
L’ANTIQUITE' EXPLIQUEE,
C H A P I T R E I I I .
See. L IV. I.
I. La coutume d'oindre les corps morts. 1 I. Habits Sf couronnes quon leur mettait.
I II . Autres ceremonies. IV. £outume d'enleverles corps pour dettes.
V. Religion des anciens Jur la fepulture des corps trouves^
I."I" A coutume d’oindre les corps de differentes fortes d’onguents, de par-
J _j fums & de baumes, étoit établie dans plufieurs payis du monde. Ceux
qui brûlaient les corps difoient que c’étoit afin que le feu y prît plus promptement
: ceux qui ne les bruloient pas , difoient qu’ils les oignoient & les parfu-
moient pour les préferver de la corruption. Les hommes deftinez pour
cette onétion s’appelloient pollinUores ; ils étoient domeftiques des Libitinai-
res. On gardoit les corps ainfi oints & parfumez pendant fept jours. Les Libi-
tinaires vendoient au temple de Libitinales choies necelfaires pour les funérailles.
Ces emplois de Libitinaires & de Pollinéfeurs, qui étoient comme
leurs valets, étoient fort bas.
11 Les Romains donnoient aux corps morts l’habit ordinaire, qui étoit la
toge : les Grecs les couvroient d’un manteau. Les femmes étoient aulfi
vêtues à leur ordinaire. Nous venons de voir une fille morte vêtue de fon
habit ordinaire. Il y en avoit qui fe préparaient des habits magnifiques pour
leurs funérailles Tant les Grecs que les Romains habilloiént leurs morts de
couleur blanche. Ceux de Sparte couronnoient de branches d’olivier & révéraient
de pourpre ceux qui avoient bien fervi leur patrie à la guerre , & qui
étoient morts dans le combat. La coutume de couronner les morts s’obforvoit
depuis les plus anciens tems jufqu’aux plus bas fiecles de la belle antiquité.
Plufieurs auteurs en font mention, entre autres Cicéron dans fon oraifon pour
Flaccus : « Je voudrais , dit-il, que le tems me permît de rapporter ici toutes
» les fentences qu’ils ont données touchant le corps de Caftricius ; premiere-
» ment, qu’on le portât dans la ville, ce qu’on n’accordoit pas aux autres ; après
»> cela, que de jeunes garçons le portaient ; & en dernier lieu , quon lui mît
» une couronne d’or. •> Ceux qui avoient mérité des couronnes pendant leur
vie, étoient couronnez après leur mort ; & on mettoit quelquefois des couronnes
d’or fur la tête de ceux qui s’étoientle plus fignalez. Nous avons vu dans la
C A P O T I I I.
J. R itu s corpora mortuorum ungendi. I I . Veßes
& corona mortui s imp ofit a . II I . A l i a cérém
on ie• I V . M o s auferendi corpora debiforum
V . Religio Veterum circa fepulturam
cadaverum q u a cafu occurrerent.
!• \ Æ O s crat apud plerafque nationes corpora i.VX mortuorum inungere unguentis atque aro-
matibus ; qui cadavera comburerent, uc celerius anderem
, id fieri dicebant. Verum cum multæ nationes
corpora non comburerent, ex ad corruptionem fee-
toremque vitandos un&ione ilia u'fae fuiffe videntur.
Qui corpora ungerent, pollin&ores appellabantur ,
quos Libitinariorum fuiffe domefticos atque fervos
probat Moreftellus 1. i. c. 15. Perun&a corpora fie
ieptem dies domi affervabantur. Ad un&ionem ne-
ce ff aria vendebant Libitinarii in templo Libitinae deæ:
hxc vero minifteria Libitinariorum atque Pollintftorum
inter vilia fordidaque officia cenfebantur.
II. Romani mortuos folito Veftimento fcilicet to*
ga induebant : Gneci pallio operiebant ; muliercs
quoque confueta vefte amiciebantur , qualem fuprà
vidimus virginem mortuam in Ie<Sto jacentem. Erant
qui dum viveient magnificas fibi ad funera veftes
comparaient : turn Graeci turn Romani mortuos alba
vefte amiciebant. Spartiatae vero eosqui de patriafua
benemeriti effent, & inter pugnandum occubuiflent,
ramis olivæ coronare, vefteque purpurea folebant in-
duere. Mos coronandi mortuos jama prifeis tempori.
bus ad ufque pofteriora florentis antiquitatis fæcula
protradlus fu it, plurimifque feriptorum teftimoniis
afferitur. Qua de re Cicero pro Flacco : Fcllem tantum
habere otii ut pofitm recitare pfephifmata qua fece-
runt in Caftriciummortuum s primum nr in oppidum in-
troferretur ; cjuod aliis non conceditur : deinde ut ferrent
ephebi : poftnmo ut imponeretur aurea corona mor-
tuo. Qiias quifque vivens coronas meruerat, eafdcm
fnortuorum capitibus imponebant : 8c iis qui melius
rem gefferant, aureas s pro cujufque meriro, fic coro«
planche
A V O I R S R E N D U S AUX M O R T S . ,
planche precedente une couronne au pied du lit de la défunte, pour la mettre
apparemment for fa tête.
