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effets que le manque d’exercice & la captivité : aucun
animal des pays chauds ne peut produire dans les climats
froids, y fût-il même très-libre & très-largement nourri;
& comme la reproduélion n’e f qu’une fuite naturelle
de la pleine nutrition, il efl évident que la première ne
pouvant s’opérer, la fécondé ne fe fait pas complètement,
& que dans ces animaux, le froid feul fuffit pour
reflreindre la puiffance du moule intérieur, & diminuer
les facultés aétives du développement, puifqu’il détruit
celles de la reproduétion.
Il n’ell donc pas étonnant que ce tigre dont le fque-
iette & la peau nous font venus de la ménagerie du Roi,
ne foit pas parvenu à fa jufle grandeur ; cependant la
ffule vûe de cette peau bourée donne encore l’idée d’un
animal formidable; & l’examen du fquelette * ne permet
pas d’en douter. L ’on voit fur les os des jambes des
ru<rafités qui marquent des attaches de mufcles encore
plus fortes que celles du lion ; ces os font auffi folides ,
mais plus courts, & comme nous l’avons dit, la hauteur
des jambes dans le tigre n’efl pas proportionnée à la
grande longueur du corps. Ainfi cette vîteffe terrible
dont parle Pline, & que le nom b même du tigre paraît
indiquer, ne doit pas s’entendre des mouvemens ordinaires
de la démarche, ni même de la célérité des pas
‘ Voyez ci-après la defcription du fquelette du Tigre.
>> Tigris vocabulum eß linguoe Armenioe, nam ibi & fagitta i f quod
vehementijfum flumen , dicitur tigris. Varro , de lingua latina.— Perfte
(X Medi fagittam tigrim mmcnpant. Gefn. H iß. quadrvp. pag.
dans une courfe fuivie ; il efl évident qu’ayant les jambes
courtes, il ne peut marcher * ni courir auffi vite que
.ceux qui les ont proportionnellement plus longues : mais
cette vîteffe terrible s’applique très-bien aux bonds prodigieux
qu’il doit faire fans effort; .car en lui fuppofant,
proportion gardée , autant de force & de foupleffe qu’au
chat qui lui reffemble beaucoup par la conformation, &
qui dans l ’infant d ’un clin d’oeil, fait un faut de plufieurs
pieds d’étendue; on ..fendra que le tigre dont le corps
efl dix fois plus long, peut dans un infant prefque auflï
court faire un bond de plufieurs toiles. Ce n’efl donc
point la célérité de fa courfe, mais la vîteffe du faut que
Pline a voulu défigner, & qui rend en effet cet animal
terrible, parce qu’il n’e f paspofible d’en éviter l ’effet.
L e tigre efl peut-être le feul de tous les animaux dont
on ne puiffe fléchir le naturel: ni la force , ni la contrainte,
ni la violence ne peuvent le dompter. Il s’irrite des
bons comme des mauvais traitemens ; la douce habitude
qui peut tout, ne peut rien fur cette nature de.fer; le
temps loin de l’amollir en tempérantles humeurs féroces,
ne fait qu’aigrir le fiel de Ci rage , il déchire la main qui
' * Ge que dit Pline, que cet animal eft d’une vîteffe terrible, eft
line erreur, dit Bontius ; car au contraire il eft lent à courir , & c’eft à
caufe de cela qu’il attaque plus volontiers les hommes que les animaux
qui courent bien , comme les cerfs, les làngliers,. les buffles, les boeufs
fàuvages p'qu’if n’attaque tous qu’en fe mettant en embufcade; il fe
jette impétueufement liir leur tête, & terraffe d’un feu! coup de patte
ks animaux les plus forts. Bont. pag. j j & ƒ 4 . II eft, comme l’on
Toit, fort aile de concilier ces faits avec les exprefïkms .de-Pline.