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point l'espèce. Sirabon décrit fort exactement un Rbinocéros imicornc qu'il vil à
Alcxancli'icj il parle même des plis de sa peau. Pausaiiias, de son côié, décrit f o n bien
le bicorne sous le n om de Taureau d'Ethiopie. 11 en avait paru deux de celte dernière
espèce à Rome , sous Domi i i en, qui furent gravés sur quelques médailles de cet
empereur , et firent l'objet de quelques épigrammes de Ma r t ia l , que les modernes
ont été long-temps fort embaiTasscs à expliipier, parce qu'il y était fail ment ion de
deux cornes. Antonin , Go rdi en, Héliogabale, Iléraclius, ont également fait voir des
Rhinocéros. Les anciens avaient donc , sur ces animaux , des connaissances qui ont
long-temps ma n q u e aiLx modernes. L e premier cjue ceux-ci ayent v u , était de
l'espèce unicorne. 11 avait été envoyé îles Indes au roi de Por tugal , Emma n u e l ,
en l'an i 5 i 3 . Ce roi en fit présent au Pape^ mais le Rhinocéros ayant eu dans la
traversée un accès de f ur e ur , fit périr le bât iment qui le iransporiait. On en
envoya, de Li sbonne , un dessin au célebi'e peintre et graveur de Nur emb e r g ,
Albert Durer , qui en grava une figure que les livres d'iiisioire naturelle ont
long- temps recopiée. Elle est fort bonne pom- le contour général ^ mais les rides
et les tubercules de la peau y sont exagérés au point de fîiire croire que l'animal
est couvert d'écaillés. On en conduisit un second en Augleien-e, en i 6 8 5 ; un
troisième fut mont ré dans presque toute l'Europe en 1 7 3 9 , et lui qua l r i cme
qui était femel le, en 1741- Celui de 1739 fut décrii et figuré par Parsons (jui
mentionna aussi celui de 1741- J e crois que ce dernier est le même qui fut
mont r é à Paris en 1749 et peint par O ad ri ^ et que c'est aussi lui qii'Albinus a
fait figurer dans les planches 4 ei- ^ son histoire des muscles. 11 fui le sujet de
la description de Daubenton. Celui dont nous allons nous occuper n'est par
conséquent que le cinquième. Un s ixième, très-jeune, destiné pour la ménager ie
de l 'Empe r eur , est mo r t à Londr e s , peu après son arrivée des Indes , en 1 8 0 0 ,
et a été disséqué par M. Thoma s , chi rurgien, qui a publié ses observations dans
les Transactions philosof'hiques. Ces six étaient de l'espèce des Indes ;i une seule
corne. Deux individus décrits par des Voyageur s , savoir, celui que (Chardin vil à
Ispahan et qui venait d'Étliiopie, et celui dont Pisón inséra la figure dans rHis loire
naturelle des Indes de Bont ius , n'avaienl également qu'une c o rne ; a ins i , d'une
pa r t , le Rhinocéros à deux cornes n'a j ama i s été amené vivant en Eur o pe , e t , de
l'autre, les Voyageurs ont été fort long-iemps à en donner une description dciaillée.
C'est ce qui faisait révoquer son exisience en do ut e , et ce qui embarrassait les
naturalistes à la leclure des passages où les anciens en parlaient. M. Parsons
chercha, le premier , à établir que le Rhinocéros nnicprne élail toujours d'As ie,
et le bicorne, d'Afri<[ue. Quo i que Flaccoiu't ait vu de loin ce dernier dans la baie
de Sa ldagna , le Colonel Gordon fut le premier i[ni le décrivit exactement , et sa
description fut insérée, par Al l amand, dans les suppléments de Ihiffbn. S[)arniiinn
en donna une autre dans les Mémoires de l'Académie de Suède, cl dans la rclalion
de son Voyage au Cap. Ou sut alors (¡u'outre le nombj'e des cornes , le Rhinocéros
du Cap diffère de celui des Indes, en ce f]uc sa peau esi absoliimcni privée de « r s
plis extraordinaires qui distinguent ce dernier ; mais ce fui ( Jampcr qui mil le
sceau à la détermination de ces deux espèces, en mont rant <)u'clles diUcrcnt encore
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par le nombr e des dents de devant , celle du Cap n'ayanl absokimenl que ses 28
molai res , et celle des Indes ayant de plus quatre grandes incisives et deux petites.