III. On mettoit le corps mort au veftibule ou à l’entrée de la maifon. On
lui tournoit les pieds vers la porte- comme aujourd’hui. Les gens de qualiré y
metroient des cyprès, c’efl; un arbre lugubre qui ne renair point après qu’il
a été coupé. Nous verrons dans la fuite des fepulcres auprès defquels font
plantez des cyprès. Les Grecs metroient à la porte un grand vaifleau d’eau
luftrale, apportée de quelque autre maifon où il n’y avoit point de morts.
Tous ceux qui venoient à la maifon de deuil s’afpergeoient de cette eau en
fortant. On pendoit auffi en quelque endroit vers la porte, des cheveux coupez
de la tête du m ort, félon Euripide.
IV. La ceremonie de mercre le corps mort à la porte s’appelloit la collocation]
Il y avoit un homme qui gardoit le corps mort ; & quand c’étoit quelque
Prince, de petits garçons en chalfoient les mouches. Le garde avoit foin d’empêcher
qu’on ne volât rien des habits, & de s’oppofer auili à ceux qui voudraient
enlever le corps : ce que faifoient quelquefois les créanciers , qui ne
le rendoientpas jufqu’à ce que fes parens. ou fes amis euffent acquité fes dettes.
Cimon ne put ravoir le corps de fon pere Miitiade , qu’en paiant fes créanciers
qui l’avoient enlevé : & quand on ne les paioit pas, le corps étoit privé
de la fepulture; ce qui paffoit pour une grande infamie, &pour le plus grand
de tous les malheurs qui pouvoienr arriver à l’homme : car félon Vegece il
n’en eft point de pareil à celui-là. Homere dès le commencement de l’Iliade
ne manque pas de marquer la privation de la fepulture ,entre les plus grands
malheurs que la contagion avoit apportez dans le camp des Grecs.
V. Quand’quelqu’un fe trouvoit fur mer en péril de naufrage, il lioit autour
de fon corps tout ce qu’il avoir chargent ou de chofes deprix, &y mettoit
un écrit par lequel il fupplioit ceux qui trouveroient ce corps de prendre pour
-eux l’argent & les effets, & de lui rendre les devoirs de la fepulture. Indépendamment
même de cela, il n’étoic pas permis quand on trouvoit un corps
mort, de paffer outre fans l’enterrer; on regardoit cela comme un crime &
comme une grande inhumanité. Une loi d’Athènes portoit félon Elien, que
fi quelqu’un trouvoit le cadavre d’un homme, il devoir lui jetter de la terre
fur le corps, & l’enfevelir, en forte qu’il regardât le couchant.
nam fub le&o defun&ae virginis fupra vidimus, ejus,
ut videtur , capiti imponendam.
I I I . Defun&i cadaver in veftibulo feu in medium
ingreffu conftituebatur , pedelque verfus oftium
refpiciebant ut hodieque. Divites primariique viri
cypreffum admovebanc arborem feralem & lugu-
brem , quae poftquam excifa eft non renaicitur. Se-
pulcra in lequentibus videbimus propter quae cypreffi
arbores vifuntur. Graeci ad januam aquae luftralis vas
magnum locabant, quae aqua ex aliis aedibus funere
vacuis afferebatur. Quotquor in funeream domum in-
grederentur, ilia fefe aqua afpergebant : crines quo-
que ex defun&i capite praecifi circa januam appende-
bantur, ut ait Euripides in Alceftide.
I V. Hxc vero ceremonia mortui ad januam pofi-
t i , colloratio appellabatur. Aderat femper qui mortui
cadaver cuftodiretj fi vero is princeps aliquiseffet,
nueri a corpore ejus mufeas abigebant. Cuftos cura-
b a t, ne quis ex veftibus illius qui dpi am auferret, imo
ne quis eriam ipfum corpus alio afportaret. Id vero
nonnunquam faciebant creditores, inquit Lucianus
in fulht, corpus fcilicet rapiebant pignoris loco, nec
reddebant donee a cognacis vel amicis debitis folve-
recur. Cimon Athenienfis Miltiadis patris fui abrep-
Tom. m
turn corpus, nonnifi numerato creditoribus aere, redi-
mere potuit. Sin corpus non redimeretur, fepiiltura
privabatur , quae erat &c fumma infamix nota, & maximum
, fecundum profanorunr opinionem, quod
mortuo accidere poterat, infortunium: aitquippeVe-
getius 4. 44. acerbiflimum cafum effe mortuo , fi corpus
ejus irifepultum maneat. Atque initio Iliadis Ho-
merus, de lue quje apud Gra:cos graffata fuerat agens,
inter maxima quae importaverat mala illud annume-
r a t, quod corpora infepulta manfiflent.
V. Cum vero quis navigans inftans naufragium
profpiceret, circum corpus quidquid habebat opum
vel pecuniarum colligare folebat, referipto appofito,
quo iis, qui in corpus fuum ad littus maris a fiuiftibus
repulfum inciderent, fupplicabat, ut accepta pecu-
nia & in rem fuam converfa , juftafuneris 8c fepul-
turae perfolverent- Imo etiam nullo praefente praemio,
nulla merccde, iis qui in cadaver humanum inciderent
non licebat infepulto illo praeterire , illud enim
fceleris inhumanitatifque effe nota cenfebatur : Lex
etiam hoc, iriquit i£lianus Var. hift. 5. 14. inter A t tv-
cas Jcripta fu it, f i quis infepultum cadaver hominis
incidtt, faltem ei terrain injiciat & ita fepeiiat ut ad
occafum f pellet.
B