2 2 H i s t o i r e N a t u r e l l e
premier bond : dans les déferts & les forêts, là nourriture
la plus ordinaire font les gazelles & les linges,
quoiqu’il ne prenne ceux-ci que lorfqu’ils font à terre,
car il ne grimpe pas fur les arbres comme le tigre ou le
Puma 1 ; il mange beaucoup à la fois 6c fe remplit pour
deux ou trois jours ; il a les dents li fortes qu’il brifo
aifément les o s , 6c il les avale avec la chair. On prétend
qu’il lùpporte long-temps la faim; comme fon tempérament
ell excelfivement chaud, il fupporte moins
patiemment la foif, & boit toutes les fois qu’il peut
trouver de l ’eau, il prend l ’eau en lappant comme un
chien ; mais au lieu que la langue du chien fe courbe
en delfus pour lapper, celle du lion fe courbe en def-
fous, ce qui fait qu’il ell long-temps à boire & qu’il
perd beaucoup d’eau ; il lui faut environ quinze livres
de chair crue chaque jour ; il préfère la chair des animaux
vivans, de ceux fur-tout qu’il vient d’égorger; il
ne fe jette pas volontiers fur des cadavres infeéts, &
il aime mieux chalfer une nouvelle proie que de retourner
chercher les relies de la première : mais quoique d’ordinaire
il fe nourrilfe de chair fraîche, fon haleine ell
très-forte 6c fon urine a une odeur infupportable.
L e rugilTement du lion ell fr fort que quand il fe fait
entendre, par échos, la nuit dans les déforts, il relfemble
au bruit du tonnerre 1 ;, ce rugilTement ell là voix ordinaire
, car quand il ell en colère il a un autre cri, qui ell
* Vide Klein , dt quadrup. pag. 8 2.
b Voyei les Voyages de la EouIlaye-le-Gouz, page j 2 9.
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court & réitéré fubitement ; au lieu que le rugifiement
ell un cri prolongé, une elpèce de grondement d’un
ton grave, mêlé d’un frémilfement plus aigu : il rugit
cinq ou fix fois par jour, 6c plus fouvent lorfqu’il doit
tomber de la pluie *. Le cri qu’il lait lorfqu’il ell en
colère, ell encore plus terrible que le rugilTement; alors
il fe bat les flancs de là queue, il en bat la terre, il agite
là crinière, lait mouvoir la peau de là fàce, remue les
gros Iburcils, montre des dents menaçantes 6c tire une
langue armée de pointes fi dures, qu’elle liuflît foule
pour écorcher la peau 6c entamer la chair làns le fecours
des dents ni des ongles, qui font après les dents fes armes
les plus cruelles. Il ell beaucoup plus fort par la tête,
les mâchoires 6c les jambes de devant, que par les parties
poltérieures du corps ; il voit la nuit, comme les chats ;
il ne dort pas long-temps 6c s’éveille aifément; mais
c ’elt mal-à-propos que Ton a prétendu qu’il dormoit les
yeux ouverts.
La démarche ordinaire du lion eû Gère, grave âc
lente, quoique toûjours oblique; fâ courfe ne fe làit pas
par des mouvemens égaux, mais par fauts 6c par bonds,
6c fos mouvemens font fi brufques qu’il ne peut s’arrêter
à l’inflant 6c qu’il pafle prefque toûjours fon but: lorfqu’il
faute fur fa proie il làit un bond de douze ou quinze
pieds, tombe delfus, la làifit avec les pattes de devant,
la déchire avec les ongles 6c enfoite la dévore avec les
* C ’eft du fleur de Saint-Martin, maître du Combat du Taureau ,
qui a nourri plufieurs lions, que nous tenons ces derniers faits.