
» le lac, & qu'on eft entré, on trouve un grand pré couvert d’une herbe qu’on
■> appelle àfphodele , & l’eau qui fait perdre la mémoire, c’elt pour cela qu’on
» l’appelle Lethé. C’eft ce qu’ont raconte de ce payis-la ceux qui en font re-
» venus, favoir Alcellis & Protefilaüs Theffialiens, Thefée fils d’Egée, &Ulyffie
» dans Homere ; gens dignes de foi à la vérité, mais qui n’ont pas bu de l’eau
» de l’Oubli ; car s’ils en avoient bu, comment fe feroient-ils fouvenus de tout
« cela ; Pluton & Prolerpine, difent-ils, dominent là, & ont un empire abfolu
*> fur tous les enfers. Ils ont un grand nombre d’officiers fubalternes, qui fous
» leurs ordres'gouvernent cet Etat, les Furies, les Peines, les Terreurs &
» Mercure ; mais celui ci ne s’y trouve pas toujours. Il y a là deux Princes
» qui font comme des Satrapes 6e des juges des cauies, affis pour porter leurs
•> jugemens, favoir Minos 6e Rhadamante, tous deux Cretois & fils de Jupi-
» ter. Ils recompenfent les hommes vertueux qui ont vécu avec probité j
•> ils attendent qu’ils foient plufieurs enfemble, ôe les envoient alors aux
•> champs Elyfiens pour y mener une vie heureufe. Si ce font des mechans &
» des feelerats, ils les livrent aux Furies , qui les mènent au lieu deftiné aux
« impies, pour y fouffrir les tourmens que leurs crimes ont méritez. Quelle
» forte de maux ne leur fait-on pas fouffrir ï on leur tord les membres , on
» les brûle , on les fait ronger 6e tourmenter par des vautours ; on les attache
» à une roue, on les oblige de trainer de groffes pierres. Là Ce voit Tantale
» au milieu d’un lac, 6e pourtant en péril de mourir de foif dans les eaux.
» Les autres qui ne font proprement ni bons ni mauvais, 6e qui ont tenu
» comme un milieu entre la vertu ôe le vice , n’aiant plus de corps , & étant
si devenus des ombres , vont errans ça ôe là par ces prez ; fi on les touche , ils
» s’évanouiffent comme la fumée : ils fe nourriffent des libations 6e des autres
ss prefens qu’on apporte 6e qu’on lacrifie iur leurs tombeaux ; en forte que
»> fi quelqu’un n’a point en 1 autre monde des parens ou des amis qui lui ren-
ss dent cet office , il meurt de faim parmi fes camarades. Le commun des gens
•» eftfi periuadé de ce que je viens de dire, que fi quelqu’un des leurs vient
« à mourir , ils lui mettent d’abord une obole dans la bouche, fans fo mettre
» en peine fi la monnoie qu’ils lui donnent à cours dans le roiaume de Plu- ’
•> ton ; fans favoir fi les oboles de l’Attique, de la Macedoine S i d’Eginepaf-
= font dans ce payis là. Ne vaudroit-il pas mieux ne leur rien mettre à la
ss bouche, afin que n’aiant pas de quoi paier le paffiage là bas, ils fuffent
=s obligez de s’en revenir en cette vie ? Après qu’ils lui ont mis cette obole à
hiatu! terret. Jam etIl qui tnmjmipf'aludefunt ingrefifi
prathtm excipit afphodelo confit um, -tfi memoria hofiis
, idcoque Lethes vocatur. Hat; enim prifeis illis
mortAdibits nar'aruri t , qui U line redierant 3 nempe A lceflis
& Protefiiaus Theffali, & Thefeus oS geo pâtre
vatus atque Homeric us Vlyfifes , graives admodum (fi
fide aligni telles , qui ex illo fonte mihi non videntur bi-
U p ; alioquin do rurn non meminififent. Itaque Pluto (fi
T r P rpinq , ut illi narrant, imp cri um adminifirant,
\que omnium dominatum obtinent. : qmbits infervi
Ml , & fi%impt•ri ■ ipforum remptiblicam gubernant
ingens turba , Turke , Pana , Term<rs & Mercurius3
quamquam is fane ;ton Imper adefi. PrafcBi autem,
SatrA•pa, judiccfque fedent duo , Minos çfi Rhadamanthus
; mfii, merqne iis fil i us : atque ht
quidcm bonos probo■ fque virai, qui cum virtute vitam
runt, ubi jam multi collcBi fue
lonfatn quamdam enmm nth EUfimn campum, vitam
op tin,urn ibi Vi Büro
1
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G/
rùic uot ceperim ,
h „ f mit traditos hn impiorum locum ejiciutit j pro raiione
mahfaBorum puniendos. Quo in loco quid tandem
mali non patiuntur j torti , exufii 3 a vuhuribus corrofi,
rota circumaBi, fi,'axa furfim volventes. Nam Tantalus
in ipfa palude fiat , in periculum adduBus ne fu i
moriatur infelix. Â lii vero media vita , qui funt com-
p lure s, vagantur in prato fine corporibus fafti umbra ,
(fi ad taBum quafi fumas evanefeentes. A l un tur autem
nofiris libationibus, facrificiifque fcralibus qua ad fe
paiera inftruntur j adeo ut f i cut nullus fit in terra reliquat
am'.eus aut cognât us , hic mort uns je j umts aefa-
rnelicus inter illos verfetur. H&c adeo valide vulgi
ammo s pervafierunt, ut fimui at vue familiaris quifpiam
mortuus fuel it , primum obolum illi in os indant,
fit port'ttori trajeÙion'ts merces j ntc illud prias explo-r
rent 3 nempe citjufmodi numifma legit imam f i t , in infe-
rofque admit/arur arque apud illos valeat, Attit us ne
obolus, an Macédoniens , an lÆgsnenfis : neque cogi- •
tant irmlto fatius efife, nihd habere cum quod folvat,
cum fie futurum fit u t, non recipiente portitore , poftli-
minio rc de ant in vil am, P ofi hac lotos eos, ac f i infer'
la
la bouche , ils les lavent, comme fi les eamt des fleuves d’enfer ne fuffi- «
foient pas pour cela : ils embaument leurs corps d’un baume précieux, pour *
éviter la puanteur qui commence déjà à les incommoder; ils les couronnent «
de fleurs, Si les habillent magnifiquement, de peur qu’ils n’aient froid par «
les chemins, & qu’ils ne paroiffent nus devant Cerbere. »
C’eft ainfi que fe joue Lucien à fon ordinaire ; il nous donne à entendre que
c’étoit là l’opinion de prefque tous les hommes, que lame ne mouroit point
avec le corps , & qu’il y avoir en l’autre vie des recompenfes pour les bons,
ôc des tourmens préparez pour les méchans.
