
l4o L’A N T I Q U I T E ' E X P LI QU E'E, &c. Liv. IV.
gtier à tout ce que nous venons de dire : car comment peut-on appeUer
dieux Mânes ou dieux des Enfers,ces âmes qui e'toient menées devant le
tribunal des dieux pour y être jugées ? comment, dis-je , appeller dieux de
l’Enfer ces âmes, fans favoir fi elles feraient ou livrées aux lupplices pour
leurs crimes , ou recompenlées pour leur bonne vie ? Cependant Pline le
dit alfer claireménr, & il parait par un grand nombre d’infcription & d’épitaphes
, que les Mânes appeliez fouvent les dieux des Enfers, fe prenoienc
auffi pour les âmes des défunts. M. Fabreti en rapporte quelques-unes tirées
de Gruter , où les âmes de ceux qui font enfevelis lont appellees leurs Mânes.
Dans une épitaphe rapportée par Gruter , on fait parler ainfi un mort : Aie
du rejpeci pour mes Mânes. & dans un autre •• Je prie les Mânes de ma, di-
gne g/ jd 'tnte maitrejfe. Une autre dit : Mes enfans ont fa it des vaux à mes Mânes
, & leur ont offert des facrifices.
Ces profanes raifonnoient fi peu confequemment fur les Mânes & fur les
dieux des Enfers , qu’ils paroiffent croire lelon certaines infcriptions qué les
Mânes ou famé du défunt demeurent dans le tombeau même ; cela le voit
dans I’inlcription luivante tirée de Gruter, où il eft parlé en ces termes : Ce
tombeau renferme les Mânes d'XJmmidia de Pnnugentm f in efclame t mort dans
le même jour.
Il eft confiant que les Mânes étoient pris pour les dieux de l’Enfer. Les
épitaphes gréques, tant celles que l’on trouve à Rome & dans l’Occident ,
que celles que l’on déterre tous les jours en Grece, en font une preuve certaine
-, elles commencent ainfi @ iït Kjr-^r.doicn, aux dieux fouterrains, ou aux
dieux des Enfers : & quelquefois avec les deux premières lettres e. k. ce
qui répond certainement au Dis M-imbus des épitaphes latines.
On trouve aulïi quelquefois dans les infcriptions latines les dieux des
Enfers pour les dieux Mânes, comme dans cette infcription rapportée par
M. Fabreti, Aurélia Truphera affranchie de Lucius , lieu confacré aux dieux des
Enfers. Ils y font auffi quelquefois appeliez les dieux Mânes des Enfers, comme
dans celle qui fuit: Aux dieux des Enfers Mânes , fa it pour ma femme Vul-
mia Hjigia fille de Marc. On trouve encore dans un tombeau de gens de balle
condition les Mânes appeliez les dieux Mânes de l’Averne ,qui eft l’Enfér. L’indeos
inferos dixerint animas illas quæ coram infero-
rum judicibus fiftebantur ? Quomodo deos inferos.
dixerint animas defun&orum, quas nefcirent an fup-
pliciis Eradiræ , an mercede ob probe adtam vitam
donatæ fuifîent ? Atramen ex mulcis infcriptioni-
bus fepulcraiibus confiât Manes qui dii inferi etiam
paiïim vocantur, animas quoque mortuorum fignifi-
care : quafdam hujufmodi infcriptiones ex Grutero
collegit Raphael F brettus , ubi eorum qui morrui
decumburic animæ Manes ipforum appellantur î fie
in quadam inferiptione Grut p. CCCXXII. Mânes
meos colatis , & p. D CCXV1 II.
Obteftor Manes méritafanftaque patron a.
Et p. DCCXXXIII.
M ambus at que mets nati pia vota dédere ,
Perfblvere mets Manibus inferras.
Qu am parum vero fibi conflarent in ilia de Manl-
bus aurae diis iriferis quolibet ex memoratis fenfu
acceptis opinione , aperce produnc cum ira loquunrur
in epiraphiis , ut credere videanfur Manes five ani-
mara defunôti in ipfo tumulo manere . ur vidcas ex
inferiptione fequenti apud Gruterjim p.DCCCXCV.
Vmmidia Manes tumulus tegit ifle Jimulque
Primigeni verna quos tulit una. diet- .
Deos inferos pro Manibus accipi liquet etiam ex
inferiptionibus grscis omnibus, turn iis qua: Romas
& in Occidente magno numero 3 turn iis quae in Grae-
cia habentur, ubi hsc vulgo pra:mittuntur ®ms
So>!oif, diis tubcerraneis five inferis, vel cum priori*
bus folum Uteris 0 . K. qua: haud dubie ad ha:c verba
inferiptionem fepulcralium latinarum referuntDIS
M A N I B V S.
Unde etiam in latinis inferiptionibus, dii Manes
dii inferi vocati deprehenduntur , tit in hac inferiptione
a Fabretto allata. Aurelia Lucii It ben a Truphera
dis inferis facrum. Aliquando etiam dii illi Manes inferi
fimul appellantur ut in hac inferiptione.
D. I. M.
F V L 7 IAE. ' M. F- H
YGI AE . C O N I V G I .
