d un grand dévouement, et le père peut s’attendre à
etre respecté; dans le cas contraire, l’amour et le
respect des enfants se reportent sur leur mère, qui devient
l’ennemie acharnée des enfants d’un autre lit. Ce
sont là des sentiments qui sont dans la nature humaine;
mais on juge quelle force invincible ils puisent
dans l’indifférence complète de la loi à leur égard.
La famille devient alors un champ de bataille où
triomphent la force et la ruse. Sans doute le code abyssin
prescrit au père de nourrir ses enfants ju sq u ’à un
certain âge, et peut leur demander compte de leur
existence; mais cette loi est tout à fait inappliquée,
ainsi que bien d au tre s, et rien ne venant protéger
l’enfant contre la tyrannie ou l’abandon , celui-ci est
obligé de chercher un équilibre naturel soit dans sa
mère, dont 1 intérêt, en cette circonstance, se joint à
1 affection, soit dans un homme riche, dont il épouse
la fortune, et dont les bons traitements l’ont bientôt
détourné de l’amour filial.
Dans le Tigré, la femme est plus considérée que dans
1 Amarah; elle est jalouse dé ses droits et sait les faire
respecter. Ce caractère relève sa dignité, et il est rare
de la voir manquer à ses devoirs. La femme amaréenne,
traitée avec rigueur par son m a ri, est plus laborieuse,
plus adroite, mais moins fidèle.
La famille de la femme s immisce dans son ménage
et le surveille; si le bon accord y règne, une union
étroite s’établit entre les deux familles; s i, au contra
ire , le mari vit mal avec sa femme, rien n ’est plus
fréquent que les altercations et même les voies de fait
entre les deux familles, la loi étant inapte à régler pacifiquement
leurs différends.
Quoi qu’il en soit, la femme ne laisse pas d’avoir
un rôle important dans la famille. A quelque rang
qu elle appartienne, elle allaite son enfant si sa santé
le lui permet; sinon elle prend une n ourrice, qui jouit
dans la maison d’une assez haute considération. La
femme noble, si elle a reçu quelque éducation, lit les
ouvrages de religion, reçoit des debteras et des prêtres
pour s entretenir de théologie, donne ses ordres pour
1 administration de sa maison, et ne fait rien autre
chose. Celle qui n a pas appris à lire fait plus volontiers
société de guerriers que de debteras, et cause avec eux
d affaires politiques. Elles se font entre elles de nombreuses
v isites, s’occupent beaucoup de leur toilette,
et mettent leur orgueil dans un grand luxe de suivantes.
La femme de moindre condition passe son temps à filer
des étoffes de mousseline, et, comme les autres, à
donner tous ses soins au ménage. La femme du peuple
file les étoffes ordinaires, fait la cuisine, et conduit
encore sa maison. Celle de la basse classe est souvent
réduite à moudre le grain et à faire le pain; mais il
faut qu elle soit dans la dernière misère pour aller
chercher elle-même l’eau et le bois: cette dernière
occupation est dévolue aux jeunes filles, qui font l’office
de servantes.
Quand une femme ressent les premières douleurs de
1 enfantement, elle abandonne son lit ordinaire pour
un lit de paillé. Les environs ne sont pas sans quelques
matrones expertes pour le cas d’enfantement, et on les