qu engendre le désordre, ces riches privilégiés accaparen
t les grains et font travailler les ouvriers pour un
morceau de pain. Ces circonstances peuvent donner
une idée de ce que doit être l’industrie en Abyssinie.
Le clergé, si inerte dans le Choa, consume dans le
Tigré son activité en discussions stériles, et son influence
est à peu près nulle; il reste en arrière, à cet
égard, du corps des debteras, dont nous avons déjà
parlé. Nous nous sommes, dans l’Introduction, suffisamment
étendus sur les uns et les autres.
L habitant des villes se distingue en Abyssinie par
les mêmes caractères que partout ailleurs; plus intellig
en t, plus industrieux, plus exempt de préjugés
que 1 homme des champs, il est aussi plus dissolu de
moeurs, moins robuste et beaucoup moins religieux.
La population d ’une ville d’Abyssinie se compose de
petits propriétaires vivant du produit de terres qu’ils
afferment, et dont, pour tout loyer, ils prennent la
moitié de la récolte ; de quelques négociants, de beaucoup
de petits brocanteurs qui colportent leurs marchandises;
d’un petit nombre d’ouvriers, et de quelques
oisifs qui vivent aux dépens de tous. Ceux-ci
sont des gazettes ambulantes, font l’opinion, donnent
le to n , suscitent les cabales, et une fois le désordre
venu, sont toujours les premiers à piller. Au contraire,
le caractère de l’ouvrier est humble, tenace et laborieux ;
le négociant se distingue p a r son avarice et son ostentation
; le prêtre et le soldat sont ceux qui donnent volontiers
et généreusement : il est vrai qu’ils mendient
la plupart du temps.
L’habitant des campagnes offre le caractère abyssin
dans sa pureté native, c’est-à-dire un fonds excellent
allié à la légèreté et à une violence extrême, ce qui au
demeurant en fait l’individu le plus praticable du monde
pour l’intelligence exercée. 11 est laborieux, sobre et
crédule; sa foi est v iv e , et sa superstition plus grande
encore; mais ce caractère, qui est tel qu il est sorti
de mains du Créateur, cette ignorance naïve, prompte
à toutes les surprises, cette unique pratique du travail
des champs et des joies de la famille, offrent un
charme d’études dont il est, selon nous, bien difficile
de rencontrer l’égal dans quelque pays du monde que
ce soit.
Le rôle des femmes en Abyssinie est certainement
moins important que dans la civilisation européenne;
mais il l’est beaucoup plus que dans toutes les contrées
orientales ; encore, ce qui restreint leur action ne tient-il
qu’à la faiblesse générale des liens sociaux ; car, en princip
e , elles jouissent d’une liberté aussi grande qu’en
France, et leur éducation relative ne présente jamais
cette déplorable exiguïté qu’on rencontre chez nous.
La suite de cette Notice nous fera voir la femme
dans son ménage et dans les diverses actions de la
vie; nous n ’avons ici qu’à indiquer ce qui caractérise
les classes, en observant bien ce principe que la
femme n ’acquiert son rang définitif que par le mariage.
Pour saisir tous les points d analogie entre les moeurs
actuelles des Abyssins et celles des anciens Hébreux,
nous engageons nos lecteurs à parcourir le beau travail
de M. Munk dans Y Univers pittoresque.