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vieux miiles, et ceux qu ou a dccriis out |>assé pour appartenir à une espèce diflerente.
Heureusement plusieurs de ces xMandrills ayant vécu ensemble ou successivement
dans celle ménagerie, M. Geoffroy est parvenu à suln-e assez leur développement
pom- s'assurer que cette dlHerence ne lièni (ju a l'i^e. Les observations de ce savant
naluralisle, déjà consignées dans l'hisioire des Singes d'Audebert, sont confirmées par
le lémoignage de tous les marcliands d animaux-, les Mandrills de l'un et de l'autre
sexe, disent-ils, ont la face toute noire dans leur première jeunesse; à deux ans les
canines commencent à pousser, et à irois ils prèneni du bleu; ce n'est qu'à cinq ans
qu'd vient du rouge aux mâles, lors((ue leurs canines achèvent de prcndi-e leur accroissement
; ces couleurs vives, qui tiènent à l'abondance du sang dans les vaisseaux de la
peau, ainsi qu'il est aisé de s'en appercevoir lorsqu'on observe oetie peau à la loupe,
paraissent donc dépendre originairement de l'irrita lion que l'accroissement des
dents produit sur le nerf maxillaire. Les femelles ne prèneni jamais de rouge décidé ;
seuleïnenl le bout du nez devient un peu rougeâtre dans le temps de leur écoulement
périodique. Ce dernier étal leur arrive assez régulièrement chaquemois et dure quinze
jours; il est accompagné d'un gonflement bien singulier des parlies qui environnent
l'anus; il s'y forme alors une protubérance inégale, rouge et comme enflanmiée,dcla
gi'osseur d'iuie têle d'enfant ou plus forle encore; en même temps ces femelles répandent
beaucoup de sang et quelquefois une liqueur blandie: c'est au commencement
et à la fin de cet état qu'elles sont le plus portées à l'amour; les mâles y sont
exu-aordinairement ardents en toul temps et s'épuisent souvent à force d'excès ; leur
semence a cela de particulier, qu'à l'inslant où elle tombe à terre, elle s'y fige et s'y
durcit comme ferail de la cire liquide.
Nous avons déjà eu occasion de parler de l'amour des Singes pour les femmes; aucune
espèce n'en donne des marques plus vives que celle-ci; l'individu que nous décrivons
entrait dans des accès de frénésie à l'aspect de quelqties-tmes; mais il s'en fallait
bien (]ue loutes eussent le pouvoir de l'exciter à ce point; on voyait clairement cju'd
choisissait celles sur lesquelles il voulait porter son imagination, et il ne manquait pas
de donner la préférence aux plus jeunes. Il les distinguait dans la foidc ; il les appelait
de la voix et du geste, et on ne pouvait douter que, s'il eût été libre, il ne se fût porté
à des violences. Ces faits bien constatés, observés par mille témoins échiirés, i-endent
U'ès-dtgne de foi toul ce que lesvoyageurs rapportent stu- les dangers que leslNégresses
courent de la pari des grands.Singes <jui habitent leur pays. On a attribué à l'Orang-
Oulang,ou ]>lulôt au Cliimpansé, plusieiu's traits de ce genre qui appartenaient vraisemblablemeni
au Mandrill. Il est clair par exenq)lc que le Barris de Gassendi est
beaucoup plu lot un Mandrill qu'un Cliinq)ansé;eice(jui paraîtra peul-élre singulier,
il n'est pas sûr que le nom même de Mandrill n'appartiène pas en revanche au Cliimpansé
\)\nU'A qu'à l'animal que nous décrivons aujourd'hui ; il paraît du tnoins certain,
ainsi (jue l'a déjà observé Audeberl, que Smitli, dont IkilTon a emprunté ce nom, a
réellement voulu parler du Chimpausé; aussi étions-nous presque lentes d'ôter à cet
animal-ci lenom de Mandrill, si l'erreur n'avait tellement [u'évalu, que c'est aujourd'hui
celui sous lequel il est connu de tous les naturalistes dans l'état où ils le voyant le
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plus souvent, c'est-à-dire dans sa jeunesse. C'est dans cet élat que Lînnoeuslc nomme
'iimia Maimón-^ il a fait, d'après Alslrcemer, une seconde espèce du vieux mâle, sous
le nom Aa Simia Mormon. Buffon pai'le aussi de ce vieux mâle, dans son supplément
posthume, sous le nom de Choras^ Pennant sous celui de grand Babouin^ et Sliaw
sous celui de Babouin varié. 11 n'y a dans toutes les figures de ces auleurs, que celle de
Buffon qui soil bonne. La plus mauvaise, quoique la plus nouvelle, est celle de Sliaw.
