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4 L' É L É P H A N T DES INDES.
moins deux irès-tlisiinoics^ savoir : celle des côtes occidejilaies ei méridionales de
l'Afi-ique, ei celle des Indes orientales. Non seulemeni leurs formes different^ huv
insiim i mé iuc n'est pas égal, et les anciens ne l'ont pas ignoré. Apien, de bcUis syv.
lib. I , dit «jue Domi t ius, dans un combat, plaça les Eléphants d'Afrique après tous
les aulres, ne croyant pas (¡u'ils pussent hn être utiles, at tendu (\\\clant dyJfrique, ils
étaient plus petits et moins courageux. Pline afilrme aussi en général, que les africains
sont plus ])etils el qu'ils redoutent ceux des Indes. Diodore, //¿. 2, dit la m ême chose
des Elépiiants d'Afrique, comparés à ceux <|ue possédaient les Egyptiens, et (ju'ils
liraient sans dout e de l'Abjssinie et du reste de la côte orientale, où j'ai lieu de croire
qu'on ne trouve que l'espèce des Indes ^ car Ludolphe dit expressémetii i|u'en Abyssinie
les femelles n'ont point de défenses. Quoi t^u'il ensoi t , cette espèce des Indes a ia tète
longue, et le fronl plat ou même concave; celle d'Alrique a la tète ronde el le front
convexe. Les oreilles de la ])reinière sont de grandeur médiocre ; elles sont si énormes
dans la seconde, qu'elles couvrent toute l'épaule^ mais ce qui distingue le mieux ces
deux espèces, c'esi ([ue les molaires de l'Eléphant d'Afric|ue ont les coupes des plaques
ou dents partielles qui les composent , en forme de losanges, et que celles de l'Éléphant
des Indes les ont en forme de rubans ondoyants ou festonnés. Les défenses de l'Éléphant
d'Afrique croissent aussi beaucoup plus vîie, et arriveni à une grandeur bien
plus considérable que celles de l'Eléphant des Indes, et sont à-peu-près égales dans
les deux sexes, tandis c|ue les femelles des Indes ne les ont jamais que de quelques
pouces de longueui-. L'ivoire d'Afri(|ue est enfin plus dur et moins sujet a j auni r que
relui des Indes; et presque toul celui du commerce vient du premier de ces pays.
11 paraît que les Elépiiants diffèrent aussi les uns des aulres par le nondire des
ongles; mais il n'est pas certain que cela liène aux espèces, et que ce ne soit point une
variété accidentelle.
Comme les Eléphants de lu ménageri e sont de l'espèce des Indes, nous allons nous
borner à recueillir les faits (jui ont rapport à cette espèce.
C'est sor-tout à elle qu'on aiiribue cet instinct dont on a fait tant de récits exagérés,
et qu'on a transformé en véritable inielligence et en sentiment moral. Cette supériorité
de l'Eléphant sur les autres aninïaux, est en parlie fondée sur des avantages
réels; la perfection de son organe du touciier; la facilité (|u'il lui donne de (roniplèter
les sensations de la vue; la finesse de son ouie et de son odorat; hi longueur de sa vie
et l'accumulation d'expériences et d'habitudes qui en résulte; enfin, sa grandeur et sa
force, qui, le faisant respecter de tous les animaux, lui garantissent un repos et une
aisance constante. Cependant ces organes extérieurs, si avantageusement (-onformés,
n e sont point animés par un système nerveux plus énergique ni plus délicat que (-ehii
des aulres animaux; son cerveau est fort petit à proportion de sà inasse; mais ces
sinus dont nous avons parlé lui grossissent le ci'dne, el le font paraître presque aussi
bombé ({ue dans l'IIoinine: il résulte de cette conformation une physionomie grave
et réfléchie, ([ui n'aui'a pas peu contribué à faire donner à rÉlc|)liant celle réputation
de raison el de décence <(ui l'a rendu si célèbre.
