
I L’A N T IQ U IT E ' E X P L IQ U E E , &c. L iv . I.
Grecs & les Romains ,& pafTant de là fucceffivement aux nations barbares.
11. Voici la maniéré dont on Te comportoit à 1 egard des moribonds. Dans
la Grece quand quelqu’un étoit malade, on mettoit fur la porte des branches
de buiffon & de laurier : le buiffon étoit pour chafler les mauvais efprits, & le
laurier pour appaifer Apollon dieu de la medecine ; le laurier lui étoit confà-
cré. Les peres &les meres baifoient leurs enfans mourans, & appliquoient
leur bouche ouverte à la leur, comme pour recevoir leur ame. Ils frappoient
auffi des chaudrons & des vafes de Cuivrepour chafler les mauvais efprits & les
genies malfaifans. La coutume des meres de recevoir les âmes de leurs enfans
mourans eft ainft exprimée dans Cicéron. » Ces malheureufes meres, dit-il
» pafloient les nuits entières à la porte de la prifon, ne leur étant pas permis
« d’embraflèr leurs fils pour la derniere fois : elles ne demandoient autre chofe
»> finon qu’il leur fût permis de recevoir le dernier foufle de leurs pauvres
» enfans, » Quintilien dit à peu près la même choie parlant de lui même : » Je
“ n’ai pu , dit-il, rendre les derniers devoirs à mon fils, m’afleoir auprès de lui
” lorfqu’il tiroit à fa fin, lui raccommoder l’oreille pour le faire repofer plus,
» doucement, le tourner de l’autre côté pour lui donner une lîtuation plus
» fupportable, recevoir fon dernier loufle. »
III. Dès qu’un malade étoit mort on lui fermoit les yeux & la bouche. La ceremonie
de fermer les yeux, les enfans à leurs peres & meres, & les peres &
meres a leurs enfans , le trouve en mille endroits. Cette coutume étoit fort
-ancienne 8c generale tant chez les Grecs que chez les Romains. » Votre pere
» & votre mere ne vous fermeront pas les yeux après votre m ort, dit Homere*
Virgile dit la même chofe.Les freres les fer-moient aufli àleurs freres, dit Stace.
” Ma loeur me prioit, dit Flavien dans une homelie de S.Jean Chryfoftome, de
” lui fermer les yeux après fa mort, de lui clore la bouche, & de lui rendre
■»> tous les autres devoirs de la fepulture. C’étoit une ceremonie facréexhez les
» Romains, dit Pline, de fermer les yeux de ceux qui mouroient, & de les
» ouvrir enluite lorfqu’ils étoient fiir le bûcher. >>
Quelques-uns prétendent que par la loi Mania il étoit défendu aux enfans
de fermer les yeux de leurs peres mourans ; mais cette loi exprimée ainfi dans
Varron, Ne filii luci claro figillent oculos, fe doit entendre félon les plus habiles
Jurilconfiiltes d’une bien differente maniéré j ils prétendent que cela veut dire.
'«delicet a Grzcis & a Romanis , quorum hac in re uc
& in aliis bene multis mores pene fimiles erant; hinc
ad barbaras nationes, eodem fervato narrandi ordine
xranfibimus.”
I I . Hac autem fe ratione gerebant erga eos qui
mox animam efflaturi eflent. In Grsecia cum quif-
piam zeger decumbcret, ad januam apponebantur
xhamni Iaurique rami : rhamnus ad abigendos caco-
dacmonas idoneus , ut putabant, erat 5 laurus vero ^»lacando Apollini medicinae deo deputabatur j nam
aurus Apollinifacra.Pater & mater moribundum of-
culabantur, ofque ori applicabant, quafi ut animam
ejusreciperent: lebetes quoque 5c vafa aenea percu-
tiebant, ut hoc ftrepitu malos dastnonas geniofque
fugarent. Morem animam excipiendi fic exprimit Cicero
in Verrem 7. Matresmifera, pemoElabam ad of-
tium carceris , ab extremo comflexu liberum exclufa,
qua nihil aliud orabant, n'tfi utßliorum extremum fpiri-
tum excipere fibi liceret : idipfum videre eft apud
Quintilianum dcclam. 7. Non morienti pater affedi\
non agri caput molliori fede comp of u i , nonfatigatum
latus mutavi, non excepi fpiritum.
II I . Poftquam animam efflaverat, oculos ftatim
& os claudebant > parentes fcilicetfiliorum, filiique
parentum, cujus rei exempla fexcenta apud feriptores
occurrunt. Mos certe antiquiffimus a Græcis perinde
arque a Romanis fervatus. Hinc Homerus ILiad. X.
A ov [dm 001 >e tothç iy vnTvia f/irnp
O m i&daitftrvo-/ dawn stî§.
& Virgilius 5. Æneid.
---- : —— ---- tteç te tua funera mater
Produxi, prejfive oculos > aut vaincra lavi.
Eratres quoque fratribus par pietatis officium præ-
ftabant, inquit Statius 2. Thebaid. Sic Flavianus
epifeppus in Homilia Chryfoftomi XXI.ad populum
Anthiochenum, de forore fua loquens ait : E t ipfa
cjuidem quotidie orabat 3 ut fibi oculos claudercmiis | &
os conjungeremus & componeremus, ac rcliqua ad fe*-
puhuram confueta curaremus. Sic etiam Plinius 11. 37.
