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et quelquefois on fil venir aussi, par curiosité, les animaux qui la produisaient. Cardan,
Scaliger, en virent en Italie; Âgricola, Kentinann, en Allemagne, et Cajus, en
Angleterre. Bélon en observa un à Alexandrie, et depuis c^ue le goût de Diistoire
naturelle est devenu plus général, on en a eu dans beaucoup de nienageries. Les académiciens
de Paris en disséquèrent ç\n(\\Blasius,Swammerdani, MovandcllaPef-
/•o«iV, cliacun mi; plusieurs autres naturalistes eurent le même avantage. Cependant
aucun de ces observateurs ne s'apperçut qu'ils confondaient deux espèces ou variétés
difiereni:es,dout ils mêlaient les descriptions; et BuJJ'on fut le premier qui les distnigua :
il ilt remar(|uer que dans les unes la queue était plus longue et netlenient marquée
d'anneaux blancs et noirs, tandis que dans les autres elle était plus courte et moins
variée en couleur; que celles-ci avaient de plus une crinière susceptible de se redj-esser,
qui manquait aux premières, et que leur museau était moins aigu; il réserva le nom
de CiVe«eà cette espèce à crinière, et donna celui deZibidh à celle à queue longue et
bien annelée. Mais Buflbn voulut en même temps établir entre les deux espèces une
distinction de climat qu'il n'est pas possible d'admettre ; il est bien vrai que la Civette
se trouve en Afrique; mais il n'est pas prouvé qu'elle n'existe que là, ni qu'elle y existe
seule; on pourrait même douter qu'il y ait aucune preuve certaine que le Zibeth vient
d'Asie. L'animal de Cajus, dans Gessner, venait d'Afrique, et était pourtant un vi'ai
Zibeth ; et celui de la Peyronie, que BuiTon lui-même regarde comme unZibetli, venait
du Sénégal. La figure de Bélon elle-même, ressemble plus au Zibeth qu'à la Civette.
Il est assez singulier qu'un animal si remarquable n'ait pas été indiqué par les anciens,
(¡ui en ont connu de beaucoup plus éloignés d'eux par le climat: cependant c'est
un fait certain, quoique Gyllius ait cru que la Civette était le Pardalis^ et que Bélon
ait vouluy retrouver XFlyoena.
iNous avons vu à l'article de la véritable Hyènequi a trompé Bélon; quant à
Gvllius, il se fondait sur ce que disent quelques anciens, que le Pardalis attirait les
autres animaux par une odeur agréable; mais outre que ces termes sont fort équivoques,
et n'indiquent pas positivement que cette odeur plaisait aussi à l'homme, il y
a des preuves positives que le Pardalis est notre Panthère. Quoi (¡u'il en soit de ces
disputes, c'est de la Civette proprement dite que nous avons à traiter dans cet article.
Ce quadrupède a environ deux pieds trois ou quatre pouces de long, sans compter
la queue, sur dix à douze pouces de hauteur au garrot. Son museau est un peu moins
pointu que celui du Renard, mais il l'est un peu plus que celui de la Marte; ses oreilles
sont arrondies et courtes; de longues moustaches garnissent ses lè\Tes; les pouces, et
surtout ceux de derrière, sont plus courts que les autres doigts. Le poil qui recouvre
son corps est assez long et un peu grossier; celui surtout qui règne sur le milieu du cou
et du dos, foi-me une espèce de crinière que l'animal redresse lorsqu'on l'irrite; les
poils de la queue sont touffus, et ceux de sa partie supérieure se relèvent comme ceux
du dos. La couleur générale de cet animal, est un gris-brun assez foncé, varié de taches
et de bandes d'un brun-noirâtre ; une bande de cette dernière < ouleur l'ègne depuis la
nuque jusqu'au bout de la queue; les côtés du corps sont parsemés de taclies irrégulières,
qui dcviènent plus grandes sur la croupe et sur les cuisses. Les quatre jambes sont
d'un brun-noirdtre uniforme, ainsi que la moitié postérieure de la queue; à la base de
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celte queue sont trois ou quatre anneaux de la même couleur. La tête est blanchâtre ;
mais une large bande brune, après avoir entouré l'oeil, descend sur la joue et sous le
menton; le dessous de la gorge est brun, et des lignes de cette couleur remontent
obliquement sur les côtés du cou.
L'article le plus remarquable de son anatomie, c'est l'organisation de sa bourse;
elle s'ouvre au dehors par une fente longue, située entre l'anus et les parties de la génération
1 el pareille dans l'un et l'autre sexe, ce qui fait (|u'il est assez difficile de les distinguer.
Cette fente conduit dans deux cavités pouvant contenir chacune une amande ;
leur paroi interne est légèrement velue, et percée de plusieurs trous qui conduisent
chacun dans un follicule ovale, profond de quelques lignes, et dont la surface concave
est elle-même percée de beaucoup de pores; c'est de ces pores que naît la substance
odoriférante; elle remplit le follicule, et lorsc[ue celui-ci est comprimé,elle en sort
sous forme de vermicelli ,^o\xv pénétrer dans la gi'ande bourse. Tous ces follicules sont
enveloppés par une tunique membraneuse qui reçoit beaucoup de vaisseaux sanguins,
et cette tunique est à son tour recouverte par un muscle qui vient du pubis, et c[ui peut
comprimer tous les follicules, et avec euxlabourseentièreàlaquelleils s'attachent: c'est
par cette compression que l'animal se débarrasse du superflu de son parfum. On a
remarqué qu'outre la matière odorante, il s'en produit une autre qui prend la forme
desoies roidesetquisemêl e à la première. La Civette a de plus, de chaque côté de
l'anus, un petit trou d'où découle une liqueur noirâtre et très-puante.
On n'a point de détails sur le genre de vie des Civettes, sur leur génération, sur le
nombre de leurs petits, l'époque de leur naissance, le terme de leur accroissement et
celui de leur vie, ni sur les ressources que peut leur avoir données la nature pour se
nom-rir et pour se défendre : on sai t seulement que quand elles ne sont pas apprivoisées
dès leur jeunesse, elles montrent un caractère farouche et même une sorte de férocité;
la moindre nouveauté excite leur colère, qu'elles marquent surtout en criant et en
hérissant les poils de leur crinière: c'est dans cette attitude que le citoyen Maréchal
s'est plu à représenter la nôtre, parce que c'est en effet ainsi qu'on la voyait le plus souvent
: mais lorsqu'on s'y prend de bonne heure, on les rend aussi douces et aussi familières
que les Chats les mieux privés. Bélon, Scaliger en ont vu qui suivaient leurs
maîtres partout, et qui se laissaient manier par tout le monde. 11 paraît même que
presque tout le parfum de Civette qui est dans le commerce, vient d'animaux élevés en
esclavage.
On dit encore que les Civettes recherchent les terrains arides et sablonneux, et qu'on
n'en voit point dans les lieux humides et ombragés ; les pays chauds sont les seuls qui.
leur conviènent ; portées dans nos climats, elles ne laissent pas de produire leur parfum
, mais elles ne multiplient point.
Le pays natal de la Civette proprement dite, paraît être la partie moyenne de l'Afrique,
encore n'y est-elle pas également répandue partout: elle est fort abondante en
Guinée ; il en vient ([uelquefois en ÉgyjHe, des pays situés au Sud-Ouest et habiles par
des Nègres; ceux-ci les regardent cependant comme une rareté. Quant à l'Asie, il
est presque impossible de distinguer, dansles relations des voyageurs, les pays qui produisent
le Zibeth, d'avec ceux où se trouve la Civette; et on est obligé de dire en
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