l ’Amérique ne font pas précifément ceux du nord de
l’A fie , ce font pluftôt ceux du nord de l’Europe. Il en
ell de même des animaux des contrées tempérées : l’ar-
gali *, k zibeline, la taupe dorée de Sybérie, le rnufc de
la Chine ne fe trouvent point à la baye d’Hudfon, ni dans
aucune autre partie du nord-oueft du nouveau continent;
on trouve au contraire dans les terres du nord - efl de
1 Amérique, non feulement les animaux communs à
celles du nord en Europe & en A f ie , mais auflî ceux qui
femblent être particulieFS à l’Europe feule, comme l’élan,
le renne, &c. néanmoins il faut avouer que les parties
orientales du nord de l’Afie font encore fi peu connues
qu’on ne peut pas afurer h les animaux du nord de
l’Europe s’y trouvent ou ne s’y trouvent pas.
Nous avons remarqué comme une chofe très-fingu-
lière, que dans le nouveau continent les animaux des provinces
méridionales font tous très-petits en comparaifon
des animaux des pays chauds de l’ancien continent. Il n’y
a en effet nulle comparaifon pour la grandeur de l’éléphant,.
du rhinocéros, de l’hippopotame, de la giraffè,
du chameau, du lion, du tigre, &c. tous animaux naturels
& propres à l’ancien continent, & du tapir, du
cabiai, du fourmiller, du lama, du puma, du jaguar,
* Argalt, animal de Sybérie dont M. Gmeiin donne une bonne
defcription dans îe premier tome de Tes Voyages, page 3 6S , &
qu’il croit etre ie même que le Mujimon ou Mouflon des Anciens.
Piine a parié de cet animal, & Gefner en fait mention dans fon
Hiftoire des quadrupèdes, pages p y 4 à" p y / .
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&c. qui font les plus grands animaux du nouveau monde ;
les premiers font quatre, fix , huit & dix fois plus gros
que les derniers. Une autre obfervation -qui vient encore
à l’appui de ce fait général, c ’efl que tous les animaux
qui ont été tranfportés d’Europe en Amérique , comme
les chevaux, les «ânes, les boeufs, les brebis-, les chèvres,
les cochons, les chiens, &c. tous ces animaux, dis-je,
y font devenus plus petits; & que ceux qui n’y ont pas
été tranfportés & qui y font allés d’eux-mêmes, ceux
en un mot qui font communs aux deux mondes, tels
que les loups , les renards, les cerfs, les chevreuils,
les élans font auffi confidérablement plus petits en Amérique
qu’en Europe, & cela fins aucune exception.
Il y a donc dans la combinaifon des élémens & des
autres caufes phyfiques, quelque chofe de contraire à
l ’agrandiffement de la Nature vivante dans ce nouveau
monde ; il y a des obflacles au développement & peut-
être à la formation des grands germes; ceux mêmes qui,
par les douces influences d’un autre climat, ont reçû leur
forme plénière & leur extenfion toute entière, fe ref-
fèrrent, fe rapetiffent fous ce ciel avare & dans cette terre
vuide, où l’homme en petit nombre étoit épars, errant;
où foin d’ufer en maître de ce territoire comme de
fon domaine, il n’avoit nul empire; où ne s’étant jamais
foûmisni les animaux ni les élémens, n’ayant ni dompté
les mers, ni dirigé les fleuves , ni travaillé la terre, il
n étoit en lui-même qu’un animal du premier rang,
& n exiftoit pour la Nature que comme un être fans