11 ne faut pas croire cependant que l'histoire des espèces de Rhinocéros soit
encore parfaitement .sans nuage. D'une p a r t , Gordon dit expressément <|ue son
Rliinocéros bicorne avait quat re dents incisives à la p.artie antérieure des ni;tch&ij'es
tandis que ceux de Spannann et .de Camper en manqua i ent , ainsi que tous ceux
dont la dépouille a été apportée en Europe. D'autre p a n , Bnice nous donne une
figure de Rhinocéros à deux cornes , dont la peau fait les mîme s plis que celle
de l'unicorne. H est vrai que cette figure est copiée de celle de Btiffon, it laquelle
Brtice a seulement ajouté une corne. Mais pour sauver l'honneur de ce Voyageur,
d faut bien croire qu'il ne s'est déterminé à ce plagiat apparent <|ue parce que
cette figure re.sscmble en elïet à l'animal qu'il a vu. Il faudi'ait donc ou établir
quatre espèces, ou sujîposer que le nombr e des cornes et les plis de la peau ne
sont que des variétés accidentelles. John Bell, chirurgien anglais, décr i l , dans les
Transactions philosophiques pour 1793, un Rhinocéros de Suma t r a qui paraît encore
.spécifiquement différer de tous les auu-es; il a deiLx cornes, une peau sans poils, q u a n «
grosses incisives, dont les infériem-es sont longues et pointues, et point de petites.
L'espèce unicorne, à six dents incisives, qui va seule nous occuper, parvient
quelquefois à douze pieds de longueur sm- sept de l iauteur , ei pèse 5,000 et j)Jus.
L'individu représenté sur notre Planche avait neuf pieds de l ong , quatre pieds
et demi de haut au ga r rot , onze pieds et demi de t o ur ; sa tête avait deux pieds
de long et i 8 pouces de haut à l'occiput; ses oreilles avaient dix pouces de long,
et étaient à pareille dislance l'une de l'autre; l'oeil avait un pouce de l a rgeur , les
narines trois, les pieds hui t ; l'ouvertine de la gueule huit pouces de profondeur ,
et Ja queue deux pieds de long. On remarquai t sur sa lête dix tubercules g r o s ,
dur s et saillants; savoir : un au devant de chaque oreille, un an dessus de chaque
ceil, un de chaque côté, à dix pouces derrière l'oeil ; un aut re, également de chaque
cô t é , à l'angle inférieiu' et postérieur de la mâ cho i r e , et deux impa i r s , dont Je
premier sur le f ront , entre ceux qui sont devant les oreilles; l'autre un peu plus bas.
Ce de rni e r , qui est longitudinal, compr imé et assez élevé, pourrait bien passer
pour un rudiment de seconde corne, et fiiire croire que le nombre des cornes est
en effet variable. Ce Rhinocéros avait tellement usé sa corne, qu'il n'en restait que
la base, haute d'environ un pouce, et large de huit. Mais on peut juger qu'elle
aurait été fort longue sans celle détrltion. Il y a en effet des individus dans lesquels
celle a rme a plusieurs pieds de longueur, et l'on en conserve une au Mus éum (|ui,
<|uoiquc mut i lée, a encore trois pieds huit pouces cl demi ; celle-là est fort mince;
celles (|ui dcmeureni courtes sont ordinairement beaucoup plus gi'osses. 11 ne paraît
jias que les variétés de leur grandeur ayent des rapports constants avec le sexe.
Dans cette espèce, la corne est. fixée aux os du nez d'une manière immobi le, ces
os ayaiii une surface ircs-inégale dont les tubercules pénètrent dans les creux de
la J ) c a u à laquelle la corne est attachée; mais dans l'espèce du Ca p, les os du nez
sont lisses, et rien n'empêche que les coi-nes ne se meuvent avec la peau, si le
muscle occipiio-fl-onial a assez de force potu- contracter celle-ci. S p a n n a n n . a