la direction qui lui a été imprimée dans les sociétés
européennes. Mais si l’organisation politique ne trouve
pas en elle-même assez de vigueur pour produire un
pareil effet, on voit alors dans la famille, en même
temps qu’une croissance excessive du foyer, l’indifférence
des membres les uns pour les autres, d’où le relâchement
des liens moraux. C’est ce qui est arrivé en
Abyssinie. Nous avons dans notre Introduction suffisamment
analysé ce fait; nous n ’y revenons donc que
pour le bien spécifier. Ainsi que nous avons eu occasion
de le dire, la loi écrite des Abyssins est très-pauvre
pour régler le mariage, la base essentielle de la
famille, et sauf la consécration donnée par l’Église,
l’arbitraire est seul juge en cette matière. La polygamie
n ’est certes pas chez eux un cas pendable, et quoiqub
l’opinion la réprouve en même temps que la religion la
condamne, rien ne serait plus facile à un Abyssin que
de prendre officiellement plusieurs femmes, s’il pouvait
y trouver la satisfaction de sa cupidité ; mais c’est ici
que l’on peut remarquer combien quelquefois l’absence
de la loi simplifie les choses en les faisant tomber sous
le coup du plus simple bon sens. Le code qui ne garantit
pas au mari la jouissance des biens paraphernaux, ne
le met pas en position de se les approprier, et comme
l’intérêt seul de ses passions peut l’engager dans une
nouvelle liaison, il lui est loisible de s’y abandonner
sans la sanction légale. Il n ’est pas très-rare en
Abyssinie qu’un homme, un so ld a t, par exemple, que
la protection de son chef met bien au-dessus de
l’o pinion, n’ait dans chacune de ses résidences une
femme, quoiqu’il n’en ait épousé q u ’une légitimement.
Aucunes des coutumes qui précèdent le mariage ne
sont assez particulières pour être citées ic i; tout
se passe à peu près comme en Europe. Quand un
sentiment décisif ne préside pas à un hymen, ce sont
ordinairement des questions de convenance ou d’intérêt
qui le déterminent. Le mariage a lieu communément
à l’âge que nous avons cité dans l’Introduction;
mais la loi religieuse des Abyssins permet
le mariage entre des jeunes filles non nubiles et
des garçons qui n ’ont pas atteint l’âge de puberté.
L’épousée reste alors dans la famille jusqu’au moment
où elle peut être livrée à son mari. Ces espèces d’union
n’ont lieu le plus souvent que dans les classes les plus
élevées ; elles servent à consacrer les alliances et consolider
les fortunes. La féodalité offrait beaucoup d ’exemples
de ces mariages in partibus. Dans le cas ordinaire
la demande est faite par les parents de l’époux et
par l’époux lui-même. Les conditions de l’alliance sont
stipulées, la communauté est la règle générale. Le
système dotal, plus fréquent dans l’Amarah, n ’est
d ’ailleurs garanti par aucune loi.
Le père est le maître absolu dans la famille; la loi
et la coutume lui donnent une autorité sans bornes sur
ses enfants, et s i, comme on en voit de fréquents
exemples, cette autorité est souvent méconnue ou
éludée, il n’en faut accuser que ce relâchement moral
dont nous parlions tout à l’heure. Quand les enfants
sont du même lit, ils donnent généralement les preuves