de la queue jusqu'à l'extrémité de celle partie.
Lorsc]ue ces Lionceaux sont venus à la lumière, ils n'avaient pas de crinière. Et, en
eflet, nous savons maintenant qu'elle ne commence à paraître sur le cou et aulotu' de