La femme du noble ne se montre jamais en p u b lic , et
mène une vie toute d’in té rieu r, comme chez les Orientaux
musulmans. Elle dédaigne de se livrer à d’autre
soin, outre l’administration de sa maison, que celui
de filer le fil de mousseline ; elle a toujours un grand
nombre de suivantes. La femme du debtera jouit d’une
médiocre considération ; elle est fort souvent prise parmi
les courtisanes ; elle s’associe aux intrigues de son
mari, et ne fraye pas avec les femmes des autres classes
dont elle est mal vue. La femme du soldat est un modèle
de dévouement; elle se soumet aux plus dures
fatigues, avec une gaieté inaltérable, pour suivre son
mari et le servir. La femme du paysan, comme celle
de l’ouvrier, est dévouée au plus pénible labeur; les
plus lourds travaux du ménage sont à sa charge, ce qui
ne l’empêche pas de partager ceux de son mari ; elle
est plus sédentaire qu ’aucune autre.
La femme du riche négociant appartient fréquemment
à une caste élevée, car celui-ci se laisse facilement
séduire à l’idée d’acquérir, par un mariage , la protection
d ’une famille puissante, tout comme l’opulence
sourit à la jeune fille. Une fois m ariée, elle n ’a plus
qu’à diriger la maison et le nombreux personnel placé
sous ses ordres. L’aptitude qu’elle montre à cet égard
est très-précieuse au négociant, que ses affaires forcent
à être la plupart du temps en voyage.
Une certaine classe de femmes s’adonnent aux accouchements.
Ces matrones remplissent bien ’d ’autres offices,
ou pour mieux d ire , il n ’est pas d’affaires ni de secrets
dans lesquels elles ne veuillent s’immiscer, pour
peu qu’on les souffre. Elles s’entremettent pour les mariages,
souvent même pour des liaisons bien moins morales.
Elles ont de bons conseils, qu’elles débitent concurremment
avec des remèdes de mal d’amour. Ce sont
toujours des femmes sur le retour, assez prudentes pour
jeter un voile épais sur leur jeunesse, et même sur les
prémices de leur maturité. Aussitôt q u ’un étranger de
quelque distinction arrive dans une ville, elles s’empressent
de lui rendre v isite , et lui portent un cadeau
qu’il ne peut accepter q u ’à la condition d ’en rendre
un de valeur double.
Les jeunes filles, en Abyssinie, ont un vêtement
qui les distingue des femmes : nous en parlerons à
l’occasion. Elles sont nubiles dès l’âge de douze a n s 1 et
se marient ordinairement à quinze. Elles jouissent d’une
grande liberté qui n ’engendre pas la licence : celles de
la campagne se font remarquer par leur réserve et leur
modestie.
Quant a cette malheureuse classe de femmes que la
réprobation morale de toutes les nations comprend
dans une commune et flétrissante dénomination, à
quelque degré que le vice soit arrivé en elles, qu’il se
montre dans le plus honteux étalage ou se dissimule
sous des dehors brillants et agréables; quant à ces
femmes, d is -je , la civilisation abyssine en reconnaît
deux espèces, dont l’u n e , la courtisane, jouit souvent
d ’une renommée et d ’une considération capables d’exciter
l’envie des femmes du plus haut ton; dont l’autre,
la femme prostituée, n ’est distinguée de son analogue,'
* Voyez Palestine, p. 3 7 8 ,1.1.