Ubi legendum : Dis Infens Manibus, Fulvia Marcl
filia■ Hygut conjugi. Semel etiam ocCurrit in quod am
cpitaphio plebei* tamilix,Dis Avcrnis Manibusy quae
infer iprio hie non inutiliter referatur , licet mendis
D I EUX MANES; t4i
foription, quoiqu’elle foit peu correcte , mérite d’être rapportée ici; on la
peut voir dans le latin.
Les dieux Mânes étoient donc les dieux de l’Enfer, & de là venoit que Plu-
tonétoit appellé Sammams , ce qui vouloir dire félon Martien Capella Sum-
mus éManiurti, le fouverain dés Mânes, ou le prince des dieux de l’Enfer. Il eft
ainfi appellé dans une infcription rapportée par M. Fabreti : M P lut on Sum-
manus ff) aux autres dieux Stygiens. il n eft pourtant pas certain, dit M. Fabreti,
que dans cette infcription Sümmanus foit mis comme une épithete
de Pluton ; il pourrait bien être un autre dieu de l’Enfer d’autant plus que
les anciens My thologues ne difont point qui étoit ce Summanus, & qu’Ovide
qui dit que lorfque Pyrrhus étoit formidable aux Romains , on rebâtit des
temples à Summanus, témoigne que l’on ne làvoic pas bien quel dieu
c’étoit. 7
Ce qüe nous venons de Aire, touchant les àm'eS prifes pour les dieux Mânes
ou pour les dieux des Enfers, eft fujet à mille difficulcez ; voila pourquoi M.
Fabreti propofe un autre fentiment, qui eft que ces Mânes pourraient être
quelque puiflance je ne fai quelle de l’homme. Ne pôurroit-on pas dire
que ces Mânes étoient les genies de chaque homme en particulier, donc
nous avons parlé au premier tome} Cela reviendrait afiez au lentiment d Apu-
ée rapporté dans le même endroit. Je crois que le meilleur eft de dîre que ces
nofanés pênfoient & parloient fi peu confequemment fur coûtes ces chofes,
m’il ne faut point s’étonner dé les voir raifonner fans principe & fans fyfteme;
hàcunfe formoitdes chimères à fa fantaifie , & fort fouvent ceux qui ve-
loient apres (uivoient les premiers, faits examiner s il y avoir de laraifon ou
sparehee même de raifondans ce qu’ils faifoient & difoient. Tefs etoient
eux qui ont mis l’infeription fuivantè, où les dieux Mânes font appeliez les
abitres des deftins : comme fi ces dieux MaUes n aiant point affez à faire à'
guverner les Enfers, s’étoient auffi mêlez de prefcrire aux hommes leur
dftinée & la fin de leur vie. L’infcription qui eft en bas rapportée en latin a
âb i"a origine ob infcitiàm pônentiüm refpcrfa fit.
D. A. M. u Bis Averpis Manibus.
A N T O N î V S. S V C C E S S A N Y S I
C O N P A R A VI T . S I B I . ET. B Ô T l I E. RV S T I
GI AN A E C O I V G I SVE E T A N T O N I S F I L I S SVI S
U B E R T I S . L I B E R T A B V S a V E A E O -
RVM.
B R O T R I A . R V S T I
A N T O N I O S V C C E
Cuntacpie dii Manes dii inferi eflent, hinc faituni
lit P b Summanus di&us fit , quafi fummus Ma-
nium iMartiano Capella de Niipt. Philolog. lib. i.
id eft Enceps Manium, five princeps deum infero*
rum: uetiamex inferiptione quadam arguitur,reference
Firetto Infcript. p. 87.
jL V T O N I . S V M M A N O
A U S Q . V E. DI S . S T I G I I S ;
Qiiamqim 3 ut obfervat idem Raphael Fabrettus,
non omno certum fitutrum Summanus poft Pliico-
hem in hainferiptione polltus, Pluto fit an alius in*
ferorum dis, quandoquideirl vetuftiorcs Mytholo-
gi , quis e;t Summanus non dixerunt, imo quis fit
dubitat Otitis lib. 6. Faft. V. 731.
Reddittf quifquis is efl, Summano templaferuntur,
Tune c* Romano , Pyrrbe»timendus eras.
. 1 fl IN A.
S S A N O C O I V G I .
Hæc qua: de mortuorum ànimabus pro Mânibiis^
five pro diis inferis habitis diximus,difficultatibusfun£
plena, arque àdeo Raphael Fabrectus aliud proponir,
lit non pro anima , fed pro hominis nefcio qua fepa-
rata ah anima poteftate. Quid vero fi pro fingulorum
geniis accipiàntur, de quibus ègimüs tomb primo t
Verum melius dicatur profanos ipfbs qui hæe com«
minifeebantur 3 noheuraviffe an omnia qüadrarent »
fingulofqiie prb at bitrio fud commenta fibi effini
iifle : alios autem eorum qui priceflerant eicmpjum,
nullo adhibito examine, nec quæfita vel ratione vel
tarionis umbra fequutos fuifle : fic dixerim etiam de
iis qiii inferiptionem fèquentem pofuerunt, quiquè
deos Mânes fatôrum arbitros appellant, quafi verb
dii Manes , non fads habentes res infernas mode-
ra ri, etiam fata a feu finera vitae hominibus eorufti»
tuerin»