de notre boeuf, paroît encore n’être qu’une différence
qui pourrait venir de l’influence du climat, comme on
le voit dans nos chèvres, nos chats & nos lapins, lorf-
qu’on les compare aux chèvres, aux chats & aux lapins
d’Angora, qui, quoique très-différens par le poil, font
cependant de la même elpèce : on pourrait donc imaginer
avec quelque forte de vrai-femblance ( llir-tout fi
le bifon d’Amérique produifoit avec nos vaches d’Europe
), que notre boeuf auroit autrefois paffé par les
terres du Nord contiguës à celles de l’Amérique fepten-
trionale, & qu’enfuite ayant defcendu dans les régions
tempérées de ce nouveau monde, il auroit pris avec le
temps les impreflîons du climat, & de boeuf ferait devenu
bifon. Mais jufqu’à ce que le fait effentiel, c’eft-à-dire
la faculté de produire enfemble, en foit connu, nous
nous croyons en droit de dire que notre boeuf efl un
animal appartenant à l’ancien continent, & qui n’exifloit
pas dans le nouveau avant d’y avoir été tranfporté.
Il y avoit encore moins de brebis * que de boeufs en
Amérique; elles y ont été tranfportées d’Europe, &
elles ont réulfi dans tous les climats chauds & tempérés
de ce nouveau continent : mais quoiqu’elles y ! foient
affez prolifiques, elles y font communément plus maigres,
& les moutons ont en général la chair moins fucculente
& moins tendre qu’en Europe : le climat du Brefil efl
apparemment celui qui leur convient le mieux, car c’eft le
* Voyei l’Hiftoire des Incas. Paris, 1 7 4 4 , tome I I , page 322 ,
1 yijiei l’Hiftoire du Brefil, par Pifon & Marcgrave.
feul du nouveau monde où ils deviennent excelfivement
grasa. L ’on a tranfporté à la Jamaïque non feulement des
brebis d’Europe, mais aulfi des moutons b de Guinée,
qui y ont également réulfi : ces deux efpèces, qui nous
paroiffent être différentes l’une de l’autre, appartiennent
également & uniquement à l’ancien continent.
Il en efl des chèvres comme des brebis, elles n’exif-
toient point en Amérique , & celles qu’on y trouve
aujourd’hui & qui y font en grand nombre, viennent
toutes des chèvres qui y ont été tranfportées d’Europe.
Elles ne fe font pas autant multipliées au Brefilc que les
brebis ; dans les premiers temps , lorfque les Efpagnols
les tranfportèrent au Pérou, elles y furent d’abord fi rares
qu’elles fe vendoient jufqu a cent dix ducats pièced ; mais
elles s’y multiplièrent enfuite fi prodigieufement qu’elles
fe donnoient prefque pour rien, & que l’on n’eflimoit
que la peau ; elles y produifent trois , quatre & jufqu’à
cinq chevreaux d’une feule portée, tandis qu’en Europe
elles n’en portent qu’un ou deux. Les grandes & les petites
ifles de l’Amérique font aulfi peuplées de chèvres que
les terres du continent ; les Efpagnols en ont porté jufque
* Voye^ l’Hiftoire du nouveau monde, par Jean de Laet. Leyde,
j 640,1'iv. X V , chap. x r .
h O mis Guiaeenfis feu Angolenfis. Marcgravii, lib. V I, cap. x . Ray,
Synopfis, pag. 75. Voye^ l’Hiftoire de la Jamaïque, par Hans Sloane.
Londres, 170 7 , vol. 1, page 7 y de l ’ Introduâion.
c Voyei l’Hiftoire du nouveau monde, liv. X V , chap. X V .
* Voyei l’Hiftoire des Incas, tome I I , page y 2 2 .
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