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ame , les conseils prévoyants d'ime illustre Académie , et la délérencc
de Louis pour ceux qui disposaient de la renommée, firent
établir, à Versailles, une ménagerie de la troisième sorte; l'ouvrage
de Perrault dut le jour à cette institution ; elle dura sous le
règne de Louis XV; et ce dernier règne fat l'époque où parut l'Histoire
natiu-elle écrite par Buffon.
Les Buffon, les Linné, les Daubenton, donnèrent aux esprits
une impulsion nouvelle vers l'étude de la nature, vers l'application
de cette élude à l'utilité pidiliqiie ; l'Europe vit élever par plusieurs
nations, des établissements que l'on pouvait regarder comme des
éléments, des portions ou des modèles de ces ménageries de la
quatrième sorte, qui u'appartièncnt qu'à une civilisation trèsavancée.
A une époque très-récente, les oracles des anciens sages, recueillis
par ime érudition civicpie, et proclamés par le génie ; les
maximes des amis de l'immanité, parées de tous les charmes d'une
sensibilité profonde, et revêtues de la puissance irrésistible de l'éloquence,
réveillèrent dans des coeurs généreux, le sentiment des
droits les plus précieux; et bientôt un concours de circonstances
politiques très-exti-aordinaires, d'ambitions audacieuses, d'intrigues
méprisables, de mesures mal concertées, et de grands projets ren-
\ ersés, faisant successivement disparaître les voiles derrière lesquels
se cacliaient d'anticpies institutions, les pliantômes qui en
défendaient linviolabilité, les illusions qui en consacraient l'existeiice,
la force qui en protégeait la durée, lintérêt privé qui en
soutenait la base, un noble eutliousiasme s'empara, avec la rapidité
de l'éclair, d'une nation vive, aimante, idolâtre de la gloire;
uu mot magique retentit depuis lEscaut jusques aux Pyrénées ; et
sous le nom de régénération, commença une révolution que les
vertus affranchies voulaient diriger vers le bonheur du monde,
mais qui, livrée par l'inexpérience du peuple , au délire des passions
dc'chaîuées, n'offrit pendant cpielque temps, que le tableau
d'un bouleversement horrible.
Celte tourmente s'est lentement dissipée. Mais si l'espril de vertige
qui précède la chiite des empires, ne doit pas étendre de
nouveaux orages sur l'Europe ; si la destinée de la France permet
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que la justice, la prudence et le génie, conservent, sous légide
de la victoire, de la paix et de la concorde, le dépôt sacré des
idées libérales, l'humanité satislaite recueillera, du sein des agitations
révolutionnaires qui viènent de finir, de grands résultats
bien propres à multiplier les progrès de la civihsation.
Lorsque la tempête commença de s'appaiser, tous ceux qui,
dans le silence de la retraite, s'efforçaient d'entretenir le lUunbeau
de la science, avertis par une espérance consolatrice, et entrevoyant
le calme dont ils jouissent aujourd'hui, redoublèrent leurs
efforts pour apphquer au bonheur pidjlic, les connaissances
humaines délivrées de toute entrave. Ceux qui cidtivcnt l'histoire
naturelle, embrassèrent avec ardeur ce généreux dessein ; et ils
placèrent au rang de leurs entreprises les plus chéries, le perfectionnement
des ménageries considérées dans leurs rapports avec
l'intérêt public.
Animé par leur exemple, je proposai quelques idées sur ce
sujet, bien plus important cpi'on ne l'avait cru pendant uu grand
nombre de siècles (i).
Les illustres collègues dont j'avais le bonheur de partager la
sollicitude pour l'accroissement de la splendem- du Muséum
d'Histoire Naturelle, voulurent bien adopter ces idées. Ils les perfeclionuèrent,
en les apphquant à l'étalihssement coniié à leur
administration. Elles les conduisirent à un plan de ménagerie
digne d'un grand peuple, par laquelle ils projetèrent de remplacer
celle qu'ils avaient été forcés de faire construire à la hâte, pour
y donner asyle aux animaux de l'ancienne ménagerie de Versailles,
qu'on avait amenés dans le Muséum, à ceux qu'on avait réunis
avec ces derniers, et à ceux que l'on se proposait d'y réunir
encore. Ils résolurent de ne plus laisser sidjsister ces enceintes
étroites dans lesquelles les animaux ont été condamnés pendant
si long-temps à toutes les soufl'rances de la captivité ; d'élever,
pour ainsi dire, sur les ruines de ces prisons, un monument dont
les proportions, la beauté et les convenances annonçassent la
( i ) Ces idées ont paru dans la Décade Philosophique, au eommencemenl de l'an 4
de l'ère française.