Ainsi le meurtre se rachète en Abyssinie par une certaine
somme appelée pria? du sang, et c’est un gage
de bonne amitié que d’aider quelqu’un à payer cette
dette *.
Il serait scandaleux de ne pas aller à 1 enterrement
d’un de ses amis, comme il le serait de la part des
proches du défunt de ne pas se déchirer les tempes.
Tout ce cérémonial est d’autant plus singulier que
le relâchement des liens politiques a beaucoup affaibli
la vie publique chez les Abyssins; les principaux,
et pour ainsi dire les seuls lieux habituels de
réunion y sont l’église et le marché; car les agglomérations
que provoquent certaines circonstances, comme
les pèlerinages et les fêtes ou cérémonies de famille,
n ’ont pas un tel caractère.
Le jour de marché est une véritable fete publique ;
aucune ville n ’ayant rien de ce qui peut ressembler à
un commerce de détail, les habitants sont bien forcés
de venir faire au marché leurs provisions pour toute
la semaine. Les marchandes ont ce jour-là leurs plus
beaux a to u rs , et on peut dire que le beau sexe abonde
sur la place; aussi les jeunes garçons n ’y manquent
pas. Il faudrait avoir une bien grande influence sur les
domestiques pour les faire rester au logis un jour de
marché.
La place du marché sert d’hôtel de ville, et réunit
invariablement toutes les assemblées qui ont une couleur
politique. C’est là que se font les proclamations
1 Chez les Hébreux, le meurtre ne pouvait être racheté sous aucune
condition. Palestine, p. 217, t. I.
émanées de l’autorité; c’est là qu’ont lieu les exécutions;
c’est là enfin que le nagarit résonne pour appeler
les soldats aux armes.
Il existe des tavernes; elles sont surtout peuplées de
soldats et de marchands, qui viennent y boire et souvent
s’y enivrer.
Certaines fêtes sont célébrées publiquement et avec
grande affluence de peuple; telles sont la fête de la
Croix et Pâques. Ces jours-là les principaux chefs donnent
des repas homériques. Le matin de la Saint-Jean,
la population en masse va se baigner dans la rivière.
Les jeunes gens allument des torches et parcourent
les rues pendant là n u it; ils viennent danser sur
la place et dans quelques maisons qui leur sont ouvertes
à cet effet.
Les fêtes religieuses en Abyssinie sont à peu près
les mêmes que les nôtres, sauf celles de saint Técla
Emanout, d’Alba Garima et de quelques autres saints
canonisés dans le pays. Toutes ces fêtes se célèbrent
par des danses, des repas, des courses à cheval et
des simulacres de combat.
Ainsi que nous l’avons d it, on ne trouve aucun vestige
de spectacle en Abyssinie, mais quelques p arades
qui représentent des pantomimes excellentes, et
dont les acteurs ont un talent d’imitation vraiment extraordinaire.
Nous en avons vu un nous représenter
avec une verve admirable tous les personnages de la
société éthiopienne, et saisir avec tact le côté ridicule
ou plaisant de chacun.
Les principaux événements de la vie humaine se