Pennant pense que la figure donnée par Gessner, et nonunée par celui-ci Papio, dont
Linnaïus a fait son Simia Sphinx, n'est autre que noU'e animal. Cela paraîtrait vrai,
si l'on en jugeait par la queue; mais la téle est plutôtcelle du Papión deBuffoii,que
nous nommons grand Cynocéphale, et dont nous doimerons aussi une histoire parii-
(iulicre. La figure d'Audebert, bonne d'ailleurs, est faite d'après un mille qui n'était
pas encore entièrement adulte.
Voici quelques détails à ajouter à la description qui conmience cet article. Le poil
du corps est coloré par anneaux de noir et de jaune, d'où résulte un brun verdâtre
coimnun à plusieiu's Singes, mais plus foncé dans le Mandrill que dans la plupart des
autres. Au-dessus des oreilles est un bandeau blanchâtre, interrompu sur le sommet
de la têle ; la barbe est d'un jaune citron, et les poils des côlés de la bouche d'un blanc
sale ; la même couleur occupe le bas-venlre. Le resle du dessous du corps est brunâtre.
La peau du lour des yeux est d'un violet brun ; J'iris des yeux est noisette. Les poils des
côlés de la téle se joignenl à ceux du sommet pour former une sorte de toupet dont le
milieu s'élève quelquefois en aigrette pointue.
L'individu (|ue nous décrivons est mort à douze ans, d'accident ; il était dans la plénitude
de sa force, ainsi qu'on a pu en juger parla beauté extraordinaire de ses muscles -,
il avait un peu plus de quatre pieds lorsqu'il se tenait debout. Félix en avait eu un auparavant,
de quatre pieds et demi, dont deux liommes ne pouvaient se rendre maîtres.
Ce que l'anatomie du nôtre a présenté de plus remarquable, est la poche membraneuse
qui communique avec le larynx, et qui éteint presque la voix. Elle a élé bica
décrite par Camper et par Viq-d'Azir.
La voix ordinaire de ces aniniaux est un petit son, aou, aou prononcé de la gorge;
quand on les irrite, ils râlent un peu de la gorge, mais jamais bien haut; et Buffon
a mal saisi le sens de Peiuianl, lorsqu'il rapporte, d'après ce dernier, que la voix du
Choras ressemblaii par la force au mugissement du Lion ; ce n'est que pour le timbre
et le ton.
Ces animaux vivent de fruits, de carottes, de pain; il leur en faut environ deux ou
U'ois livres par jour et une bouteille d'eau. Letu's excréments l'eLsemblent à ceux de
ITIoiiuneet sont très-fétides; le mucus des narines coule souvent sur l'aplatissement
du bout du museau, et ils l'y essuyent avec la main.
Les Mandrills nous viènenl tous de la côte d'Or, ou des autres parties de la Guinée,
et c'est à tort qu'on a supposé que les individus à nez rouge étaient originaires des
Indes. Les anciens ne doivent donc guère les avoir connus; et en effet, quoique plusieurs
modernes ayent cru que c'étaient les SatjTes de Pline, d'Élien et de Gallien, il
suffu de lire les passages de ces derniers pour s'appercevoir qu'ils ne contiènent rien