jouissent d’une organisation politique moins libérale :
car la nécessité de l’asservissement des classes laborieuses
ne s’atténue que par l’ensemble du progrès humain,
dont le progrès politique n ’est qu’une partie.
Dans les états primitifs de l’humanité, cette nécessité se
révèle par son caractère le plus simple et le plus fran c ,
qui est la domination des castes guerrières; mais à
mesure que se sont développés les besoins et les ressources,
d’autres prennent place, exercent leur légitime
influence, et créent peu à peu, en regard des devoirs,
les droits politiques.
L’Abyssinie, par toutes les causes qui ont empêché
son évolution normale comme société, a faiblement signalé
cette marche ascendante. Si le lecteur veut bien
se rappeler ce que nous avons d i t , dans l’Introduction,
du système politique qui la régit encore actuellement,
il y reconnaîtra l’essence ,du gouvernement absolu avec
une constitution féodale, et une simplicité dans les formes
où percent toutes les traditions patriarcales :
triple caractère qui réunit tous les genres d ’exploitation
, celle de l’homme par la féodalité, de la famille
par le p a triarc a t, de la nation par l’absolutisme. 11
est juste de dire que ces principes ne sont pas également
en vigueur dans toutes les parties de l’empire,
comme lorsqu’il existait sous un chef unique et une loi
homogène : plusieurs États se sont, comme nous l’avons
vu , formés dans le g ran d , et ont manifesté des différences
politiques; nous en constaterons surtout deux
principales.
Le Choa était un des plus grands fiefs de l’empire;
ce fief venant à se déclarer indépendant créa une souveraineté
héréditaire dans une famille, celle de Sahelé
Sellassé, prince régnant actuel, et le régime du gouvernement
absolu s’établit dès lors à la place des constitutions
féodales ; non-seulement le chef absorba en
lui seul tous les genres d’autorité, mais il voulut se ré server
toutes les initiatives, et ne délégua aucune
portion de pouvoir qu’à titre de mandat. Cependant
il ne put étouffer les traditions de l’empire, et les
mêmes titre s , les mêmes charges vinrent revêtir des attributions
de domesticité, avec tous les bénéfices qui
y étaient naguère attachés. Sous Sahelé Sellassé, ce despotisme
a atteint son apogée ; son influence dégradante
avilit l’intelligence du peuple, et pousse le principe
d’exploitation dans sa phase la plus hideuse, celle de
tous par un seul. Aussi, à proprement parler, il n y a
plus de classes dans le Choa; il n y a que des esclaves
du ro i, à divers degrés : la religion existe sans chef,
la justice sans magistrats, la propriété sans propriétaires,
l’armée sans généraux, le trésor public sans
argent : tout est dans le ro i, tout lui ap p a rtien t, il décide
de toute chose. Eh bien! avec ses formes féodales,
sa nature despotique, ee gouvernement est paternel;
ce monarque fétiche, le seul qui puisse dire avec toute
raison : l’État, c’est moi} n’appelle ses serviteurs que
ses enfants ; jamais il ne prononce une condamnation à
mort : dans son royaume la prison est rare, la confiscation
est seule fréquente. Ses prédécesseurs avaient
coutume de reléguer leurs héritiers sur une montagne :
il a jugé convenable d’en agir autrement, et d’initier