Morientibus oculos operire, rurfufque in rogo patefa-
cere Quirititm magno ritu facrum eft.
Nonnulli putant lege Mænia cautum efle ne filii pa-
trum oculos claudanc. Verum hæc lex quæ fie apud
Varronem exprimitur , Ne filii luci claro figillent oculos
; longe alio modo fecundum jurifconfultos peritio-
D E V O IR S RENDUS AUX M O R T S ,
qu’ils ne doivent pas fermer les yeux à leur pere pendant qu’il voit encore ; &
que cela fe dit par métaphore contre des enfans dénaturez qui acceleroient la
'mort de leur pere pour jouir plutôt de leurs héritages.
‘res accipienck eft, ne claudanc oculos parentum, dum phorice intelligendum defiliis l'mpiis qui hcreditatis
adhuc videndi facultate præditi flint : quod eft meta- citiiis potiundæ caufa parentum mortem accelerarent.
C H A P I T R E II.
I. Image £ une jeune fille morte , & de fies parens qui la pleurent. I I . Ceremonie
cHôter la bague des doigts aux morts. III. Ce qn on fa ijb itp ou r éprouver f i
le malade étoit véritablement mort. I Pr. Cas étranges de gens qu on croioit
morts, brule%_Jur les bûchers. Y. Uiftoire mémorable à ce fiitjet.
I. jT ~ \ N pratiquoit encore d’autres ceremonies peutêtre moins communes, p
On en voit quelques-unes dans l’image fuivante : Une jeune fille qui
vient de mourir eft étendue fur fon lit avec fes habits & fa chauflure : le pere
eft affis à la tête du lit fiir un pliant, & la mere aux pieds fur une chaife à dof-
fier. Ils ont l’un & l’autre la tête voilée d’un pan de leur robe, 8c donnent les
marques de leur affliétion. Les autres parens ou domeftiqües autour du lit
témoignent foit par leurs geftes, foit par leur fituation, la part qu’ils prennent
à ce deuil domeftique. A l’extrémité de la troupe on remarque un efcla-i
ve portant fes bas de chauffes à la mode des barbares : nous en avons fouvent
Vu de femblables dans le cours de cet ouvrage. Au deflous du lit eft un chien
qui a le pied fur une efpece de couronne ; je ne fai fi c’étoit celle dont on de-
<:voit couronner cette fille morte ; car félon la loi des douze tables on couron-
noit les morts qui avoient vécu vertueufement. On remarque fous le lit des
pantoufles ou des mules de chambre.
11. Une autre ceremonie etoft d oter aux défunts l’anneau du doigt dès qu’ils
avoient rendu l’ame. Ce qu’on faifoit non feulement à ceux qui mouroient,
mais auffi à Ceux qui s’endormoient d’un profond fommeil, & qui tomboient
dans une efpece de léthargie : Par je ne fai quelle religion, dit Pline , on ôte
les bagues à ceux qui s’eftdorment d’un profond fommeil, & à ceux qui meurent.
On croit que c’eft par rapport à cette coutume que Spartien dit dans
la vie* de l’Empereur Hadrien, qu’entre les marques de fa mort prochaine * I.
C A P u T i r.
ƒ. Imago virgin is defunfitoe & lugentium con-
fianguineorum. I l . R itu s auferendi annulos
e x digitis mortuorum. I I I . Q u id f i e n t u t ex-
filoraretur an oeger vere mortuus effet. I V .
Tra gici cafius qttorumdam 3 qui cum mortui
futarentur, in rogo cremabanturvivi. V .H i -
fioria memorabilis circa rem eamdem.
I. A L i je. foItalie minufque confuetx ceremo-
/ \ niæ adhibebantur 3 quarum quafdam in fe-
quenti tabula perfpicias : ubi virginem, quæ modo extremum
emifit halitum , jacentem vides , patremque
cjus ad letfti caput in fella plicatili fedentem 3 matrem-
que ad pedes fimiliter fedentem in cathedra : uterque
veftis lacinia caput obvelat, moeftique natæ obitunv
lugent. Alii cognati domefticique & geftu & finis
modo in partem doloris atquç lu£tus fe venire denun-
ciant. In extrema rabulæ ora fervus deprehenditur
barbaro calceatus more, quales pletumque fervos cap-
tivofque in decurfu operis hujus vidimus* Sub leéto
canis pede coronam tangit : neffiio utrum ilia corona
caput defundtæ virginis fit ornandum } nam fecundum
legem duodecim tabularum, mortui qui pie pro-
beque vixerant coronari folebant. Sub le<fto etiam
crepidæ obfervantur.
II . Alius erga mortuos ritus erat detractio annuli;
detrahebatur annulus non morientibus modo, fed.
etiam profundum in fomnum delàpfis: hincPlinius
33. Gravatis fomno aut morientibusreligionequadam annuli
detrahuntur. Ad hune morem fpeétare pütant hoc
di&um Spartianiin vita Hadriani Imperatoris