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comme clans une sorte de contrainte pénible et de rêverie sinistre, ne sortent de
cet éiai d'anxiété et de silence sombre, que pour ressentir une joie féroce à la vue
des aliments qui leur sont destinés. On les leur apporte vers quatre ou cinq hem-es
du soir. Alors ils deviènent furieux. Toute leur cruauté se révei l le, ils se jètent sur
ces aliments comme ils se jèleraient sur une proie vivante; et ne cessant jamai s de
craintbe qu'on n'arrache celte nounnture à leur voracité sanguinaire, ils cliei'client
à écarter tout ennemi par im rugissement eiFravaiit.
Ces alimenis consistent dans quatre ou cinq kilogrammes de viande crue, et la
chaleur intérieure qui les anime, les force à boire assez souvent, pour qu'ils ayent
besoin de ti'ois litres d'eau par jour.
L e u r manière de boire est semblable à celle du Lion, et par conséquent à celle
des Chais.
L'Iieure de leur repas étant réglée, celles de leurs déjections le sont aussi. Ils se
débarrassent de lem-s excréments deux fois par joiu'5 le matin, immédiatement
après leur réveil, et le soir, vers dix ou onze heures.
Lem' urine est encore plus infecte que celle du Lion; et le cit. Félix Cassai a
remarqué que le male avait l'iiabilude de la diriger vers un objet déterminé, et
painiculièrement vers les personnes qui s'avancent trop près des bords de sa loge.
L e rugissement du Tigre est très-fort, et soutenu pendant quatre ou c inq minutes;
celui de la femelle est plus plaintif, plus entrecoupé, plus prolongé.
Ils font entendre ces sons terribles après avoir dévoré leur noun-iture, ou rejeté
lem-s fétides excréments. Le tigre les fait encore entendre lorsque quelqu'un
s'approciie de lui. 11 jète un cri soudain; et ne se souvenant pas que des grilles
arrêtent les efforts de sa rage, il s'apprête à déchirer celui dont la présence
l'importune. Quelquefois, cependant, plongé dans une sorte d emoni e tristesse, il
n e fait aucune attention aux mouvements de ceux qui l'entoiu-ent; mais il sort
bientôt de celle apathie pour reprendi-e ses habitudes farouches et son hmiieur
sanguinaire.
L'esclavage a donc plié le caractère du Tigre sans pouvoir le rompre. Mais la
solitude et la prison l'ont vicié. Elles lui ont donné l'iiabitude dépravée de satisfaire
seul lui penchant qui n'est pas partagé. II s'acroupit aloi's, place ses organes de la
génération entre ses deux pattes de derrière, agite sa croupe, répand en vain son
sperme surabondant, et exprime, par un rugissement affreux, le tourment qui le
presse et le désir ([ui le consume.
Quelque accoutumé que soit son gardien à maîtriser et même à radoucir les
animaux carnassiers et féroces, il n'ose entrer ni dans la loge du indle, ni dans
celle de la femelle. Le cit. Félix Cassai est cependant parvenu à les faire obéir à
(|uelques-uns de ses ordi-es. Il les force à se couclicr quand ils sont debout, et à
se lever quand ils sont couchés. Mais ils ne cèdent (]u'en grondant, ils n'obéissent
qu'avec lenteui-; et pour leur imposer celle soumission involontaire, il faut qu'il
grossisse sa voix, fju'il <Tie avec force, qu'il les menace d'un fouet redoutable.
A i n s i , parmi les animaux, comme dans l'espèce humaine, la crainte seule fait
fléchir les tyrans.
Le 3 Fniciidov an 11.