Les Malais désignent l'Eléplianl par un nom qui lui est < o n n n u n avec l'Honnue, et
<|ui impl ique l'idée d'un être raisonnable. Les anciens ne se bornaienl pasà i-econnaître
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sa douceur , la facilité avec laquelle il s'apprivoise, son attachement pour son maître,
sa reconnaissance pour les bienfaits, son ressentiment pour les injures, qualités qu'il
possède en eilet, mais qui lui sont communes avec le chien et avec d'autres animaux;
ils allaient jusqu'à lui prêter les raisonnement s les plus subtils, et même une sorte de
religion, un culte et des offi'andes à la lune, des prières à la leiTe lorsqu'il est
malade, et des vertus bien rares parmi les Honnaes, une fidélité conjugale inallerable,
el un refus constant de se faire le minisi re de l'injustice. Les Indiens prétendent
qu'ils se font e n i e n d r ^ e s Eléphants, et qu'ils les gouvernent par des passions
semblables à celles qui agissent sui' nous, l'aniom- de la parure el même celui de
la simple louange. Les voyageui's, flattés d'avoir à parler d'un être aussi merveilleux,
ont adopté trop facilemeni les récits de ces peuples grossiers, el les naturalistes se
soni trop empressés de copier les voyageurs. 11 est certain, du moins, que l'Éléphant
observé par des iiommes sages et exacts, est beaucoup déchu de la hauteur où on
l'avait placé par rapport à ses facultés intellectuelles.
Cet animal, malgré la grosseur de sa masse, ne manque pas de légèreté dans ses
mouvements. Il a un trot assez prompt , et atteint aisément un homme à la coiu^sc;
mais comme il ne peut se tourner rapidement , on lui échappe en se portant de côté;
les chasseurs parviénenl aussi à le tuer en l'attaquant par derrière et par les lianes. Il
remue les oreilles en courant , et les emploie quelquefois pour se diriger en étendant
celle du côté où il veut tourner, et présentant par-là une résistance plus grande à l'air.
Il a peine à descendi'e les pentes trop rapides, et il est obligé de ployer alors ses pieds
de derrière pour ne pas être empor t é par la masse de sa tête et de ses défenses.
Les Romains ont eu des Eléphants qui dansaient et qui avaient appris à marcher
rapidement parmi des hommes couchés sans en blesser aucun; ils en ont eu même
qui ont dansé sur la corde, ce qui serait presque incroyable, si plusieurs auteurs
dignes de foi ne s'accordaient à l'affirmer.
Le corps de cet animal étant plus léger que l'eau, il traverse irès-aisémeni les
rivières à la nage, et n'a pas besoin, comme le disent les anciens, de marcher sur leur
fond en élevant sa trompe vers la surface pour respirer.
Il préfère les lieux humides et couverts, et le bord des fleuves à tout autre séjour:
l'excès du chaud ne le fait pas moins souffrir ([ue celui du froid. 11 a un besoin continuel
de l'humidité pour ramollir sa peau dure, ridée, et sujete à se fendre et à
sexcorier; non seulement il en prend sans cesse dans sa irompe, doni il asperge son
dos, son plus grand plaisir est de s'y plonger , de s'y jouer de mille manières; lorsqu'il
en manque, il cherche à y sup|)léer en se couvrant de poussière fraîche, de brins
d'iierbe, <lc paille.
Sa nourri ture ordinaire consiste en herbes, en racines, en jeunes branches; il aime
par-dessus lout les Iruits el les plantes sucrées, comme la canne à sucre et le maïs.
L'insiincl naturel des Eléphants les porte à la société : ils se liènent en grandes
iroupe,s dans l'inlérieur des forêts, dont ils n e sortent que rarement , et lorsqu'il s'agit
de dévaster t|uelques champs voisins de leurs lisières. Ces troupes ou hai-des comprèncnl
depuis quarant e jus<]u'à cent individus de tout dge et tout sexe; ils marchent
sous la condui t e d'une des plus gi'andes et des |)lus vieilles femelles, et d'un des plus