Il femble que ce feroit ici le lieu de parler du paffiage de lamé aux enfers ;
mais comme entre les images où Ce paffiage eft reptéfenté, il y en a qui
repréfentent auffi les fupplices des mechans, nous refervonsce paffiage pour
le mettre à la fin de la defeription des enfers ; nous pouvons même dire que
c’eft le véritable lieu pour en parler, n’y aiant aucun inconvénient défaire
connoitre l’enfer félon le fentiment des profanes, avant que de marquer la
route pour s’y rendre.
Yidlis palus non fit idonea lavandis iis qui ibi degunt * Hic effet for ta fie locus ilium ad inferoS ànimarum
optimifque unguentis unBo ebrpore , quod jam afoetore trànfitum defcri.bendi : Verum quoniam aliquoc füp-
vehementer occupatur, tum côronatos pulcherrimis flo- pêtunt fehémata ad ilium tranfiturii fpe&antia 3 q u i
ri b us proponunt fplendide veftitos, ne videlicet per viam îchenïata in nonaullis imaginibüs cum infetni fuppli-
algeant 3 neve a Cerbero nudi confpiciantun Ira lüdit dis corijun&a funt> trànfitum ilium remiteimus ad.
Lu ci anus, ex cujus verbis arguitur opinionem fere calcem aeferiptionis in Fer nij idque nulïo difper.dio
omnium mortalium" eam fuifie animas cum corpore nihil ènim incommodi inde oritur , fi antequam anl-.
non mon., efieque ptobis præmia 9 improbis fuppli- mx eo pergant> locus quo pergunt cognofeatür.
-cia praÈparaïa.
C H A P I T R E II.
1. CDiviJton dès enfers. 1 L Sentiment de Platon. 1 U , Defeription des enfers
par Sermus.
I. #■ h E S lieux foutetrains deftinez à la demeure des âmes étoient divifeZ
\ j en trois parties, l’Enfer, le Tartare&les champs Elyfiens. L’Enfer
étoit un nom general pour lignifier tout cela ; mais on le prenoit auffi en particulier
pour le lieu de la demeure des mechans : le Tartare étoit pour les impies
, ôc les champs Elyfées pour les bienheureux. Quatre fleuves qui couloient
dans ces fombres demeures étoient l’Acheron, le Cocyte, le Styx, lePyriphle-
gethon. Pour ce qui regarde l’Enfer en general & fes parties, les anciens en
parlent fi diverfement, qu’on né peut établir que fort peu de chofes communément
reçues. L’Enfer pris en particulier étoit pour purger les âmes, 6c pour
les expier : ceux qui avoient fait du bien Si du mal pendant leur vie étoient
purifiez ,& expioient leurs fautes, avant que de paffier aux champs Elyfées.
CAPUT 1 1.
J . In fe r c n a n d iv ifio . 1 1 . P la to tiis ferit'eniidU
1 1 1 . D e fc r ifitio in fe ro tum a S e r v io .
I. T” O ca ilia fubterranea ad aiiimaruim habiti-
| . j culum deputata fecundiim quofdam tres in
partes era tit divifa 4 in inferos nempe, in Tartariim,
cc in Ely fibs cafnpbs. Inferi autem gcneratirti fliftiri
bac omnia compledtebantur,arque etiam pro malorum
improborumque habitaculo nonnunquam acci^ieban4-
Tom, V t
tur. Tartathls 6rat impidrtirti lociis, & Elyfii camp!
bcatorum fed es. Quatudr hant regionein flumina al-
luebant, Acheron , Cocytus } Styx, 8c Pyriphlege^
thon. Quantum fpe&dt alitem ad inferos genferatim
fumtos 3 èorumque divifiönem , täntatn deferiptiö-
hum diverfitarem deprehendirrius, ut circa pauciffimä
blures fibi mutuo confferitiant. Inferi divifim & pecu-
liariter accept! locus etänt animabus purgandis & ex«
piandisi Qui per hanc mortalem Vitam bona permix*
tim atque mala perpetraveranc, in inferis purgaban«
tur & expiabalitur antequam in campos Elyfios mit-«
i
)