apprécier la part d’influence de chacun; toutefois
on retrouve encore dans ce pâle foyer d ’activité la
hiérarchie qui distingue généralement ces éléments
dans toutes les sociétés : le capital, par sa haute prédominance
sur l’action et le talent, tient ceux-ci dans
une servitude désastreuse. Mais ce qu’on peut signaler
de plus caractéristique dans cette torpeur industrielle
, c est le défaut complet d’association ; chaque
membre de la famille des travailleurs est livré à ses
seules forces; la plupart ne trouvent pas dans leur labeur
des moyens suffisants d ’existence : aussi dès
qu ’un Abyssin possède un petit pécule, il se livre au
trafic, et devient colporteur ju sq u ’au jo u r où sa fortune
lui permet d ’entreprendre le grand négoce. Car, nous
le répétons, la classe des marchands est la plus heureuse;
elle est la moins sujette aux exactions des chefs,
q u i, au contraire, la flattent par le besoin qu’ils en
ont.
Ce travail rudimentaire échappe à tout ordre et à
toute juridiction; rien ne peut donc l’entraver que le
principe meme sur lequel il est basé. L’ouvrier jouit
de la liberté absolue; il travaille aux conditions qu’il
lui p laît, heureux toutefois quand la faim ne lui en
impose pas de très-dures; car, par contre, rien ne garan
tit son salaire ; comme il traite directement avec
le consommateur, il arrive souvent, quand celui-ci
est puissant, q u ’il ne lui donne en échange de son
travail que l’assurance d'une protection et d ’une bienveillance,
également pleines d’embûches. Ceci n’aura
rien d ’incompréhensible quand on saura que l’argent
est tellement rare en Abyssinie, que les plus grandes
fortunes sont quelquefois en peine d’un thaler.
Un certain nombre d’ouvriers dont les métiers sont les
plus indispensables trouvent toujours de l’occupation,
et le salaire de c eu x -c i, suffisant pour leur procurer
une honnête aisan ce, est assez assuré : tels sont les
tanneurs, les forgerons, les tisserands. Ces branches
d ’industrie révèlent même une organisation supérieure.
Quelques ouvriers consacrent leurs économies
à l’achat d ’une certaine quantité de matières premières,
et l’on voit aux environs de Gondar des centres
de fabrication qui approvisionnent le marché de cette
ville.
Dans l’impossibilité où nous sommes de peindre l’industrie
abyssine sous des traits plus généraux, nous
allons au moins donner au lecteur une statistique qui
comprendra toutes les professions en exercice, leurs
procédés saillants, et les outils qu’elles mettent en
usage. Nous aborderons ensuite les pratiques agricoles.
Pour le commerce, nous renverrons à la Notice spéciale
qui fait directement suite à notre relation historique.