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D'ailleurs, nous n'avons dans la nature aucun exemple constaté d'un produit
mélangé qui ait formé une race permanenle dans lelat de sauvage; et comme
iVEgagre est bien certainement dans cet élat, et qu'il y existe en grande quantité
et dans une grande étendue de pays, nous ne pouvons guère douler qu'il ne
forme une espèce distincte 5 et s'il fallait qu'il y eût dans le genre des Chè^Tes
quelque race bâtarde, nous aimerions mieux la chercher parmi nos animaux
domestiques, et croire, avec Pailas, <jue quelques unes de leurs variétés proviènent
du mélange de l'/Egagre avec le Bouquetin ordinaire, ou même avec le Bouquetin
du Caucase.
Mais tout cela ne met point encore parfaitement au clair la natm-e des individus
de noire Planche. Sont-ils de vi-ais ^gagres sauvages, confondus par cireur avec
des Bouquetins? ou bien les gens qui les ont vendus, ont-ils donné frauduleusement
pour des animaux sauvages, des êtres qu'ils auront fait produire à leurs Chèvres
domestiques en les accouplant avec un vrai Bouquetin ?
Donnons-en d'abord une description exacte, alin de mettre les Naturalistes à
même de décider : il y a deux mâles, une femelle et un jeune.
Les deiLx mdles sont à peu près de même grandeur et de même âge, à en
juger par les cornes; mais ils diffèrent par les couleurs, l'un ayant le fond du
poil gris, et l'autre fauve.
Leur taille est plus forte que celle des Boucs; leur corps plus robuste, plus
trapu; leur poil est lisse, et , quoique assez long, il n'est nidlc part pendant, hors
à la barbe.
Ils ont seize décimètres de longueur deptiis le bout du museau jusqu'à l'anus,
et huit décimètres et demi de hauteur au garrot.
L'individu gris paraît un peu plus haut, parce qu'il a les poils de la nuque et
du garrot plus longs, et relevés presque en fonne de crinière.
Sou poil est gris, nué de blanchâtre à certains endi'oits, et de gris-roussâtre à
d'autres. Le chanfrein, une large bande qui s'étend depuis l'occiput jusqu'à la
queue, une autre qui descend le long de l'épaule, une troisième en avant de la
cuisse, les quatre jambes, les pieds, la barbe, une bande qui se prolonge sous le
cou, toute la poitrine et la plus grande partie du dessous du corps, sont d'un
brun-noirâlre, plus ou moins foncé. La queue est noire, et autour de l'anus est
un large espace arrondi, d'un blanc pur.
Il n'y a sui- les pieds d'autres marques qu'une callosité grise aux genoux de
devant, c'est-à-dire sur le carpe.
L'autre individu, un peu moins fort et moins en poil, est d'un fauve-clair assez
brillant. La distribution du brun sur son corps est la même, mais toutes les bandes
sont plus étroites; là ligne dorsale est très-pâle sur la nuque, et celle du devant de
la cuisse finit avant de rejoindre celle du dos. Il y a un peu de fauve derrière les
canons de devant, et le blanc de l'anus est moins pur : le scrotum est gris-pâle dans
tous les deux.
Les cornes, mesm'ées sur leiu' grande courbm'e, ont huit décimètres de longueur;
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elles sonl comprimées latéralement, tranchâmes par devant, arrondies par derrière
ridees en travers, et celles du gris ont huit noeuds saillants stu- leur tr-anchanti celles
du fauve n'en ont aucuns. '
Le Bouquetin ordinaire de Sibérie observé par M. Pall,is, avait quatre pieds et
quelques pouces de longueur sm- deu.x pieds et demi de hauteur au gan-ot; une
queue courte, nue en dessous; des membres de devant très-robtistes, pour le
soutenir dans ses grands sauts; le poil d'un gris^sale, mélé de brun à la nuque
et aux bras, avec une ligne noire tout le long de lepine du dos, et une autre sur
le devant des quatre canons. La barbe, la queue, et une tache carrée qui occupe
presque tout l'avant-bras, sont encore noires. Le dessous du corps, le dedans des
membres, la base de la queue, le petit Lord des lèvres et le bout des pieds
sont blancs. '
Les vieax ont de plus, en noir.',tie, un demi-cercle sous le museau en avant
de la barbe, la gorge entre les pieds de devant; une ligne de chaque cAte le
long du sternum, et le bord antérieur- de l'oreille ; et en tout noir, l'avant-bras
jusqu'au milieu; les quatre canons et les quatre pieds, en devant et en dehors.
Les canons sont blancs en arriére. Une bande noiriitre sépare la cuisse et la jambe
des flancs, et va embrasser le talon. La barbe est longue de cinq à huit pouces
selon l'ige. '
Dans le Bouquetin de Suisse, suivant M. Van Berehe.n, le poil du corps est
d'un gris-fauve luisant; le dessous du menton tire un peu sur le brun. Sur chaque
flanc est une ligne brune qui va du coude au genou. La queue est brune dessus
et blanche dessous; les fesses et le dedans des quatre membres sont blancs. La
ligne noire du dos disparait au printemps, et revient au mois d'octobre. Alors
aussi tout le poil du corps devient plus brun, et ¡1 est gris-rouss.itre en hiver;
la barbe est noire, et reste toujours fort courte. Le Bouquetin que M. Van Berchenr
a mesure n'avait que trois pieds et demi de longuetu- sur deux pieds huit pouces
de haut.
C'est une proportion bien diCférenle de celle assignée p.ir M. Pallas, avec lequel
M. Van Berchem »'.accorde d'ailleurs pour tout le reste de ce qui concerne la forme
du corps et des membres.
M. Pallas n'a point indiqué une circonstance qui a lieu dans le Bouqtietin de
Suisse; c'est que le bord interne de la face antérieure de la corne y est relevé en
une arrête saillante, et que toutes les côtes transversales, en passant dessus, s'y
relèvent aussi en un petit tubercule, ce qui n'a pas lieu au bord externe dé la
même face.
Le Bouquetin du Caucase, décrit par M. Giildenstaedt, a les cornes non pas
carrées, mais triangulaires, et faisant un angle obtus à leur arrête antérieure; il
se distingue par-là également du Bouquetin ordinaire et de l'./Egagre, quoique
Pennant et Shaw l'ayent confondu avec cette dernière espèce. Au reste, on lui
donne un poil couleur de cerf en dessus, blanchdtre en dessous; les pieds, le nez
et le tour de la bouche noirs ; le reste de la téte gi-is ; la poitrine noire ; une ligne
é