» & dont il atteignit le tigre fi à propos, qu’il lui fit faire
» un grand faut en l’air ; cet animal en fut fi étourdi qu’il
» n’ofaplus approcher. Il fit plufieurs tours le long de la
» palifîkde , s’élançant quelquefois vers les perfonnes qui
« paroiffoient vers les galeries : on poufîà enfuite trois
s? éléphans contre lui, qui lui donnèrent tour à tour de fi
5> rudes coups qu’il fit encore une fois le mort, & ne
,> penfà plus qu’à éviter leur rencontre : ils l’euffent tué
fans doute, fi l’on n’eût fait finir le combat ». Il efl clair
par la defcription même du Père Tachard, que ce tigre
qu’il a vu combattre des éléphans, efl le vrai tigre, qu’il
parut aux François un animal nouveau, parce que probablement
, ils n’avôient vû en France dans les ménageries
que des Panthères ou des Léopards d’Afrique,
ou bien des Jaguars d’Amérique, & que les petits tigres
qu’il vit à Louvo n’étoient de même que des Panthères.
On fent auffi, par ce fimple récit, quelle doit être la
force & la fureur de cet animal; puifque celui-ci quoique
jeune encore, & n’ayant pas pris tout fon accroiffement,
quoique réduit en captivité , quoique retenu par des
liens, quoique feul contre trois , étoit encore affez
redoutable aux coloffes qu’il combattoit, pour qu’on
fût obligé de les couvrir d’un plaflron dans toutes les
parties de leur corps, que la Nature n’a pas cuiraffées
comme les autres d’une enveloppe impénétrable.
Le tigre dont le Père Gouie * a communiqué à
* O n ne connoît guère en Europe' que les tigres dont la peau efl:
mouchetée de taches; mais dans la Tartarie & dans ia C hine, on en
l’Académie des Sciences une defcription anatomique, faite
par les Pères Jéfuites à la Chine , paroît être de l’efpèce
du vrai tigre , auffi-bien que celui que les Portugais ont
appelé tigre royal , duquel M. Perrault a fait mention
dans fes mémoires fur les animaux, & dont il dit que la
defcription a été faite à Siam. Dellon b, dans fes voyages,
dit exprefîement que le Malabar efl le pays des Indes où
il y a le plus de tigres, qu’il y en a de plufieurs efpèces,
mais que le plus grand de tous , celui que les Portugais
appellent Tigre royal, efl extrêmement rare, qu’il efl
grand comme un cheval, &c.
Le tigre royal ne paroît donc pas faire une efpèce
particulière & différente de celle du vrai tigre ; il ne fe
trouve qu’aux Indes orientales, & non pas au Brefil,
comme l’ont écrit quelques-uns de nos naturalifles0. Je
fuis même porté à croire que le vrai tigre ne fe trouve
eonnoît auffi dont la peau efl raye'e de bandes noires ; & même en ces
pays-là, on prétend que ce font deux efpèces différentes, quoiqu’ils
ne paroiffent pas avoir d’autres différences que celle-là. Le tigre
rayé que les Jéfuites de la Chine diflequèrent, & qui avoit été tué à
la chaflè par l’Empereur, avec quatre autres , ne pefoit que deux cents
foixante-cinq livres, auffi n’étoit-il pas des plus grands : un des autres
pefoit quatre cents livres. Celui qui fut difféqué avoit un tiers de
l’eftotuac plein de vers, & l’on ne pouvoir pas dire qu’il fût corrompu.
Quelqu’un qui étoit prélënt, dit qu’on avoit trouvé la même
choie à un autre tigre qu’il avoit vû ouvrir à Macao. H ijl, le l ’Acad.
des Sciences, année i 6y y , page j i . .
* Mém. pour fervir à l’hiftoire des Animaux., part. I l , page 2 S y .
1 Voyages de D ellon, page 104.
c Brillon, Regn, animal, pag. 26y.
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