TRAITÉ DliS ARBRES FRUITIERS.
Les milrcs sont nourrissantes et rafraîchissantes à la manière des groseilles,
des fraises et des framboises; mais elles n'ont, étant l)ien mûres,
ni racide des premières ni le parfum dos autres; elles leur sont mémo
inférieures quant i la saveur, et on les mange plutôt dans une vue
hygiénique, comme rafraichissantcs, que pour toute autre raison.
Quoique la mûre rouge ou d'Amérique soit, selon nous, aussi Ixmne
que la mûre noire, on la cultive peu ou point pour la table. Un seul
pied de Mûrier noir suffit pour k plus grande maison; mais quelques
cultivateurs en élèvent mi plus grand nombre pour en vendre les fruits
aux pharmaciens, qui en extraient le jus et en font un sirop rafraîchis.sant.
Quoiqu'il n ' j ait guère que les poules et les enfans qui mangent les
fruits du Mûrier blanc, et que nous puissions en cimséquenee nous
dispenser de parler de cet arbre dans un ouvrage de la nature de celuici,
nous crovons cependant devoir en dire quelques mots, i cause de
son importance relativement à l'économie politique et induslriellc.
Le Jlûrier blanc, ainsi que le ver à soie, qui se nourrit de ses feuilles,
sont l'un et l'autre originaires de la Chine. La culture de l'un et l'éducation
do l'autre etoient pratiquées en Chine sept cents ans avant Abraham
et deux mille sept cents ans avant Jésus-Christ. Ce fut l'empereur
Iloung-ti (empereur de la terre), qui régna sur la Chine plus de cent
ans, qui institua le premier l'éducation des vers k soie dans des maisons
appropriées i cet usage, et l'impératrice sa femme, qui la prc.niere
enseigna à tisser les fils de soie. Leurs successeurs cominuèrcnt long-temps
après d'avoir, dans leurs propres palais, des appartenieiis destinés i l'éducation
des vers à soie, et h laquelle les princesses prenoient une grande
part. De la Chine le Mûrier et le ver à soie se répandirent dans
l'Inde, en Perse, en Arabie, et enfui dans toute l'Asie. Les expéditions
d'Alexandre firent connoître et introduisirent l'usage de la soie en (irèce,
trois cent cinquante ans avant Jésus-Christ. Les Phéniciens firent aussi
le trafic de soie et en importèrent dans l'est de l'Europe. Sous l'empereur
Sévère les ctofTes de soie se vendoicnt à Rome au poids de lor,
et l'empereur fit promulguer des lois qui condanmoient à mort ceux
qui en porteroient. Au sixième siècle deux missionnaires arrivèrent de la
Chine, apportant à Justinicn des graines de Mûrier, et firent connoitre
comment on élcvoil les vers à soie en Chine. Justinicn, plus éclairé <,ue
ne l'avoit cic SéviTC, renvoya ces missionnaires en Chine, d'où ils revni-
TRAITE DES ARIÎRES FRUITIERS.
rent en 5.^"), et apportèrent à Constantinople des oeufs de ver à soie.
Alors une nouvelle ère commença pour le commerce de la soie : la
Grèce planla ties Mûriers. Après la chule de l'empire romain, les Arabes
étendirent la culture du Mûrier et l'éducation du ver à soie; l'une et
l'autre passèrent en Espagne et en Portugal avec les Arabes ou Sarrazins,
vers 711. De la Grèce le ver à soie passa en Sicile et à Naples en 1 14f),
et y resta sans utilité jusqu'en 1,')40, qu'il s'étendit jusqu'au Piémont,
et enfin dans toute l'Italie. Sa première apparition en France fut en
1494; il ne s'y établit finalement qu'en Ifî05, sous le gouvernement
et par les soins de Henri IV. Après la mort de ce prince,
l'éducation des vers à soie, mal dirigée, mal administrée, découragée,
a presque été abandonnée dans le centre de la F'rance, et ne s'est maintenue
que dans quelques provinces du midi. Depuis 1820 elle s'est
réveillée aux environs de Paris, et, grâce au zèle éclairé et persévéram
de MM. Camille Beauvais, et à l'introduction de quelques variétés
nouvelles de Mûrier, jugées plus nutritives que les anciennes, on doit
espérer que ce genre d'industrie prendra un plus grand développement
que par le passe.
Puisque nous remplissons ici le rôle d'historien, nous ne devons pas
omettre que, malgré les écrits de MM. Dandolo, Moretli, Loiseleur-
Dcslongchamps et de plusieurs autres, l'éducation du ver à soie scroit
restée un simple objet de curiosité sous le climat de Paris, sans l'importation
du Mûrier multicaulc, que M. Perrottet, botaniste-voyageur du
Gouvernement, a trouvé à Manille, en 18^0, qu'il a porté à Cavenne,
et de là en France, en Ce Alûrier fut cultivé avec prédilection
par un Chinois établi dans le pays, et il l'estimoît le meilleur pour la
nourriture des vers à soie. C'est d'après ces notions que M. Perrottet
lui en a acheté quelques pieds dans l'intention d'en enrichir la France.
Cette nouvelle espèce, qui s'enracine de bouture avec une promptitude
et une facilité extraordinaires parmi les Mûriers, fut bientôt multipliée
à l'infini. Un mémoire lumineux, publié par M. Perrottet, mit le comble
à la réputation de ce Mûrier, auquel la reconnoissance attacha le nom
de Mûrier Perrottet, tandis que quelques auteurs, tracassiers ou jaloux,
s'cU'orçoient de le faire désigner par le nom de Mtlrier des Pliilipjiines
et de Mûrier à feuilles en capuchon. Ainsi c'est le Mûrier luulticaule
qui a ranimé l'e.spérance presque éteinte de pouvoir cduquer le ver
à soie, avec profit, sous le climat de Paris; et si cette industrie s'v